La prochaine conférence ministérielle de l’OMC, à Hong Kong, , annonce-t-elle un tournant ?
Il est déjà clair que les pays développés ne coopèrent pas de manière constructive et continuent obstinément à imposer leur vision. Début novembre, l’Europe a fait une proposition au sujet de l’agriculture, mais cette offre n’était vraiment pas de valeur. En échange, elle a exigé des pays en développement qu’ils fassent des concessions dans les secteurs des services et des marchandises industrielles. Si l’Europe et les Etats-Unis continuent à défendre des points de vue extrêmes, ils ne nous laissent dès lors pas d’autre choix que de résister et de faire échouer le sommet. Nous devons défendre nos intérêts et protéger notre économie et notre population.
La lutte ne va-t-elle pas au-delà de l’OMC ?
Les négociations bilatérales et multilatérales ne peuvent pas être vues indépendamment les unes des autres (NDLR: une négociation est bilatérale quand elle n’engage que deux pays ou deux groupes de pays, elle est multilatérale quand elle engage tous les pays membres de l’organisation internationale au sein de laquelle cette négociation a lieu). Ce sont deux tactiques qui convergent. Ce que les pays riches ne peuvent pas obtenir dans les enceintes multilatérales, comme à l’OMC, ils le font glisser dans la sphère bilatérale. Là, ils sont en position de force parce que les pays pauvres ne peuvent plus former de coalitions. Mais devons-nous dès lors céder dans les réunions multilatérales pour éviter le passage au bilatéral ?
Le dogme de l’OMC « plus de libéralisation = plus de développement » a-t-il été démenti ?
Malgré les apparences, cela ne constitue pas du tout le programme de base de l’OMC. Dans l’accord de fondation de l’OMC, il est noté que la libéralisation n’est en soi pas suffisante, qu’elle doit aller de pair avec le développement. Et non pas quela première induit l’autre. L’organisation affirme elle-même que la libéralisation n’est pas positive pour tous les pays ou dans toutes les phases de développement d’un pays… Mais les grandes puissances continuent à insister sur la libéralisation, c’est devenu un but en soi.
L’OMC s’éloigne-t-elle de ses missions principales ?
L’organisation n’est plus un forum sur le commerce. L’OMC élargit toujours plus ses compétences avec des thèmes qui ne font pas partie de son champ d’action. L’Accord sur les droits de propriété intellectuelle (voir ADPIC dans glossaire) par exemple n’a pas grand chose à voir avec le commerce, mais avec le protectionnisme. Les services concernent au fond les investissements, où le pouvoir des Etats est restreint drastiquement. L’OMC s’aventure dans des domaines où elle devrait ne pas aller, alors que l’organisation néglige ses thèmes clés comme la maîtrise des prix des matières premières. Et, comme par hasard, ce dernier thème est surtout important pour les pays en voie de développement.
propos reccueillis par Lieve Reynebeau, Oxfam solidarité
article publié dans la revue Globo, décembre 2005