Vacances ! Ce mot magique qui réveille en nous tant d’aspirations : déconnexion, repos, aventure, découverte, rencontre, nature, défoulement, vieilles pierres… selon les uns ou les autres. Devenues un droit, depuis une soixantaine d’années, les vacances signifient pour plus de la moitié des belges « partir »… et participer ainsi à cet énorme exode qui compte aujourd’hui 700 millions de touristes sillonnant le monde chaque année – on en comptait 25 millions dans les années cinquante. Aujourd’hui, avec plus de 12% du PIB international et 200 millions d’emplois, le tourisme est la première industrie de la planète.
Vu sous l’angle du développement durable, on ne peut nier que le tourisme apporte des ressources économiques là où il s’implante. Mais certains méfaits sont toujours bien présents, particulièrement pour le tourisme dans les pays en développement : concentration des profits financiers entre les mains des entreprises occidentales, création des réflexes de mendicité, déplacements de populations locales, dégradation progressive de l’identité culturelle et de l’environnement.
Pour ne pas tomber dans ces travers, de nombreuses alternatives existent. Pierrette Nicolosi, de l’asbl TOURèS (pour « Tourisme Responsable »), les a testée ou étudiée pour vous.
Où pars-tu généralement en vacances ?
Depuis quelques années, je pars en vacances là où j’ai des amis, des connaissances, des personnes que j’ai rencontrées et qui m’ont donné envie d’en savoir plus sur leur vie, leur lieu de vie. En général, je retourne plusieurs fois au même endroit, parce que j’aime ‘approfondir’, ‘connaître’ mieux un endroit, les gens, leur culture ….
Quels sont tes critères de choix ?
Humains. Je peux dire que c’est vraiment l’aspect humain qui prédomine et détermine le choix d’une destination – le critère de choix sera donc un lieu où je connais quelqu’un, ou je suis en contact avec quelqu’un ou un groupe, une association – la rencontre de l’autre est essentielle.
Bien que professionnelle du tourisme, tu es relativement critique par rapport au « tourisme classique »…
Je ne dirais pas que je travaille dans le tourisme classique si on entend par là le tourisme ‘de masse’, pratiqué à l’échelle industrielle : je travaille dans une petite agence indépendante qui a un marché de niche – le Proche Orient.
De plus en plus, les agences se font englober par les grands tours opérateurs et proposent dès lors des produits très standardisés (cfr catalogues de Jet Air, Thomas Cook, Mediterra, …) qu’ils transposent d’un endroit à l’autre, d’un continent à l’autre (avec éventuellement une petite touche exotique). Comme dans les autres secteurs, ces grandes entreprises reproduisent leurs mêmes immeubles, leurs mêmes organisations, et offrent une prise en charge presque totale (‘all inclusive’). Les touristes sont poussés à la passivité et surtout à ne pas penser, c’est l’opérateur qui prend tout en main, le touriste vide ses neurones le temps d’un séjour. Tout est mis sous sa main : activités, repas, sports, visites. Le décor est construit, il ne faut pas sortir des limites du décor, pour ne pas voir l’envers de celui-ci.
L’objectif du tourisme industriel est de rentabiliser au maximum, d’attirer un maximum de consommateurs, ce qui nécessite des prix concurrentiels, mais entraîne aussi des conditions de travail difficiles pour les locaux, quitte à perdre en convivialité réelle.
Pour contrer cette tendance, on parle de tourisme responsable. C’est quoi ?
Le tourisme responsable, c’est tout d’abord un autre regard. C’est ne plus concevoir les destinations simplement comme des produits à consommer, mais bien comme des lieux de vie, avec des êtres humains qui les habitent et qui ont plein de choses passionnantes à nous faire partager ou découvrir. La convivialité y tient une place importante à l’opposé des espaces de concentration touristique organisés par les industriels du tourisme.
Je constate que lorsqu’un voyageur a goûté à ce type d’expérience, au sein d’un groupe de voyageurs ou à travers d’autres rencontres, les ‘mises en scène’ de rêve ne parviennent plus à le tromper, elles n’ont plus d’attrait tout simplement.
