À l’aube de l’an 06, le journal Le Soir a mené une enquête-campagne en partenariat avec le WWF-Belgique, Ecolife et la Fondation Polaire Internationale pour inciter les lecteurs et lectrices à calculer et réduire leur empreinte écologique. En quoi cette initiative s’avère-t-elle encourageante et quels rôles ont les médias par rapport au développement durable? Explications de Christophe Schoune, journaliste au Soir.
Le Conseil Fédéral du Développement Durable constatait en octobre dernier qu’il était difficile de parler de développement durable dans les journaux. Qu’en pensez-vous ?
Oui, il n’est pas simple de parler de développement durable dans la mesure où c’est un thème qui est, par définition, compliqué. Il constitue une sorte d’« auberge espagnole ». Selon que l’on soit un acteur économique, social ou environnemental, chacun apportera une définition qui lui est propre. C’est donc une notion théorique ne correspondant pas à quelque chose de très concret dans l’esprit des citoyens. Et c’est pour cela qu’on a fait cette enquête en coopération avec le WWF : parce que là on avait un instrument de mesure qui permettait aux gens de voir concrètement où ils pouvaient agir.
Par ailleurs, dire que les médias parlent trop peu de développement durable, c’est un peu faux aussi. Au Soir, on parle de toute une série de thématiques se raccrochant au développement durable. Mais nous ne les relions pas nécessairement entre elles, parce que la dynamique de l’actualité compartimente les choses. On les relie donc quand c’est nécessaire et possible.
A-t-il fallu longtemps pour que ce projet commun avec le WWF mûrisse et aboutisse ?
J’avais déjà pensé à l’empreinte écologique en voyant le WWF présenter son Rapport Planète Vivante en 2004. Lors de la genèse du nouveau journal (NDLR : Le Soir vient de changer de format), il était entre autres questions de parvenir à un système beaucoup plus interactif avec le lecteur, de rendre le journal davantage acteur du quotidien en s’impliquant dans certaines thématiques comme l’environnement. Je suis alors allé trouver des gens du WWF qui ont été très réceptifs à l’idée d’une opération médiatique sur l’empreinte écologique. Ensuite, il a fallu moins de trois mois entre l’idée et l’accouchement sur le papier.
Les résultats obtenus donnent-ils envie de renouveler ce type de partenariat entre des associations et le journal Le Soir ? D’autres projets en vue ?
C’est vrai qu’on a été époustouflé par le nombre de réponses. 10 000 enquêtes ont été remplies sur Le Soir en ligne. Cela rend les citoyens responsables et acteurs. Donc on va évidemment prolonger l’opération tout en réfléchissant à ses modalités, puisque tout n’était pas parfait dans le questionnaire. On est en train de concevoir une manière de répéter cette opération en créant un nouvel instrument qui serait une sorte de balise dans le domaine. Cet instrument permettrait de suivre les engagements que les lecteurs ont pris, mais également de répéter l’opération pour toucher encore plus de monde.
Selon vous, un grand quotidien a-t-il un rôle d’éducation à l’environnement ?
Oui, c’est fondamental. Si un quotidien ne le fait pas, qui le fera? L’environnement ne peut pas être réservé à des organes, groupes de pression et magazines spécialisés. Sinon il resterait cantonné à des groupes d’initiés ou d’habitués. En tant que quotidien nous avons un devoir d’information et de sensibilisation, L’urgence est manifeste. Il faut que les lecteurs du Soir prennent conscience des enjeux qui sont posés.
Le chanteur et militant écologiste américain Jello Biafra déclarait « Ne haïssez pas les médias, devenez un média ! ». Qu’en pensez-vous ?
C’est sûr que personne n’a le monopole de l’information et certainement pas un grand quotidien comme Le Soir. Les médias alternatifs sont souvent des aiguillons et des vecteurs qui servent aussi aux médias et aux grands quotidiens. Il faut essentiellement viser la complémentarité et la logique de réseaux. Mais la seule réserve que j’ai à propos de certains médias alternatifs concerne la pertinence des informations véhiculées. L’information n’est pas nécessairement recoupée. Il faut être vigilant et faire la différence entre un groupe de pression et un quotidien. Un groupe de pression va instrumentaliser un dossier, une question, qu’elle soit environnementale ou autre, pour l’amener sur la place publique et forcer les décideurs à se positionner. Tandis qu’un quotidien ou un grand média aura un devoir d’information et de vigilance au regard de certaines règles déontologiques en utilisant toute une série d’angles. Certains médias alternatifs ne s’entourent pas de toutes les précautions dont nous devons nous entourer, en tant que quotidien, pour rester crédibles. Je pense que l’essentiel est de filtrer l’information, pas pour la retenir et la cacher, mais pour diffuser une information qui reste pertinente et lisible pour le lecteur. Trop d’info tue l’info.
Et vous, comment se situe votre empreinte écologique par rapport à la moyenne belge ? Comment mettez-vous certains principes du développement durable en pratique dans votre vie quotidienne ?
Mon empreinte écologique s’élève à 3,2 hectares. C’est en dessous de la moyenne belge. Mais je n’ai aucune gloire à retirer de cette empreinte puisque je n’ai pas l’impression de faire des efforts démesurés. J’ai une discipline de vie sur un point : la voiture, que j’utilise le moins souvent possible. Je me déplace en train et/ou en transport en commun.
Cela dit, on peut relever un biais dans le questionnaire du WWF : pour une question de méthodologie, les déplacements professionnels n’ont pas été intégrés. Si je devais les inclure dans le calcul de mon empreinte écologique, celle-ci serait alors nettement supérieure à la moyenne belge puisque je suis régulièrement amené à prendre l’avion pour le travail. Certains scientifiques ont été à Kyoto en train. Mais si on veut informer le lecteur en temps et en heure, c’est compliqué !
Propos recueillis par Hélène Mori