Ces petites merveilles technologiques ont tout pour plaire : elles sont de plus en plus petites et performantes. Elles sont constamment en renouvellement et donc très tendance… en un mot in-dis-pen-sables !
Et surtout, elles seraient la solution que nous attendions tous pour enfin alléger notre empreinte écologique en permettant la dématérialisation !
Objectif raté ?
Notre société numérique consommerait de moins en moins de matières premières ? Pas si sûr.
En 2008, les familles belges ont acheté 78 millions d’appareils électriques et électroniques : de quoi donner le tournis. Certes, aujourd’hui le courriel remplace l’envoi de lettres, la visioconférence évite des déplacements. Mais on n’a jamais autant consommé de papier que depuis le « boom » informatique.
En outre, alors que la production des biens électroniques et informatiques ne cesse d’augmenter, la durée de vie de ces mêmes biens, elle, diminue, produisant ainsi des tonnes de déchets.
Aurait-on « raté » quelque chose avec la révolution informatique ?
Nos besoins électroniques
Des GPS pour prendre l’autoroute, des GSM dès 9 ans, des consoles vidéo dernière génération à tous les noëls… Il semblerait que l’on ait créé de nouveaux besoins, le plus souvent superflus. Cela fait penser à l’adage préféré d’écoconso : « consommer moins et mieux ».
Certes, l’informatique et ses applications dans tous les domaines constituent une avancée majeure pour l’humanité. Mais il est nécessaire de porter un regard critique sur la durabilité de cette société de l’information.
Du fait de l’apparente légèreté des informations manipulées, les technologies de I’information (TIC) véhiculent une image « propre ». Ce qui sert avantageusement les intérêts des fabricants car l’écologie est devenue un argument de vente.
Explorons la face cachée de nos appareils électriques et électroniques.
La production
Pour respecter les équilibres naturels, nous devrions limiter nos émissions de CO2 à 1600 kg par personne et par an. Or, la fabrication de 2 ordinateurs suffisent à les émettre.
De l’eau dans mon ordi ? ? ?…
La production de nos appareils électriques et électroniques a une lourde empreinte écologique. Un ordinateur de 24 kilos avec écran 17 pouces nécessite, selon un rapport de 2003 : 1,8 tonne de matériaux dont 240 kg d’énergie fossile, 22 kg de produits chimiques et 1.500 litres d’eau.
A l’instar des chaussures, du textile ou des jouets, la quasi-totalité de la production du matériel électronique et informatique est externalisée (en particulier en Asie).
Des mineurs pour sortir mon gsm de terre ? ? ?…
Beaucoup de métaux nécessaires à la fabrication d’un ordinateur sont rares (cuivre, zinc, or, coltan ou encore cobalt). Un GSM contient par exemple 19% de cuivre et 8% de fer. Et le réseau ADSL des Etats-Unis représente 3 milliards de km de fil de cuivre. Ces métaux proviennent de pays du Sud où ils sont exploités à bas coût de main-d’œuvre. Ainsi, la moitié des besoins mondiaux en cobalt (batteries de gsm) est uniquement fournie par la Zambie et le Congo.
Les mines contribuent à contaminer l’eau et les sols par les résidus de métaux toxiques.
Les dommages pour la santé des travailleurs sont énormes. Le plomb peut entraîner par exemple des dégâts irréversibles au système nerveux.
L’utilisation
Toujours dans le wagon qui me mène en vacances, je constate que le nombre de prises électriques s’est multiplié. Il y a 10 ans, il fallait s’enfermer dans les toilettes (c-à-d dans 0,5m²) pour brancher un chauffe-biberon ! Aujourd’hui dans certains trains, on peut disposer de tablettes (dimensionnées aux formats des ordinateurs portables) et de prises électriques à foison.
La société des télécommunications
En 2009, au niveau mondial, selon l’Agence internationale de l’Energie, les gadgets électroniques ont représenté 15% des dépenses électroniques des ménages. C’est le secteur où la consommation augmente le plus vite.
Le saviez-vous ? Sur une année, une console de jeux consomme plus d’énergie qu’un lave-linge et un ordinateur davantage qu’un réfrigérateur. Et comme si tous ces coûts énergétiques n’étaient pas assez élevés, ceux des boîtiers Internet et décodeurs TV allumés en permanence ne sont pas inclus dans ces calculs.
On estime les coûts d’énergie cachés des appareils en veille à 4,8 milliards d’euros dans l’UE. Ce qui correspond à 180 millions de tonnes de CO2, soit à la moitié de l’objectif de réduction de l’UE dans le cadre du protocole de Kyoto.
Des données virtuelles qui pèsent lourd
Et ce n’est pas tout : la consommation d’électricité des centres de serveurs qui stockent les milliards de données que nous générons chaque année est considérable.
En effet, 487 milliards de gigaoctets de données, l’équivalent de 104 milliards de DVD, ont été produits en 2008. Les réseaux sociaux ne sont pas étrangers à cette boulimie numérique, qui a aussi un impact environnemental.
L’empreinte numérique de chaque habitant de la planète se passe de commentaires : en 2008, elle représentait environ 78 DVD par personne (et c’est une moyenne) !
