Poser la question de la santé, c’est aborder celles du développement économique et social, des problèmes environnementaux. Y répondre, c’est agir vers un développement durable. De la pauvreté aux changements climatiques, de la métropolisation à la sécurité alimentaire, du vieillissement de la population à la viabilité financière la santé est partout. Histoires de liens.
« Il n’y aura pas de développement durable sans bonne santé », disait Gro Harlem Brundtland, directrice générale de l’OMS, à la veille du Sommet mondial de Johannesburg. De facto, l’interdépendance entre dégradation de l’environnement, processus de développement et santé est l’un des enjeux majeurs du développement durable. Cela fait au moins quinze ans – depuis la Commission mondiale sur l’Environnement et le Développement dont le rapport a ouvert la voie au Sommet de Rio – qu’on le chante sur tous les toits du monde. Pourtant, malgré des progrès sanitaires indéniables, chaque année, 17 millions d’hommes meurent de maladies infectieuses : paludisme, sida, tuberculose… 90% de cette mortalité touche les pays en développement. Alors que l’espérance de vie du Belge moyen est de 75 ans, le Zambien, lui, mourra probablement demain avant d’atteindre ses 40 ans. L’environnement est à l’origine d’un quart de la morbidité et de la mortalité humaine. Le paludisme, à lui seul, a provoqué dans les pays endémiques africains un ralentissement de la croissance économique allant jusqu’à 1,3%.
La santé de l’économie passe par celle du patient
En d’autres termes, si on veut un développement durable, il faut investir dans la santé des populations. Car le développement ne précède pas seulement l’amélioration de la santé, celle-ci est aussi un puissant moyen de développement économique, de protection de l’environnement et de réduction de la pauvreté. Ainsi, pour montrer le lien entre santé et économie, une étude de l’OMS a montré qu’en accroissant les investissements annuels mondiaux dans la santé de 66 milliards d’euro, nous pourrions sauver 8 millions de vies par an et générer des profits annuels d’au moins 360 milliards d’euros d’ici 2015.
A contrario, la santé pâtit parfois des processus de développement eux-mêmes : lorsque le développement s’accompagne de mouvements migratoires, de métropolisations rapides et difficiles à juguler, la densification et l’élargissement des villes entraînent leur lot de pollution athmosphérique, d’insécurité, de nuisance sonore, de surpeuplement, de stress… et donc de risque pour notre bien être.
Première cause de mortalité : la pauvreté
De toutes les causes de mortalité au monde, la pauvreté, dont les femmes sont victimes au premier rang, tient le haut de l’affiche. Marietou, dans son village rwandais, le sait mieux que quiconque, elle a déjà perdu deux de ses enfants à la naissance. Avec sa maigre paye de deux euros par jour – la même que la moitié des habitants de la planète – pas question de vacciner bébé, pas d’approvisionnement en eau potable, impossible de s’offrir un quelconque médicament ou service de santé. Son frère, lui, a le sida. Faute d’éducation et de sensibilisation, il pense qu’avoir des relations sexuelles avec des femmes saines pourra le guérir. James, pour sa part, est un chômeur anglais. Il gagne mieux sa vie que Marietou, mais lui aussi a connu la malnutrition et s’est ruiné en soin de santé. Aujourd’hui, endetté par une opération chirurgicale sensée colmater les dégâts issus de son alcoolisme, il s’inquiète dans son squat en voyant se durcir l’hiver.
Au chevet de l’environnement
Bien entendu, la qualité environnementale influe aussi directement sur la santé publique. Les virus qui nous rendent malades portent alors des noms divers : « changements climatiques » (vecteurs de transmission des maladies, de modification d’approvisionnement alimentaire, de catastrophes naturelles), « appauvrissement de la couche d’ozone », « dégradation des éco-systèmes », « pollutions » multiples, « crise alimentaire » ou « sanitaire»…
Toujours au croisement entre environnement, santé et économie, le développement des biotechnologies et des marchés associés s’acccompagne d’un débat fort sur la brevetabilité du vivant. Concrètement, une entreprise pharmaceutique peut-elle émettre et faire valoir un droit de propriété intellectuelle sur certaines espèces végétales, au détriment de biens publics mondiaux comme la biodiversité, la sécurité alimentaire, la santé, etc… ?
Question de choix
Dans son rapport sur la santé dans le monde en 2002, l’OMS détaille tout cela en mettant en avant les facteurs de risques pour la santé considérés comme les plus importants dans le monde. On y trouve quelques ennemis de de la santé et alliés de la pauvreté tels que l’insuffisance pondérale, l’usage d’eau non-potable, le défaut d’assainissement et d’hygiène, les pratiques sexuelles dangereuses (avec le sepctre du SIDA en ligne de mire), la carence en fer et la pollution de l’air à l’intérieur des habitations (à cause des combustibles fossiles). On peut aussi retrouver dans la liste des risques bien de chez nous, associés aux sociétés de consommation: hypertension, trop de cholestérol, tabagisme et alcoolisme, obésité et sédentarité. Et de souligner très justement que le monde vit dangereusement, soit parce qu’il n’a pas le choix, soit parce qu’il fait les mauvais.