Mêler sensibilisation à l’environnement et production radio, c’est ce que proposent Gregor Beck (Across Stickos asbl) et Layla Nabulsi (Les terres arables asbl). En conscientisant des élèves au réchauffement climatique, et qu’ils puissent, par la voie des ondes, semer le message autour d’eux.
Pouvez-vous nous présenter en quoi consiste votre projet ?
Il s’agit de réaliser des fictions radios présentant des gestes quotidiens pour lutter contre le réchauffement du climat. Nous avons pour l’instant travaillé avec des classes de 5e primaire, même si nous souhaitons par la suite nous orienter également vers les écoles secondaires. Le premier contact avec les élèves se passe au travers de deux séances d’informations sur les changements climatiques. Nous visitons ensuite les alentours de l’école et le grand magasin le plus proche, mais avec des lunettes particulières : qu’est-ce qui, ici, contribue au réchauffement de la planète ? De retour en classe, par petits groupes, les enfants créent une histoire, une chanson, un poème,… sur un sujet les ayant particulièrement touché. Ces productions sont échangées avec une autre école et sont enregistrées, en partenariat avec un auteur et un réalisateur radio. Le projet s’étale sur 2 à 3 mois, durant lesquels on travaille 2 heures par semaine avec chaque classe.
Comment envisagez vous les projets suivants ?
Nous souhaitons aller plus loin, et que les élèves réalisent des actions concrètes, dans leur école. Ils sensibiliseraient les autres élèves, la direction, voire les pouvoirs publics, à la réduction des dépenses énergétiques des établissements scolaires.
On voudrait notamment redistribuer les bénéfices provenant des économies d’énergie aux classes ayant participé au projet. Ce n’est pas évident. On essaye de conscientiser les enfants à tout cela, mais c’est souvent en contradiction avec ce qu’ils voient dans leur établissement scolaire, et chez eux.
Comment se met en place le partenariat avec les professeurs ?
Ca dépend ! Il y a par exemple un prof qui nous a demandé de réitérer l’expérience. Ce genre de réaction, c’est super ! Mais on est souvent confrontés à une logique de consommation, où le prof s’attend à ce qu’on arrive avec notre projet « tout fait ». Ceci dit, même avec des instits qui sont motivés c’est parfois difficile, car ils ont des contraintes non négligeables : respecter le programme, « voir la matière ». Et avec nous, ils « perdent » 2 heures par semaine pendant plus de deux mois.
L’environnement devrait être intégré plus intimement au programme scolaire ?
Oui, et de manière transversale, car toutes les matières enseignées à l’école ont un lien avec l’environnement. La communauté enseignante regrette en général le cloisonnement entre les matières, et des écoles parlent de « décloisonner ». Or l’environnement est précisément un thème qui permet de faire le lien entre les disciplines ! On peut l’aborder tant en math qu’en français, en histoire, en sciences, mais aussi dans les langues… C’est pour ça que c’est intéressant. Et puis, le respect de l’environnement c’est aussi le respect de l’autre, la solidarité.
Il a été constaté, dans des études d’opinion*, que le grand public était globalement sensible à la question de l’environnement, mais qu’en même temps il se dit : « ce n’est pas nous (mais les entreprises qui polluent), ce n’est pas ici (mais un problème mondial) et ce n’est pas maintenant ».
Est-ce que vous retrouvez cette démission chez les jeunes que vous rencontrez, ou bien sont-ils plus enclins à accepter leur responsabilité ?
C’est vrai qu’il y a parfois des défaitistes, mais en général ça se passe bien. Dans certaines classes, on comprend vraiment que nos gestes quotidiens ont des répercussions importantes. Dans d’autres, c’est moins évident.
On n’a en fait pas toujours l’impression que notre message passe. Mais les instituteurs nous disent qu’il en restera toujours des traces, et que les élèves s’en souviendront plus tard. L’éducation est toujours une question de long terme. Ce n’est donc pas facile de savoir ce qui a réellement changé.
Nous pensons qu’un des gros problèmes réside dans le fait que les enfants sont captivés par la publicité. Ils baignent dedans, la logique de consommation leur semble aller de soi. Résultat, ils rêvent de leur future grosse voiture…
Quel accueil recevez-vous justement de la part des élèves ?
Le thème les intéresse et ils sont en général partants. Parfois, ce qu’on leur explique est trop large, abstrait, et ils n’osent pas dire qu’ils ne comprennent pas. C’est pour ça qu’on aimerait partir des questions que les élèves se posent. Ils seraient ainsi beaucoup plus impliqués.
C’est un de vos projets pour le futur…
Oui. En outre, on ne veut plus se limiter à la fiction. On envisage de travailler dans un plus long terme, et on pense aborder différentes formes de radio : documentaire, interview… De plus, on a maintenant un partenariat avec le théâtre de l’L et Radio Campus : il y a donc réellement quelque chose qui passe sur antenne. C’est très valorisant pour les élèves.
On défend aussi une approche intergénérationnelle, en collaborant avec un home. C’est intéressant parce que les personnes âgées reçoivent elles aussi des informations sur le réchauffement climatique. Et surtout, elles ont un regard particulier sur le gaspillage, la consommation,… en comparant la situation actuelle à ce que elles ont connu. Peut-être qu’avec ces témoignages, les enfants comprendront qu’il est possible de consommer, et de vivre, autrement.
Propos recueillis par Elodie Gérard
- Les « ateliers radio-environnement » font partie des 20 lauréats de l’appel à initiatives « Pas à pas vers un développement soutenable », lancé par la Fondation pour les Générations Futures. Pour plus d’informations sur ce projet, http://www.fgf.be/index2.php?section=page&ID=123
- Morceaux choisis : écoutez des exemples de ce qui a été réalisé par les élèves :
Extrait 1
Extrait 2
* Référence : BOURG, D., LIBAERT, Th., GRANDJEAN, A., Environnement et entreprises. En finir avec les discours, Paris, Editions Village Mondial, 2006.