De quoi ça parle ?
« Suite à la publication d’une étude qui annonce la possible disparition d’une partie de l’humanité d’ici 2100, Cyril Dion et Mélanie Laurent partent avec une équipe de quatre personnes enquêter dans dix pays pour comprendre ce qui pourrait provoquer cette catastrophe et surtout comment l’éviter.
Durant leur voyage, ils rencontrent les pionniers qui réinventent l’agriculture, l’énergie, l’économie, la démocratie et l’éducation. En mettant bout à bout ces initiatives positives et concrètes qui fonctionnent déjà, ils commencent à voir émerger ce que pourrait être le monde de demain… »
Brouhaha dans la salle obscure du cinéma Le Vendôme, Porte de Namur, à Bruxelles. Ce matin, plus de 250 élèves issus de 5 écoles bruxelloises sont venus assister à la projection du documentaire Demain. C’est Bruxelles Environnement, l’administration chargée de la gestion de l’environnement en Région de Bruxelles-Capitale, qui a organisé ces séances pour les écoles. C’est dire l’intérêt suscité par le film. L’administration a prévu une dizaine de séances en tout, affichant toutes complet. A l’issue de ces 2 semaines de projections gratuites, près de 2000 élèves auront vu le documentaire !
Qu’est-ce qui fait le succès du film ?
Dans ce cas précis, l’opportunité d’aller voir gratuitement un documentaire avec ses élèves pèse probablement dans la balance. Mais au-delà de cela, le sujet est porteur : les enjeux environnementaux, sociaux et économiques qui nous touchent au quotidien et qui concernent les jeunes aussi, adultes de demain. Des enjeux parfois difficiles à cerner, suscitant des sentiments diffus et, souvent, une certaine résignation.
Le pari lancé par Demain réside précisément là : ces sujets, habituellement lourds, voire culpabilisants, sont traités ici de manière positive. Porteur d’espoir, Demain met sous le feu des projecteurs des solutions (relativement) accessibles à tous, qui parlent à (presque) tout le monde. Il est d’ailleurs présenté comme tel : « Et si montrer des solutions, raconter une histoire qui fait du bien, était la meilleure façon de résoudre les crises écologiques, économiques et sociales, que traversent nos pays ? » Demain n’est pas le premier documentaire à mettre en avant des initiatives positives (pensons entre autres à Nos enfants nous accuseront), mais ici la multiplicité et l’échelle locale des solutions font la force du film. La notoriété de la star Mélanie Laurent et du militant Cyril Dion a certainement aussi contribué à mettre Demain sur le devant de la scène médiatique et, par conséquent, publique… et c’est tant mieux !
« Ne sous-estimons pas la créativité des jeunes ! »
Aller voir Demain avec un groupe de jeunes, dans un contexte scolaire ou extra-scolaire, est une chose utile. Mais qu’en faire une fois de retour en classe ou au local de la maison des jeunes ? En débattre, très certainement (voir encadré ci-dessous « Outils pédagogiques » pour vous aider à mener le débat). Mais encore ?
« Ce film a du sens, mais il en a encore plus quand on arrive à mettre tout cela en pratique », lance Maïté Jonas, enseignante en sciences et géographie à l’Institut Notre-Dames-des-Champs d’Uccle. Après avoir vu Demain avec ses élèves de 4e, elle a tenté un petit exercice en classe : « Par petit groupe, les élèves ont identifié des problèmes d’ordre environnemental qu’ils rencontrent dans leur vie ou à l’école, explique l’enseignante. Je leur ai demandé de relier chacun de ces problèmes à l’un ou plusieurs des chapitres du film et d’y trouver des solutions à leur échelle. » Créer un potager à l’école, installer des panneaux solaires sur le toit, inventer une monnaie locale à l’école pour l’échange de services, mettre des pantoufles en classe… Les jeunes n’ont pas manqué d’idées. La prochaine étape est de voter pour un projet et de le mettre en œuvre tous ensemble. « Si on leur laisse la parole, les jeunes sont plein de créativité! En le mettant en projet, on replace l’élève en tant qu’acteur de son développement. »
Les jeunes face au film
Raconter une histoire qui fait du bien, donc. Qu’en pensent les élèves ? A l’issue de la projection et sur base d’autres témoignages récoltés (1), les points de vue et ressentis varient.
