Animatrice aux Equipes populaires, un mouvement oeuvrant pour une société d’égalité et de justice sociale, Christine Steinbach partage sa vision de la place de l’environnement dans la sphère d’action sociale. Etre concret, tenir compte du quotidien, articuler l’individuel au collectif… tels sont quelques conseils prodigués pour adapter les pratiques pédagogiques au public précarisé.
Question de vocabulaire…
L’adjectif « précarisé » peut s’appliquer aux personnes qui manquent des revenus nécessaires pour assurer leurs besoins et/ou ne disposent pas du capital culturel et/ou de l’insertion dans un réseau pour accéder à l’information et pouvoir la décoder, trouver de l’aide, faire des démarches, etc. Cela renvoie à l’idée que le système « précarise » certains groupes, en n’assurant pas un emploi stable, un parcours scolaire fructueux, etc. C’est donc plus large que de parler de personnes « pauvres » ou « à faibles revenus », qui sont, à mes yeux, des termes clairs et justes, mais ne ciblent que l’aspect financier. En parlant de personne « fragilisée », on a tendance à laisser l’individu face à ses responsabilités, en oubliant la responsabilité collective. Or, si la pauvreté existe c’est parce que c’est une construction. S’il y a de la pauvreté, c’est principalement parce que les revenus sont mal répartis.
Comment l’environnement est-il perçu par les personnes précarisées ?
L’environnement n’est pas la première chose qui vient à l’esprit des personnes précarisées. C’est quand les animateurs l’impulsent qu’on peut voir s’il y a un intérêt. Quand on travaille sur les enjeux liés à l’environnement et qu’on lance un débat critique, les gens se sentent concernés.
Lorsque nous avons l’occasion d’aborder l’environnement avec des groupes plus précarisés, une tension revient fréquemment : d’un côté, aborder la question de l’impact de l’activité humaine sur l’environnement est motivant pour ces publics dans la mesure où cela permet de sortir les préoccupations de la sphère strictement personnelle pour les réaborder sous un angle élargi. Cela permet de se sentir relié à ce qui nous entoure, de se rappeler de l’interdépendance avec les éléments naturels et de se sentir une responsabilité vis-à-vis de cela. Mais d’un autre côté, le discours général sur la préservation de l’environnement nous ramène trop souvent à un ciblage des comportements personnels, justement, (que puis-je faire, moi, pour…), qui éteint cette motivation et fait place à un sentiment de culpabilité, ou d’impuissance, voire à un rejet. Pour en sortir, il faut pouvoir sans cesse articuler l’individuel au collectif, ce qui conduit aussi à montrer où en sont les tensions entre les intérêts économiques, environnementaux, politiques, ce qui n’est souvent pas très reluisant, il faut bien le dire.
Et le rôle du politique dans tout ça ?
Il ne suffit pas de rajouter une couche d’écologie dans le social. Si on montre que le social et l’environnement sont intimement liés, les gens se sentiront concernés. Il est essentiel d’identifier quels sont réellement les besoins de ces populations. Le photovoltaïque, ça touche combien de personnes ? Une partie de la population a surtout besoin de logement mieux isolés, par exemple.
Dans le cadre de notre campagne énergie, les outils ont été élaborés de manière à proposer des choses faisables chez eux. Un locataire a très peu la possibilité d’envisager une rénovation pour mieux isoler. Il faut donc mettre en avant d’autres types de mécanismes. Par exemple, apprendre entre locataires à s’adresser ensemble au propriétaire.
Comment adapter les pratiques pédagogiques avec ce type de public ?
Il est essentiel de partir du témoignage des gens, de ce qu’ils vivent. C’est important de partir du concret et sortir de l’injonction du comportement. La thématique des déchets par exemple : on nous martèle qu’il faut absolument trier ses déchets, alors que certaines personnes vivent dans de petits appartements ou d’autres encore ne disposent pas d’ascenseur alors qu’elles ont des soucis de santé. Mais ne faut-il pas se poser la question du suremballage ? Il faudrait aussi poser des limites à la production.
L’aspect collectif est important. Changer des comportements tout seul par rapport à des habitudes qu’on a depuis longtemps, c’est pas évident. Agir collectivement, c’est par exemple s’organiser dans son quartier pour répondre à des factures trop élevées. C’est interpeller les propriétaires concrètement et ensemble au sein de sa cité.
Plus les gens manquent de moyens financiers et sont exclus de réseaux (parce qu’ils n’ont pas d’emploi, parce qu’ils déménagent souvent et vivent de façon précaire, parce qu’ils sont en pays étranger, etc.), moins ils ont accès à l’information. Il ne s’agit pas seulement de disposer d’une information mais aussi, voire surtout, de pouvoir la décoder, la comprendre, l’utiliser, la comparer… C’est pourquoi il est, à nos yeux, très important d’aller vers les personnes et d’adapter l’information en partant de choses très concrètes, qui concernent le quotidien, que les gens peuvent donc accueillir de façon critique, avant de remonter vers des questions plus larges, plus globale et aussi plus abstraites. L’info la plus largement répandue et immédiatement visible, c’est… la pub. Et ce n’est pas avec la pub qu’on apprend quelque chose d’éclairé sur le développement durable ou l’objection de croissance ou la justice sociale !
Propos recueillis par Céline Teret, dans le cadre de la rédaction de Symbioses (dossier « Précarité : une question d’environnement ? » – n°80), magazine d’Education relative à l’Environnement du Réseau IDée
- Centre Communautaire des Equipes Populaires : Rue de Gembloux 48 – 5002 Namur, 081 73 40 86 www.e-p.be
- Lire aussi le dossier « Précarité : une question d’environnement ? » de Symbioses, magazine de l’éducation à l’environnement du Réseau IDée. Infos : www.symbioses.be
[...] (n°80), ainsi que sur Mondequibouge.be les articles suivants : – Environnement et inégalités – Environnement et social, intimement liés – L’environnement, une préoccupation de pauvres? Et enfin, les actes des Rencontres de [...]
Quels criteres doit on demander pour nomer un responsable E & S dans une entreprise a l etranger ?