Les voix les plus illustres le crient sur tous les toits du monde : « la pénurie d’eau douce est le plus grand danger pesant sur la planète ». Difficile à concevoir lorsque l’on sait que l’eau couvre les trois-quarts denotre planète bleue. Jamais on ne devrait en manquer ! Mais ce serait oublier que 97 % de l’eau disponible est constitué d’eau de mer salée et impropre à la consommation. Si l’on retire encore environ 2 % d’eau douce piégée par les glaces et le Yéti, les 0,5% du volume totale enfui dans les sols et le sous-sol à des profondeurs pouvant aller jusqu’à 4000 m Faites le calcul. À peine 0,2%.
Ça nous laisse encore quelques milliers de kilomètres cubes malgré tout. 12 500 milliards pour être précis. C’est suffisant. Mais les principaux consommateurs de cette eau douce disponible ne sont pas encore directement la population. Ainsi, 70% de l’eau douce est utilisée par l’agriculture, laquelle, par ses systèmes d’irrigations défectueux, perd 28% des prélèvements totaux mondiaux. L’industrie prend de son côté un cinquième du gat’eau. Ne reste que 10 % pour notre usage domestique, dont un tiers partira dans nos WC contre 4% dans notre bouche.
Pas tous égaux
La répartition des ressources en eau est également source potentielle de carences (voir Glossaire)et de conflits (voir Glossaire) : près d’un être humain sur quatre n’a pas accès à l’eau potable, un sur deux n’a pas d’eau courante à domicile. Plus d’un sur deux ne dispose d’aucun système d’assainissement d’eau. Chaque jour, 30.000 personnes meurent de maladies liées au manque d’eau. Que faudrait-il pour changer cela ? Un investissement annuel global de 180 milliards de dollars.
Au plan géographique, 60% des pluies arrosent seulement neuf pays. Ainsi, l’été dernier, alors que nos villes belges mais plus encore allemandes, autrichiennes et tchèques coulaient sous les inondations, la Sicile voyait poindre des révoltes populaires pour cause de sécheresse excessive. L’eau manquait à un tel point qu’un marché noir s’y était développé, faisant monter les prix jusqu’à 200 euros par camion-citerne. Des milliers d’italiens désespérés ont alors pris d’assaut des retenues d’eau et des aqueducs, pour s’approvisionner sauvagement.
Une évolution inquiétante
D’après les projections de certains experts, les ressources en eau par tête de pipe et par an auront diminué de 80% en l’espace d’une vie humaine. Ainsi, si vous êtes un Terrien moyen né dans les « golden sixties », où vous disposiez pour vous tout seul de 3430 mètres cubes d’eau par an, sachez qu’en 2025, vous devrez vous satisfaire de seulement 667. Lorsque l’on sait que le seuil d’alerte est fixé à 2000 mètres cubes par habitant et par an, il est plus que temps aujourd’hui de tirer l’alarme et d’éteindre l’incendie. Les causes ? La demande : au cours du siècle dernier, la population mondiale a triplé alors que la consommation d’eau destinée à l’utilisation humaine a été multipliée par 6. La qualité aussi : plus de la moitié des grands fleuves sont gravement touchés et pollués, entraînant une dégradation ou un empoisonnement de leur écosystème. Parmi les sources de pollution, on retrouve les eaux usées non-traitées (voir Glossaire), les rejets (agro)chimiques, les fuites de pétrole, les rejets dans les anciens puits…
En Belgique
Pour le Belge moyen, qui 200 jours par an sent tomber le ciel sur sa tête, la question de la qualité est plus d’actualité que jamais. Le tout chaud rapport des Nations Unies a fustigé la Belgique pour sa mauvaise dernière place sur 122 pays quant à la qualité de son eau et de sa capacité à améliorer la situation. Même si l’on peut critiquer la méthode employée, la rigueur de l’étude, le résultat demeure malgré tout symbolique et alarmant.
Cela dit, l’eau de notre robinet reste d’excellente qualité, devant satisfaire des normes draconiennes. Mais cela a un coût. D’après le Ministre wallon de l’environnement, il y a 50 à 60 tarifs différents en Wallonie pour l’eau de distribution, avec des prix-vérité (voir Glossaire) compris entre 0,75 et 3 EUR/m3.
Privatisation
Approvisionner les habitants en eau coûte donc cher, très cher, trop cher pour nombre de pays en développement. En ce lieu, la question la plus brûlante est « le secteur privé peut-il renforcer le secteur public ? ». Selon le Courrier International du 13 mars 2003, si les entreprises privées n’assurent encore le fonctionnement que de 5% des réseaux mondiaux de distribution de l’eau, leur emprise a connu une très forte croissance au cours des douze dernières années. Elle servirait 300 millions d’habitants, six fois plus qu’il y a dix ans. En point de mire : une manne financière énorme. Mais si le but annoncé est d’offrir un accès à l’eau à un plus grand nombre de personnes, les coûts engendrés sont tels que de nombreux pauvres en restent privés.
Les chiffres fournis sont issus de publications des Nations Unies, de la Banque Mondiale et d’autres organisations internationales. Ils doivent toutefois être pris en considération avec précaution, car chaque organisation applique ses propres critères, faisant quelque peu varier les chiffres d’une source à l’autre.
Pour en savoir plus :
- Wateryear 2003: Le site de l’année internationale de l’eau douce fait le tour de la question, en donnant des faits, des chiffres, des rapports, des conseils pour s’impliquer… l’incontournable, en français.
- http://www.unesco.org/water/index_fr.shtml : le site des Nations Unies consacré à l’eau, où l’on trouve notamment en français le Rapport mondial sur la mise en valeur des ressources en eau
- http://www.icij.org/dtaweb/water/ : une critique en règle de la privatisation de l’eau, exemples à l’appui. C’est clair, eux ils sont contre et ils expliquent pourquoi. En anglais dans le texte.
- http://www.thewaterpage.com : Des chiffres, des liens, l’histoire, les projets… un site complet et indépendant abordant en anglais toutes les questions de l’eau