L’eau est essentielle à la vie. Et plus encore : avec l’accès à l’eau potable, on offre un passeport pour une meilleure santé, des ouvertures pour l’éducation des enfants, une plus grande émancipation des femmes, le tout au bénéfice de communautés entières. C’est le défi qu’espère relever Green en s’investissant dans un triple projet au Maroc.
L’eau est loin. Qu’importe, il faut bien aller en chercher. Pour approvisionner la maisonnée, Driss parcourt plusieurs fois par jour, à pied, les 4 kilomètres aller-retour qui séparent sa maison de la borne fontaine la plus proche. Son village, Douar Karia, est un bourg d’une dizaine de maisons perdues au milieu d’un paysage rude. Arrivé à la fontaine, Driss retrouve des camarades de corvée. D’autres garçonnets comme lui, dont les journées sont rythmées par la quête de l’eau. D’un tour de main habile, ils chargent les lourds bidons de 5 litres sur leurs épaules. Les plus chanceux les pousseront à l’aide d’une carriole.
Douar Karia est l’un des trois villages pour lesquels Green Belgium a lancé un projet de développement autour de l’accès à l’eau, en partenariat avec l’Office National de l’Eau Potable (ONEP) du Maroc. Trois douars situés dans des régions et des contextes socio-économiques différents. « On a identifié que donner l’accès à l’eau, c’est faire sauter un premier verrou de développement, explique Luc Michiels, responsable du projet chez Green Belgium. De fait, ça permet d’améliorer les conditions de santé et d’hygiène puisque qu’on évite un tas de maladies liées à la consommation d’une eau souillée. En libérant les enfants de cette corvée, on ouvre la porte à une fréquentation plus régulière de l’école. Et pour les femmes, ce temps libéré peut être utilisé à des activités utiles à leur famille, à leur communauté. D’ailleurs, parmi les populations de ces villages la demande pour un accès correct à l’eau est permanente et criante. »
De l’eau potable pour tous
Douar Karia est un village très pauvre. Les 140 habitants vivent pour la plupart de l’agriculture. Coûte que coûte. Car ici, au grè des sécheresses ou des pluies diluviennes, les récoltes sont aléatoires. La borne fontaine la plus proche est à 2 km, dans le village voisin. Il suffirait pourtant d’1,5 km de tuyaux pour faire jaillir l’eau potable au centre de ce petit douar. Et pour la suite ? En étroite collaboration avec un élu local, Green planche sur une formation orientée vers des pratiques d’agriculture durable, à l’intention de ces jeunes dont la scolarité a été « sacrifiée » à la corvée d’eau.
A Zaouit, le second village du projet, les 750 habitants sont mieux lôtis : ils disposent de leur propre borne fontaine au centre du village. Mais une seule, c’est bien peu pour un gros bourg. Du coup, les navettes pour l’eau restent nombreuses. « Et les conditions de transport dans des bidons parfois douteux ainsi que les modes de conservation de cette eau destinée à la consommation ne sont pas toujours optimaux, raconte Luc Michiels. Ce village compte même une école de plus de 200 élèves, située à 300 m d’un château d’eau… mais sans raccordement. Conséquence : pas de sanitaires, un vrai souci de santé publique.» Ici, le projet vise un raccordement individuel de chaque habitation sur le réseau d’eau courante.
Pas d’hommes autour des bassins
Enfin, Green apporte son aide à Douar Tighfert, une grosse bourgade aux portes du désert qui compte trois bornes fontaines. Mais comme souvent, il faut payer leur gardien. Du coup, les habitants préfèrent des khettaras, des aqueducs traditionnels dont l’eau vient des sources montagnardes. Le problème, c’est que l’eau n’y est pas forcément potable. « Autour des bassins, seulement des jeunes filles, rapporte encore Luc Michiels. L’urgence, ici, est de donner un accès à une eau de qualité, essentielle pour la santé de ces populations, et de soulager les femmes de la corvée d’eau. Après les raccordements, il ne faudrait pas que les jeunes filles soient cantonnées à la maison. Sur ce terrain, nous marchons un peu sur des œufs. Et pourtant ces filles veulent fréquenter l’école ou s’inscrire dans une vie sociale active. Nous misons sur un partenariat avec une association locale pour faire avancer cette idée. »
Aujourd’hui, Green multiplie les démarches pour réunir des fonds. L’essentiel viendra de dons de Rotary Clubs. En septembre prochain, de jeunes occidentaux rencontreront à Rabat des Marocains du Parlement des jeunes et une quinzaine de jeunes qui font la corvée d’eau. « Nous espérons que ces délégations de la jeunesse du « Nord » prendront ensuite à cœur leur mission d’ambassadeurs du projet, pour sensibiliser dans leur pays, lancer des initiatives, voire collecter des fonds. Nous avons associé les intercommunales belges liées à l’eau CIBE (Compagnie Intercommunale Bruxelloise des Eaux) et IBDE (Intercommunale Bruxelloise de Distribution d’Eau). Notre idée est de montrer que des Partenariats Publics-Publics — en l’occurrence entre les intercommunales d’ici et celle du Maroc — sont des voies vers une reconnaissance et la concrétisation de l’eau comme un droit humain. Le droit à la vie, en bonne santé. » En effet, à l’heure où les Nations Unies lancent la Décennie de « L’eau, source de vie », n’oublions pas que 30 000 personnes meurent chaque semaine après avoir consommé de l’eau insalubre.
Green Belgium, Luc Michiels, Rue Royale 171/3, à 1210 Bruxelles, T. 02 209 16 30, www.greenbelgium.org, www.porteursdeau.be, l.michiels@greenbelgium.org