Il y a ceux qui trouvent le film « génial », parce qu’inspirant et se voient alors pousser des ailes pour mettre en place des projets à leur échelle, à l’école, en famille, dans le quartier (lire encadré ci-contre « Ne sous-estimons pas la créativité des jeunes ! »). Un enthousiasme qu’il est nécessaire d’accompagner pour, peut-être, passer à la réalisation concrète de nouvelles initiatives. Un enthousiasme qu’il faudra peut-être aussi nuancer : tout ce qui est montré dans le film n’est pas reproductible tel quel. Faisant référence au chapitre « éducation » du film, une enseignante souligne : « Mes élèves voudraient que notre école devienne comme l’école finlandaise montrée dans le film. On peut certes s’en inspirer, mais leur système scolaire est difficilement reproductible tel quel chez nous. » Sans compter que l’unique exemple montré dans ce chapitre ne laisse transparaître qu’une vision très idyllique de l’éducation.
Il y a, aussi, ceux qui se sentent impuissants face à l’immensité de la tâche. Lors du débat qui suit la projection, une élève prend la parole : « Je suis très frustrée quand je regarde ce genre de film, parce que je ne peux rien faire seule, il faut les autres. En plus, on a grandi là-dedans, c’est dur de nous demander de changer. » Un enseignant rétorque alors au micro : « Si tout le monde dit qu’on ne peut rien faire seul, on n’avancera pas. Chacun peut avancer à sa mesure, à sa manière. » Thierno, animateur du débat et coordinateur de Coren (association d’éducation à l’environnement) abonde dans ce sens : « Il y a deux moyens d’action : partir de soi – échelle individuelle – et se mettre en lien avec d’autres – échelle du collectif. Toute action a sa valeur. Le pouvoir se trouve là où on a envie de le voir, il est là, dans vos mains. »
Parmi les jeunes présents dans la salle, il y a également ceux qui n’ont pas tellement envie de devoir renoncer à leur confort pour résoudre des problèmes générés par les générations précédentes. « Ils se rendent bien compte qu’il y a des choses à changer, explique un enseignant. Mais, prenons l’exemple de la mobilité : demander à ces jeunes de rouler à vélo et donc d’abandonner l’idée d’avoir leur permis, c’est difficile pour eux qui associent la voiture à l’indépendance. » Personne ne peut agir sur tous les fronts… Les jeunes non plus ! L’idée n’est certainement pas de faire peser sur leurs épaules le poids de toutes les responsabilités. Parmi la multiplicité des solutions proposées dans le film, chacun trouvera probablement le moyen d’action qui lui convient au mieux.
Un peu long et complexe : s’adapter
L’unanimité semble cependant l’emporter sur la durée du film : « C’est trop long ! ». Plusieurs enseignants évoquent d’ailleurs l’idée de scinder la projection en 5 moments, à l’image des 5 chapitres qui composent le film : agriculture, énergie, économie, démocratie, éducation. L’occasion de creuser le sujet avec un débat à la fin de chaque chapitre, par exemple. Une idée à retenir aussi pour les animateurs travaillant en éducation permanente, avec des publics adultes.
Scinder le film permet aussi d’aborder de manière plus précise certains sujets avant la vision du film. « Les parties économie et démocratie sont parfois très complexes, explique une enseignante. Ca vaudrait la peine d’aborder certaines notions en classe avant la projection du documentaire afin que les jeunes se sentent moins perdus lors de la projection. »
Les enseignants semblent s’accorder sur le fait que Demain permet d’aborder différentes disciplines (géographie, sciences humaines, technologie, économie…), tout en restant dans le programme scolaire, et ce surtout avec les classes de 4e, 5e et 6e secondaire.
La tranche d’âge, parlons-en… Là où Demain annonce s’adresser aux jeunes « dès 13 ans », les enseignants et pédagogues rencontrés ont plutôt tendance à opter pour un public cible de 15 ans et plus (dès la 4e secondaire). Pour cause : la complexité de certains sujets abordés (plus particulièrement dans les chapitres « économie » et « démocratie »), ainsi que la difficulté de suivre des sous-titres et sur-titres défilant parfois rapidement.
On l’évoque moins dans cet article, mais Demain s’adresse aussi et surtout à un public adulte ! Les sensibilisés seront ravis d’y trouver l’approche positive et d’y (re)découvrir des projets emplis d’espoir. Que quoi regonfler à bloc le moral des troupes. Les non initiés découvriront de nombreuses initiatives et moyens d’action à leur échelle. Que quoi puiser parmi une multitude d’inspirations.
Céline Teret
(1) sur base de témoignages récoltés auprès d’enseignants de l’Institut Immaculée Montjoie (Anderlecht), Institut Sainte-Maire (Saint-Gilles), Centre scolaire de la Sagesse (Ganshoren) et l’Institut Notre-Dames-des-Champs (Uccle).
Outils pédagogiques
Pour accompagner les enseignants et les animateurs dans leurs démarches pédagogiques en lien avec le documentaire Demain, voici quelques outils utiles :
Disponible au prix de 4,50 euros auprès des Grignoux : www.grignoux.be
Téléchargeable sur http://environnement.wallonie.be