À une époque où les pays émergents se dirigent à pas de loups vers un modèle de croissance identique à celui des pays d’Occident, les enjeux environnementaux sont souvent relégués au second plan. Monde qui bouge s’est penché sur l’ouvrage « L’Etat de la planète 2006 », faisant un « Gros plan sur la Chine et l’Inde ».
L’Inde et la Chine, les deux pays les plus peuplés au monde, sont en plein essor économique. Le taux de croissance en moyenne de la Chine s’élève à 9,8% ces vingt dernières années. Celui de l’Inde atteint les 6% depuis dix ans. En s’immisçant dans la cour des « grands », l’Inde et la Chine pèsent également lourd dans la balance écologique, d’autant que la population de ces deux états émergents représente 40% de la population mondiale.
En 2005, la Chine a utilisé 26% de l’acier brut, 32% du riz, 37% du coton et 47% du ciment produits dans le monde.
Les Etats-Unis, les pays de l’Union européenne, le Japon, l’Inde et la Chine ont besoin à eux seuls de 75% de la biocapacité de la planète. L’empreinte écologique moyenne d’un Chinois (1,6 hectares) ou d’un Indien (0,8) est inférieure à la moyenne mondiale de 2,3 hectares. Au-dessus de 1,9 hectare en moyenne par personne, la capacité biologique de la planète est déjà dépassée. À titre comparatif, celle d’un Japonais ou d’un Européen est de 4,5 hectares (le Belge, lui, approche les 5 hectares) et celle d’un Américain s’élève à 9,7 hectares. Cependant, d’ici 2030, l’empreinte écologique d’un Chinois ou d’un Indien devrait atteindre celle d’un Japonais aujourd’hui. Ce qui signifie que l’Inde et la Chine auront besoin à elles seules de la planète entière pour répondre à tous leurs besoins !
Face à la croissance économique, le développement humain
Parallèlement à la croissance fulgurante des économies chinoise et indienne, le développement humain et les conditions de vie des populations ont subi certaines évolutions positives, bien que beaucoup reste à faire. La Chine est actuellement classée en 85ème position (sur 177) dans l’échelle de développement humain, faisant un bond de 20 places en près de 15 ans. L’Inde reste à la traîne puisqu’elle se place en 127ème position.
Le nombre d’Indiens vivant dans l’extrême pauvreté, avec moins d’un dollar par jour, est passé, en 20 ans, de 50% à 35% de la population totale. En Chine, cette différence est plus frappante, puisque ces chiffres passent de 75% à 17%. Si la Chine a réussi à sortir 250 millions de personnes de la pauvreté en 25 ans, les inégalités des revenus, par contre, augmentent. L’écart des fortunes se marque surtout entre les populations rurales et urbaines. De plus, la malnutrition frappe encore 140 millions de Chinois et 250 millions d’Indiens.
En Chine, un rapport gouvernemental officiel révèle que sur 500 villes chinoises, seulement la moitié a accès à l’eau potable et près de 200 ne disposent pas d’un traitement adéquat des eaux usées. En Inde, seuls 10% des eaux usées sont traitées et il arrive souvent que les polluants urbains et industriels soient versés directement dans les voies d’eau.
Des alternatives pour une planète qui ne peut plus attendre
L’urgence d’agir : 87% des glaciers de la péninsule Antarctique ont reculé au cours du dernier demi-siècle. Le taux de déforestation de l’Amazonie brésilienne a augmenté de 6% en un an (2004-2005), ce qui représente une perte de 26 000 km2, soit la surface de la Belgique. D’ici la fin du siècle, la température pourrait augmenter de 2 à 11°C , à cause des émission de gaz à effet de serre.
Puisqu’ils ne font qu’entamer le chemin parcouru auparavant par les pays industrialisés, pourquoi ne pas imaginer que l’Inde et la Chine, abritant presque la moitié de la population mondiale, empruntent une trajectoire différente vers un développement respectant davantage les populations et l’environnement? Pour ce faire, la démocratie et l’innovation sont deux vecteurs de taille. L’implication des Etats-Unis, le plus grand pollueur du globe et la première puissance économique, est également incontournable. De tels espoirs semblent être étouffés par les objectifs principaux de ces gouvernements, régit comme la plupart des gouvernements, par des impératifs économiques et de sécurité nationale, plutôt que par des impératifs globaux de développement durable.
Mais heureusement, des débats ont lieu, en Inde comme en Chine, sur les voix à suivre pour aller vers un développement approprié, pas nécessairement calqué sur le Nord. Des alternatives se font progressivement connaître, comme par exemple la mise en place d’un ingénieux système d’autobus en site propre ou l’utilisation de vélos électriques en Chine ; comme les approches novatrices de gouvernance participative au Kerala (Inde). Car s’il montre, chiffres à l’appui, les dérives de notre développement, l’ouvrage « L’Etat de la Planète 2006 » démontre également qu’il est encore temps de changer de paradigme, en Asie comme ailleurs.
Christophe Dubois et Céline Teret