Pour affronter les enjeux de ce XXIe siècle, des changements de comportements sont incontournables. Mais comment changer les comportements? Un colloque sur ce thème est organisé les 16 et 17 mars 2006. Parmi les conférenciers, Arnaud Pêtre, licencié en psychologie, chercheur consultant et formateur en marketing (liste non exhaustive…) décrypte quelques grosses ficelles tirées par les pros de la com’ et dépeint l’usage que l’associatif pourrait en faire… En tout bien tout honneur.
Quelles sont les principales techniques marketing des grandes compagnies ?
Les grandes compagnies vont d’abord identifier des segments de marché : des groupes de personnes plus ou moins semblables au niveau de leurs besoins, revenus, intérêts… La ou les cibles sont déterminées par l’attractivité et le potentiel économique du segment, c’est-à-dire le nombre de fois que les personnes vont acheter un produit. Si ces segments de marché représentent un bon potentiel économique, on va mixer ce potentiel avec d’autres facteurs. Les grandes compagnies désignent alors des cibles prioritaires. En général, plus la compagnie est importante plus elle multiplie les cibles. Mais à une cible, correspond un produit ou service différent ainsi qu’un message et un type de communication adapté. Le marketing opérationnel vise à mettre en adéquation les caractéristiques du produit et de la communication avec la cible identifiée. La tendance actuelle est d’aller vers des cibles de plus en plus petites où l’individu devient lui-même une cible.
C’est ce que vous appelez la « communication individualisée » ?
Oui, ou « one-to-one ». La communication de masse avait davantage recours à la télévision, la radio, l’affichage tandis que la communication individualisée s’appuie sur de nouveaux supports : Internet, les panneaux d’affichage, les GSM…
Les grandes marques abandonnent les « mass media » qui ne rapportent plus tellement, se révèlent de moins en moins efficaces et provoquent une certaine « réactance » (une réaction à un message publicitaire qui passe par le rejet). Une des raisons principales est que les jeunes en dessous de 30 ans ont été saturés de publicité dès leur plus jeune âge. Ils n’accordent plus de crédibilité aux messages publicitaires, qu’il s’agisse de messages de prévention ou de messages publicitaires stricts. Tandis que les gens de 50-60 ans, qui ont connu l’émergence de la TV et de la publicité, n’avaient pas cette perception-là. La ménagère de 50-60 ans croit encore que Dash lave plus blanc que blanc.
Alors qu’est-ce qui influence les jeunes ?
Les jeunes croient davantage en leurs pairs et les sources partagées d’information sur Internet. Pour les grandes marques, le défi de l’avenir va être de diversifier les sources publicitaires. L’associatif doit rattraper le train parce que c’est un terrain qu’il connaît bien, notamment le contact direct avec les personnes à sensibiliser. Et c’est ce que font aussi les grandes marques par le biais du « street marketing » (voir Glossaire), du « bouche-à-oreille », de la création d’événements en trouvant des leaders d’opinion pour porter leurs idées. Si un rappeur ou une nouvelle Loana se mettent à promouvoir des idées « vertes » cela aura plus d’impact que des campagnes d’affichages et de distribution de tracts.
Que penser des nouvelles tendances « éthiques » ou « environnementales » de grandes compagnies ?
Cette tendance des grandes compagnies répond à un effet de mode et à des stratégies de communication détournées. Cette adaptation ne sera jamais qu’une façon d’être présent dans la tête du consommateur en associant l’éthique ou l’environnement. L’image publicitaire positive d’une jolie fille plus ou moins dénudée ou encore de la famille « Ricorée » s’est étiolée au profit de bonnes causes ou d’images « vertes ». D’ailleurs les compagnies qui s’associent à ces nouvelles images positives sont celles qui polluent le plus et sont en net déficit d’images positives. Les grandes compagnies pétrolières vont par exemple sponsoriser un « Salon nature » pour associer leur image à un événement positif et non commercial. Rhône-Poulenc, qui était le deuxième ou troisième pollueur de France, parrainait l’émission Ushuaia Nature de Nicolas Hulot.
Pensez-vous que l’associatif puisse utiliser certaines techniques marketing, mais à des fins plus « nobles » et souvent avec moins de moyens ?
Pour l’associatif, l’erreur serait de vouloir entrer maintenant dans la communication de masse. Cette forme de communication comporte en effet plusieurs risques puisqu’elle nécessite de gros moyens et peut induire du saupoudrage. À titre d’exemple, l’Etat belge est le troisième annonceur du pays, mais il saupoudre tellement qu’il est moins visible et efficace que des firmes comme Coca-Cola ou Volkswagen qui dépensent 10 fois moins que lui. C’est pourquoi l’associatif doit tendre vers des techniques plus individualisées (« one-to-one ») tout en s’inspirant des techniques marketing expliquées précédemment. L’associatif a une fâcheuse tendance : vouloir s’adresser à tout le monde. Si les associations déterminaient des cibles prioritaires, elles maximiseraient l’efficacité de leur communication sans pour autant dépenser trop d’énergie et dilapider trop de moyens. L’association Greenpeace recourt par exemple à certains procédés de « street marketing » par une présence dans la rue. Sans faire de réelle campagne « mass media », cette association fait parler d’elle par une communication très « image ». Développer une marque, un label ou un logo permet aussi d’avoir une visibilité et une lisibilité. Le « non-paid media » consiste à insérer le logo d’une association dans un journal après un événement. Cette présence a davantage de retombées qu’une campagne auprès du public avec envoi de folders. Les grandes marques ont désormais des spécialistes en « non-paid media » qui convainquent les journalistes de parler de leurs produits pour que des lecteurs retrouvent leurs logos dans des médias non classiques et non payants. La logique évolutive est ici de se faire connaître avant de se faire préférer, pour changer ensuite le comportement des personnes visées. Les ONG et le monde associatif ont donc à apprendre des grandes entreprises et peuvent prendre quelque chose de bon chez le méchant !
Propos recueillis par Hélène Mori
En savoir plus: retranscription de l’émission Matière Grise (RTBF), sur le neuromarketing
Bonjour ,
je suis un étudiant Doctorant qui travail sur LE MARKETING Social mais je n’est pas trouver beaucoups choses manque de documentations , s’il vous plait Mr j’ai besoin de votre aide « documentation,piste de recherche… » merci
[...] Propos recueillis par Hélène Mori Pour en savoir plus, lisez aussi les interviews d’Arnaud Pêtre et de Jean Therer. [...]
« La bouse de la vache est plus utile que les dogmes : on peut en faire de l’engrais. »
(Mao Tsé-Toung / 1896-1976)