Symbole de notre ère moderne et de globalisation, de la communication facile et des contacts instantanés, difficile de vivre sans GSM aujourd’hui. Mais quels sont les effets secondaires ? Les démonter permet en effet de comprendre les enjeux mondiaux autours des minerais et de leur exploitation.
Centrons-nous sur l’un des composants des GSM : le coltan. On le retrouve dans les lits des rivières, les dépôts d’alluvions et les roches tendres. Une fois raffiné, le coltan devient du tantale, un minerai dense (deux fois plus que l’acier), excellent conducteur d’électricité, facilement malléable et très résistant à la corrosion et à la chaleur. On le retrouve aujourd’hui dans la fabrication d’un grand nombre de composantes électroniques, présents tant dans des produits dits de consommation habituelle (Gsm, caméra, vidéo, ordinateur, etc.) que dans des produits hautement spécialisés (missiles, réacteurs d’avion, satellites, etc.).
Bien qu’actuellement seuls 5% à 10% de la production mondiale viendraient (officiellement) de la RD Congo – dans l’est, les provinces du Kivu – l’Afrique possèderait plus de 60% des réserves mondiales.
Le paradoxe de l’abondance
Il existe en RD Congo un code minier qui tente de régulariser les pratiques extractives, mais ce secteur est encore et toujours aujourd’hui largement informel. On estime que 6 millions de congolais sont concernés par l’activité minière artisanale (1), soit 15% de la population du pays, la plus grande activité économique après l’agriculture ! Or la demande mondiale est en constante augmentation.
Une demande en expansion, des cours élevés, des ressources en quantité… Riches alors, les Congolais ? Il serait en effet logique que les ressources minières représentent une source de développement à la fois économique et social pour les pays qui en disposent. Force est pourtant de constater que, paradoxalement, ce sont souvent eux qui se situent parmi les plus pauvres du monde (2). Au lieu de voir le bénéfice de leur exploitation, les populations vivant aux alentours des gisements d’or, de coltan ou de pétrole subissent les multiples impacts négatifs qui en découlent : pollutions environnementales, menaces sur la santé et conditions de travail désastreuses, sécurité et souveraineté alimentaires mises en danger, corruption, fraude et évasion fiscale, etc (3).
Quelques outils pédagogiques pour s’interroger avec les jeunes sur l’utilisation du téléphone portable/GSM :
> « Le GSM en questions » (dans Symbioses n°73, hiver 2006-2007) : en Belgique, 82% des 9-18 ans possèdent un téléphone portable. Ce article analyse ce phénomène colossal de consommation et de communication et propose quelques trucs pratiques, ainsi que des pistes d’activités à expérimenter avec les jeunes dès 12 ans.
> « Allo, t’es où ? Le téléphone portable en cinq dimensions » (Déclaration de Berne / Terre des hommes Suisse, 2009) : cette fiche pédagogique vise à décortiquer son téléphone portable sous cinq dimensions : social, environnement, économie, espace, temps. Elle invite ados à découvrir ce qui se cache derrière cet objet faisant partie de leur quotidien.
> « Découvre le vrai coût de ton portable » (Campagne Vêtements propres, 2011) : Réalisée dans le cadre de la campagne Make IT Fair, cette brochure propose aux jeunes à partir de 15 ans quelques éléments d’information sur les réalités des travailleurs/euses qui fabriquent les téléphones portables…
> Au sujet du thème plus spécifique des ressources minières : les outils et formations de Justice et Paix (voir ci-dessous « En savoir plus »)
Concernant les pollutions environnementales par exemple, l’extraction minière est extrêmement polluante essentiellement parce qu’elle nécessite l’utilisation de métaux lourds. Malgré les précautions prises par les entreprises minières pour éviter que les eaux usées contaminées ne se répandent dans la nature, les fuites sont inévitables et il arrive fréquemment qu’elles polluent les sols et les cours d’eau environnants. Et ces destructions environnementales sont plus importantes dans les pays du Sud où les réglementations visant à protéger l’environnement sont laxistes et/ou mal appliquées.
Conflits armés
En RD Congo, l’une des plus terribles conséquences de l’exploitation du coltan est sans doute la constante alimentation des conflits armés, touchant surtout l’Est du pays, précisément les Kivus. Le désastre humanitaire en cours a déjà fait des millions de morts et de déplacés et de nombreux rapports continuent d’établir les liens avec le commerce international du coltan (4). Il s’agit en effet d’une activité extrêmement lucrative et ce, pour les différents maillons de la chaîne, sauf pour les creuseurs : les négociants des villages puis des provinces, les comptoirs d’achats qui exportent via des courtiers internationaux, les entreprises qui transforment et commercialisent, les « collecteurs de taxes » (militaires et groupes armés), le gouvernement… ! Chaque maillon se nourrit de l’instabilité du pays et de la faiblesse de l’appareil d’Etat qui ne parvient pas à instaurer un contrôle sur les activités des différents acteurs de l’exploitation
Que faire ?
Difficile de trouver une solution simple à ce problème multiforme. De nombreuses pistes existent pour encadrer le travail des entreprises sur le terrain, améliorer la traçabilité des minerais, accompagner les efforts de bonne gouvernance des Etats, etc.
Toutefois, puisque le consommateur final est indéniablement l’un des acteurs importants de la chaîne, nous disposons là, nous, citoyens, d’un levier non négligeable. Si le but ne doit en aucun cas être une culpabilisation des utilisateurs/consommateurs que nous sommes, insister sur le droit à l’information et au choix responsable peut constituer une piste de travail pour les éducateurs de tous poils. Questionner, chercher des solutions de consommation plus durables, et … se re-poser la question de leur utilisation première : téléphoner, garder, entretenir le lien. A quel prix ?
Laure Malchair, Commission Justice et Paix
Article publié dans Symbioses n°98 « Creusons le sol », printemps 2013, téléchargeable sur www.symbioses.be
(1) On ne parle évidemment pas ici que du coltan. La RD Congo détient également 50% des réserves mondiales de cobalt, 10% du cuivre, 80% du diamant, un important potentiel en ce qui concerne l’or, l’uranium, le manganèse, l’étain, les bois précieux….
(2) L’indicateur de développement humain (IDH), prenant en compte le bien-être individuel ou collectif, est éclairant à ce sujet. Sur 187 pays, les Philippines se classent 112e, le Guatemala, 131e, le Ghana, 135e, la Sierra Leone, 180e et la RDC est dernière (187e/187).
(3) Pour plus de détails sur ces conséquences en RDC, voir les fiches pédagogiques de Justice et Paix « Les ressources minières : richesse ou malédiction ? Le cas de la République Démocratique du Congo », 2012
(4) Voir par exemple le Rapport final du Groupe d’Experts des Nations Unies sur la République Démocratique du Congo (15 novembre 2012), S/2012/843 – disponible sur internet
- Justice et Paix propose aux enseignants des formations sur l’exploitation des ressources minières dans les pays du Sud. Chaque formation alterne, sur un ou deux jours, des modules consacrés à un apport de contenu et d’autres axés sur des pistes d’exploitation pédagogiques. Les participants y testent différents outils (dont leur « Valise pédagogique sur les ressources minières », 2012, 5€)… Ensemble, ils font les liens avec les programmes de géographie, d’histoire et de sciences humaines. Ils échangent leurs idées, expériences et construisent des pistes directement applicables en classe. Contact : 02 738 08 01 – www.justicepaix.be
- Lisez deux autres articles sur Mondequibouge.be au sujet des coulisses de l’électronique : « Chronique de l’électronique » et « A quand l’informatique écologique et éthique? »