En plus de cet aspect important, parce qu’il est valorisant dans les deux sens, il y a le souci du candidat voyageur responsable d’avoir le moins d’impact négatif : réduire sa pollution (ne pas voyager trop loin pour un trop court séjour), respecter la nature, respecter les différentes cultures, encourager l’économie locale en consommant les produits locaux, l’artisanat local, participer à un voyage qui soutient un projet local …
Le public visé est-il le même ?
C’est vrai qu’il y a un public déjà sensibilisé, mais de plus en plus, il y a une demande plus large « d’autre chose ». Tout doucement une partie du public se lasse du voyage ‘standard’ ‘all inclusive’ qui se retrouve dans toutes les brochures des agences de voyage. Par ailleurs, de plus en plus de personnes savent ce qu’est le commerce équitable, le bio, … et sont consommateurs de ces produits de plus en plus visibles. Dans cette démarche, même si les propositions de voyages ‘éthiques’ sont toujours absentes des rayons des agences de voyages, un nombre croissant de voyageurs en viennent à penser à leurs voyages et à leurs loisirs en terme de choix responsable. Donc il y a une demande de plus en plus importante : au niveau mondial, l’industrie du tourisme a connu en 2004 une croissance de 10%. Dans le même temps, l’écotourisme est en croissance de 20% !
Comment les pays hôtes voient-ils le tourisme en général et le tourisme responsable en particulier ?
Simplement, il faut comprendre que pour certains habitants des pays du sud, le tourisme est ressenti comme inéquitable par essence, parce qu’eux-mêmes ne sont pas autorisés à voyager aussi librement que nous.
Mais ne généralisons pas : le sentiment est relativement variable. Cela tient souvent bien plus à la bonne santé économique du pays. Pour les pays du Nord qui ont en général une économie stable et diversifiée, le tourisme est un outil supplémentaire de valorisation du patrimoine, il est de plus en plus souvent géré avec considération pour le patrimoine culturel et naturel. Pour les pays plus pauvres, le tourisme est encore aujourd’hui synonyme de retombées économiques importantes et de développement … Hélas, l’expérience montre que c’est souvent l’inverse qui se produit.
Que des pays touristiques ne sont jamais devenus riches, mais par contre sont devenus dépendants de cette ‘industrie’ ; que les règles leur sont imposées et qu’ils n’en maîtrisent pas du tout le développement ; qu’ils ne bénéficient que très peu de ces fameuses retombées. Cependant, certains de ces pays commencent à prendre conscience de l’importance de ce secteur et de l’intérêt d’une gestion rigoureuse, de l’intérêt à préserver leur patrimoine naturel. ils commencent à avoir des politiques beaucoup plus concertées (ex : Costa Rica, certaines régions d’Afrique …). La notion de tourisme responsable est nouvelle, elle a pris du temps à faire son chemin. C’est un processus qui doit être encouragé et soutenu, ce que font un certain nombre d’ONG.
Quels sont les freins pour que les gens se dirigent vers un tourisme responsable ?
Le premier frein est sans nul doute le manque de visibilité des opérateurs voyagistes qui travaillent dans cette optique – comment les repérer, comment savoir que leurs engagements sont bien réels sur le terrain – même si certains labels pointent leur nez, c’est un secteur où il sera très difficile de labelliser – la recherche peut s’avérer difficile et sans réelle garantie. Côté sous, il y a moyen de voyager responsable et bon marché, par des formules diverses : à travers des ONG, des chantiers qui ne sont plus obligatoirement jeunes (même si c’est souvent le cas), des échanges de maisons ….
Comment préparer ses « vacances éthiques » ?
Penser ses vacances en termes de détente, de déconnexion, pour se retrouver, pouvoir pratiquer les activités que l’on aime. Ce sont des lieux à choisir : montagne, mer, villes, désert … – dans des critères qui nous laissent cohérents avec nous-mêmes. J’éviterais les longs trajets en avion pour des courts séjours, afin de ne pas polluer inutilement, et je me réserverai un voyage lointain pour un long séjour. J’éviterais aussi de partir avec un gros tour opérateur qui exploite les destinations qu’il propose. À part cela, je chercherais en fonction de mes goûts, des petites structures de préférence. Pourquoi pas partir en groupe, mais il n’y a pas qu’une formule, il y a une multitude de formules …
Pour en savoir plus :
le site www.toures2002.be (notamment leur « répertoire des initiatives »)