Aborder le développement durable à l’école, ce n’est pas nécessairement chambouler tout l’établissement. Ce peut être un petit quelque chose. Comme s’ouvrir sur l’extérieur pendant une journée, ou une semaine. Histoires de liens.
Lors du Forum Mondial de l’Education qui s’est tenu à Porto Alegre en octobre 2001, un slogan est né : « une éducation solidaire pour un monde démocratique, une éducation démocratique pour un monde solidaire ». Pour les représentants de la communauté éducative présents là-bas, il s’agit, au-delà du slogan, d’une utopie réaliste. Pour eux, c’est en quelque sorte une manière de dire « un autre monde est possible et pour le construire, une autre école est indispensable ».
Premier lieu de vie en dehors de la famille, l’école pourrait ouvrir l’éducation à un processus plus large : celui du développement durable. Un processus qui vise le « mieux vivre ensemble » et qui se fonde sur des liens : lien entre les trois piliers fondamentaux (l’économique, le social et l’environnemental) de toute initiative de développement ; lien de solidarité à travers le temps et l’espace ; lien social enfin via l’implication et la participation des citoyens, et en particulier des jeunes , à l’élaboration des initiatives de développement, et ce dès les premières étapes. Des liens au regard desquels l’école peut se donner pour mission d’apporter des compétences utiles.
En un tour d’horloge
Ainsi, à l’Institut Robert Schuman d’Eupen, les élèves ont vécu en 2002 un tour d’horloge, 24 heures pour comprendre le monde. Durant 24 heures d’affilée, enseignants et personnes extérieures à l’école ont échangé avec les élèves : pour témoigner d’un choix de vie, présenter une initiative, développer une réflexion… Du prof occupé par la transformation de l’école en éco-socio-structure, à la bergère préoccupée par les OGM, avant une réflexion intitulée « Violence au Sud, violence au Nord », les heures se sont enrichies l’une l’autre. Et durant les petites heures de la nuit, les élèves ont préparé ensemble leur participation au Forum Planèt’ErE. Là avec d’autres jeunes, ils ont notamment marqué leur engagement à « nous informer et à informer les autres en veillant au sens des mots » et par exemple ne plus parler du Sud en termes de pays en voie de développement ou sous-développés, comme si seul était valable le développement capitaliste de type occidental. Peut-être peut-on voir là un apport, même minime, de ce type d’initiative à une meilleure évaluation et compréhension du monde ?
De la maternelle à l’unif
Dans le même ordre d’idées, le Collège Ecole de Commerce Emilie-Gourd de Genève a choisi, en l’an 2000, de consacrer sa semaine hors-cadre au développement durable. Des conférences, des débats, des ateliers pratiques, des films ou encore des visites sur le terrain ont permis aux jeunes de se confronter, tout au long de la semaine, à une approche dynamique de ce concept. Apothéose de la semaine : l’amorce de la rédaction d’un agenda 21 de l’école, un planning de projets et engagements pour mettre l’école sur la voie du développement durable.
A l’Université Catholique de Louvain, certains cours sont dits méta. A l’invitation des étudiants, une personne extérieure vient apporter un regard croisé de celui du prof. Un économiste peut par exemple se retrouver confronté à un auditoire de sociologues, ou de philosophes des sciences. Quand ce regard croise les cultures, le cours est dit métis.
A l’école primaire ou maternelle, ce peut être des parents qui viennent raconter leur métier, leurs engagements. Et pour aller plus loin encore dans ces mises en liens, pourquoi ne pas tracer au mur de la classe un grand triangle ? A chaque sommet correspondrait un pilier du développement durable : l’économique, le social, l’environnemental. Et pour chacune des thématiques abordées en classe (les déchets, l’eau, l’air, la mobilité, le logement, l’alimentation, …), il s’agira d’imaginer toutes les questions que peut soulever chacun de ces pôles.
Carrefour de pratiques
Autre croisement possible, celui des pratiques. Tel est le défi que se lancent maintes écoles qui, par des projets, s’ouvrent à la réalité de leur quartier, de leur région. Souhait de développer un espace de jeux, un sentier balisé, une échoppe de produits équitables et sains ? Confrontation avec les intérêts économiques, sociaux et environnementaux d’autres acteurs impliqués ou à impliquer ! Pour aller plus loin encore dans cet apprentissage, pourquoi ne pas créer des budgets participatifs au sein des écoles, au sein des collectivités, au sein des communes ? L’idée est de prévoir un budget que les jeunes puissent gérer eux-mêmes, une sorte de fonds pour des projets créatifs et citoyens.
Et puis, comme le dit si bien la déclaration de Rio : « Il faut mobiliser la créativité, les idéaux et le courage des jeunes du monde entier ». Au sein de l’école, comme ailleurs, écoutons-les et laissons-les se mobiliser… et nous étonner !
Anne Versailles,
article tiré du magazine Symbioses n°55, consacré à l’éducation pour un développement durable, téléchargeable sur www.reseau-idee.be/symbioses
Deux références utiles pour une école alternative :
- www.changeonslecole.org
- « Changeurs de Monde », par Grégor Chapelle aux Editions EVO, Bruxelles, 2002. 14,75 €