Rencontre avec Hervé Brindel, co-initiateur d’une nouvelle émission mensuelle judicieusement intitulée « Objecteurs de croissance » que vous pouvez écouter tous les premiers jeudis de chaque mois sur radio Panik.
Cela fait quelques mois que vous avez lancé cette émission « Objecteurs de croissance » sur radio Panik (105,4 FM) à Bruxelles, également téléchargeable. De quoi parle-t-elle?
Le but est d’allier analyses théoriques sur les implications de la croissance économique et expériences alternatives où il s’agit plus de choix individuels. Par exemple, l’émission « Objecteurs de croissance » a abordé la question « Qu’est-ce que le développement ? » en janvier et les Systèmes d’Echanges Locaux en février. Ces échanges de service remettent en question le système économique sur lequel on s’appuie puisqu’ils ne sont pas soumis à l’imposition. La relocalisation est une donnée fondamentale de la décroissance.
La plupart des grandes chaînes de TV – même publiques – déterminent leurs programmes en fonction de l’audience espérée, et non nécessairement en fonction de leur qualité et de leur rôle « éducatif ». N’est-il pas risqué de vendre à l’antenne des idées qui peuvent contrarier ou dépasser l’auditeur? Parler de décroissance, c’est plutôt à contre-courant, non?
Cette question ne se pose pas trop pour nous. Au départ, notre intention n’était pas de faire une émission radio. Il s’agissait surtout d’une sensibilité quant aux problèmes environnementaux ou sociaux. Nous avons ensuite découvert ce mouvement autour la décroissance et nous sommes engagés à titre personnel et/ou collectif pour participer à l’extension de ce mouvement. L’intérêt est aussi d’arriver à sortir du mythe de la croissance économique, pour qu’on puisse au moins débattre. Pour l’instant, les gens refusent de débattre sur la croissance parce que cela implique un changement inévitable concernant nos modes de vie. Les acteurs sociaux (responsables politiques, syndicats, ONG, …) sont très frileux. La décroissance est un mouvement de réévaluation qui est fondamental aussi bien au niveau personnel que collectif. C’est surtout une réévaluation de la manière dont on consomme sans pour autant se fixer des règles, mais en allant vers un changement de mode de vie…
Réévaluer la manière dont on consomme…
Oui, l’idée d’être moins dépendant d’une consommation compulsive est bien présente. Les changements dans le quotidien viennent ensuite petit à petit. Des choses qui semblaient un peu marginales peuvent être valorisées. Par exemple, j’utilisais le vélo par plaisir et maintenant j’assiste à une valorisation de cet acte. Le fait d’avoir trop d’argent aujourd’hui est dangereux car cela implique trop de dépendance par rapport à la consommation. Il s’agit alors de vivre autrement et mieux. Et là c’est un problème de temps parce que cela passe forcément par le « faire soi-même » pour moins consommer et avoir moins d’implications négatives. Jusqu’à avoir une attitude plus active par rapport à sa vie.
Comment parvenez-vous à communiquer à vos auditeurs la différence entre développement durable et décroissance ?
C’est d’abord un mouvement de sensibilisation et de responsabilisation. Ce pouvoir surnaturel que l’homme a obtenu au fil des décennies l’a complètement déresponsabilisé. A l’origine, quand on parle de développement, à l’échelle d’une société, on l’associe à un développement économique basé sur la croissance. Or, une croissance infinie sur une planète finie n’est pas possible. C’est le message fort de notre émission. Le concept de « développement durable » a servi à anesthésier toute velléité de débat sur la croissance et contribue aussi à pérenniser un système qui nous mène dans le mur. À l’échelle de la société, les projets de développement durable servent à éponger l’eau d’une baignoire qui déborde sans fermer le robinet. Pour nous, c’est une « fausse bonne piste ». Les actions menées par des ONG et des associations (dont le Réseau Idée) ont permis de sensibiliser des gens. Par contre, au niveau de l’organisation de la société, ce mot est un ennemi.
En quoi le développement durable est-il un ennemi?
Parce que ça urge !! Vraiment. Sur le plan écologique, c’est clair. Mais même au niveau de l’équité et de la répartition entre les pays. Des antagonismes sont en train de se créer à cause des différences de modes de vie. La croissance n’est pas seulement la mesure de l’augmentation des richesses d’un pays, c’est aussi un système économique qui a été théorisé et appliqué par l’ensemble des acteurs économiques et sociaux. Ce n’est pas forcément quelque chose qui doit continuer. À partir de là, j’espère de tout cœur que ces changements concernant nos modes de vie ne se feront jamais dans l’obligation.
Propos recueillis par Marie Bogaerts
- Radio Panik : Rue Saint Josse, 49 – 1210 Bruxelles, +32 (0)2 732 14 45 http://www.radiopanik.org/spip/
- Ecoutez l’émission en ligne sur http://www.decroissance.info/-Radio-
Enfin ! Un article sur la décroissance, il était temps que vous abordiez ce thème !
Quand Monde qui bouge sera-t-il « Le Webzine de la décroissance soutenable » ?