L’Organisation mondiale du commerce n’est plus un forum de concertation sur le commerce. Elle est devenue un instrument de pouvoir des grandes puissances économiques qui imposent leur volonté au monde entier. Tetteh Hormeku du Third World Network l’explique.
L’OMC a 10 ans. Y a-t-il une raison de s’en réjouir ?
Tetteh Hormeku: Mon analyse de dix ans d’OMC est pour le moins ambiguë. Le problème clé est le déséquilibre de pouvoir et le manque de démocratie à l’OMC. L’organisation manie toujours le deux poids, deux mesures. Ainsi, elle prétend vouloir aider les agriculteurs des pays en voie de développement mais, en même temps, elle autorise les pratiques de dumping à cause desquelles nos marchés sont submergés par les produits bon marché que nos agriculteurs ne peuvent pas concurrencer. Les pays développés ont promis beaucoup aux pays en voie de développement, mais ont réalisé très peu de choses. Les décisions prises à l’OMC ont eu des conséquences essentiellement négatives pour nous. C’est ce qui fait que nous devons faire face aux conséquences de la libéralisation de nos économies. Avant de pousser en avant la libéralisation, les effets négatifs doivent être examinés !
Comment voyez-vous l’avenir de l’OMC ?
Si nous ne réagissons pas maintenant, la situation va s’empirer. La tension entre les promesses et les réalisations est très grande. En 2001, dans l’agenda de Doha pour le développement (voir Doha dans glossaire), deux domaines d’action ont été présentés pour soutenir les pays en voie de développement : premièrement, le traitement spécial et différencié et, deuxièmement, les modalités d’exécution, une centaine de propositions pour compenser les problèmes lors de l’exécution des accords. Mais ces points n’ont pas du tout été pris en considération, ils ont même disparu de l’agenda.
Le Cycle de Doha a-t-il mené a plus de développement ?
L’agenda de Doha pour le développement mènera à de l’anti-développement ! Les exigences des pays développés mèneront à l’anéantissement du développement des pays du Sud. Par exemple, pour les produits industriels, les pays développés demandent une très forte baisse des tarifs à l’importation. Mais, à cause de cela, nous allons perdre les revenus de douane qui nous sont indispensables, et les marchés locaux vont rencontrer des problèmes à cause de l’importation des produits à bon marché.
Alors, faut-il en finir avec l’OMC ?
Nous ne voulons pas supprimer l’OMC. Nous voulons que les intérêts des pays en voie de développement soient soutenus et protégés. Regardez les discussions actuelles au sujet du secteur des services (Voir AGCS dans glossaire). Dans l’accord actuel se trouve une règle qui permet en théorie à des pays de libéraliser selon leurs besoins. Et ils peuvent limiter ce processus pour se protéger. L’Europe veut supprimer cette règle. Cela ne peut donc pas avoir lieu ! Les problèmes des pays en voie de développement doivent être traités en priorité.
Les gens du Sud suivent-ils ce que l’OMC fait ?
Ces deux dernières années, les gens ont suivi activement les travaux de l’OMC. Nous ressentons l’impact de l’OMC dans notre vie quotidienne plus que dans le Nord. Grâce à d’énormes subventions, les Etats-Unis déversent leur coton bon marché sur le marché mondial. Les agriculteurs du Mali ou du Bénin ne peuvent pas produire à des prix semblables… Au Ghana, la volaille constitue un secteur d’exportation important, mais il est détruit par l’importation des poulets européens. Malgré les frais de transport, ceux-ci sont meilleur marché que la volaille ghanéenne. Pour les éleveurs ghanéens, il est impossible de concurrencer ces poulets européens.