Selon IDC (International Data Corporation), chacun des disques durs utilisés par millions dans les centres de données de la planète coûte 25 euros par an rien qu’en frais d’électricité et de refroidissement.
D’ici 2012, le nombre d’utilisateurs de téléphones mobiles sera multiplié par trois, dont une majorité sera connectée à Internet. Dans un tel contexte, il semble difficile d’imaginer une solution technique satisfaisante pour répondre aux besoins toujours plus destructeurs de l’homme numérique.
La revalorisation et le traitement
La dématérialisation ne dématérialise pas les déchets
Un européen produit en moyenne 14 kg de déchets informatiques chaque année. Ces déchets sont de plus en plus complexes et donc plus difficiles à traiter.
Même l’ordinateur le plus simple est composé de 24 sortes de plastiques, dont certains sont recyclables et d’autres pas : cela demande un tri minutieux !
Exportation de biens usagés
Selon des estimations du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), près de 75% des écrans d’ordinateurs et de télévision vendus en Europe aboutissent dans les pays du Sud.
Or, la convention de Bâle interdit l’exportation des déchets dangereux des pays riches vers les pays pauvres. Ce sont donc officiellement des biens usagés qui sont envoyés vers l’Afrique ou l’Asie par containers entiers, et non des déchets.
Les filières de traitements appropriés faisant souvent défaut sur place, des milliers de travailleurs les démontent sur des chantiers au détriment de leur santé et de l’environnement. Il faut savoir par exemple que le cadmium contenu dans un seul GSM est suffisant pour contaminer 600.000 litres d’eau.
Greenpeace estime que près de la moitié des déchets électriques et électroniques exportés vers l’Asie ou l’Afrique sont illégaux.
Et les solutions ?
Prendre conscience que ces objets ne sont pas anodins
Utilisons nos appareils tant qu’ils fonctionnent. Plus leur durée de vie sera longue, plus leur impact écologique sera faible. Ne multiplions pas leur présence dans nos vies.
Ce sont les premières mesures à prendre.
Encourager les performances environnementales et sociales des fabricants
L’ONG Greenpeace épluche régulièrement les nouveaux joujoux de l’industrie électronique et édite un classement des 18 plus grandes compagnies. Les firmes sont évaluées en fonction de l’élimination des substances suspectes de leurs produits, le recyclage des produits devenus obsolètes et la réduction des conséquences de leur activité sur le climat.
Dans la dernière édition (mai 2010), seules 2 compagnies sont dans le vert.
Restons lucides sur les arguments marketing, ils concernent souvent l’accessoire.
Rappelons qu’à l’instar des voitures, un ordinateur ne méritera vraiment une étiquette verte que lorsqu’il aura un bilan concluant sur l’ensemble de son cycle de vie.
Un écran, pas trop grand
Les LCD sont moins consommateurs d’énergie que les CRT c’est vrai, mais plus l’écran est grand, plus il consomme ! Les gains de consommation dus aux performances des équipements actuels sont en grande partie compensés par la multiplicité des équipements et l’augmentation de la taille des écrans.
Assurer un retraitement correct
En Belgique, 4 millions de GSM ne serviraient plus et dormiraient dans nos tiroirs. Des sociétés collectent et retraitent ces appareils en fin de vie. Ces sociétés reconditionnent 90% des téléphones collectés et les revendent aux pays du Sud, où ils sont réutilisés. Ce n’est cependant pas la solution ultime : après leur envoi en Afrique ou en Asie, que deviendront ces appareils (et leurs métaux) lors de leur seconde mort (loin de normes sociales et environnementales dignes de ce nom) ?
Soutenir la campagne « Good electronics »
Goodelectronics http://goodelectronics.org demande aux entreprises du secteur de faire preuve de transparence sur leurs filières d’approvisionnement, d’adopter une approche multipartite en concertation avec les représentants des travailleurs concernés.
Finalement, la fameuse société de l’information que l’on nous vend comme dématérialisée, s’avère être un prolongement de l’économie classique, avec des biens matériels à base de ressources naturelles limitées.
Des indicateurs montrent que les consommations des TIC s’ajoutent aux consommations existantes. Selon Fabrice Flipo (chercheur au groupe de recherche interdisciplinaire : « Ethique, Technologie, Organisations, Société »), l’effet de substitution est partiel et il semble que nous soyons encore loin d’un « découplage ».
Des TIC pas systématiques
30 juillet, train du retour, le jeune indien assis à coté de moi vient d’une région où l’on fabrique des centaines de microprocesseurs à l’heure… Il vit à La Rochelle et dit que c’est très différent de Bangalore. Laissons-lui le mot de la fin : « En Inde il est plus facile de communiquer avec les gens. Ici, les gens ont tous des écouteurs ou des téléphones portables aux oreilles… Finalement c’est très paradoxal. »
Une piste à exploiter : réduire notre consommation et reprendre goût aux formes humaines de communication.
Sur ce, j’éteins mon ordinateur.
Article rédigé par Lise Frendo dans « L’art d’éco…consommer! » la newsletter d’écoconso (n°62, septembre 2010)