Patrick Bodart est coordinateur de Periferia, une asbl née d’expériences au Brésil et qui fait de la participation citoyenne chez nous son leitmotiv. Etude comparée.
Qu’est-ce qui différencie la participation « sauce Porto Alegre » à celle pratiquée en Belgique?
La question à se poser est « pourquoi voulons-nous faire de la participation ? » En Belgique, les processus participatifs visent très rarement une inversion des priorités en faveur des pauvres, comme c’est le cas à Porto Alegre. Par contre, ici, on cherche à recréer du lien social. Autre objectif : faire de l’information, même si on appelle cela abusivement « participation ». Enfin, un autre objectif de la participation, plus rare sur le terrain, c’est de faire de la co-production entre des habitants, des services publics, des professionnels en tout genre, des élus, etc. Là, on reconnaît la diversité des acteurs et de leurs expertises, pour construire un projet réellement commun, fruit du dialogue. C’est le cheval de bataille de Periferia.
Autre question à se poser : envisage-t-on la participation en amont ou juste avant une décision finale ? A Porto Alegre, c’est avant que les grands choix ne se prennent. Ici, d’habitude, on demande l’avis des gens lorsqu’il y a déjà une série de décisions prises. On réunit alors les gens pour quelques éléments plus concrets. Cela dit, plus on travaille en amont, plus il est difficile de rassembler les gens car moins cela leur paraît concret et moins ils pensent pouvoir influencer.
Un exemple de co-production ?
Ils sont rares, mais nous sommes néanmoins de plus en plus sollicités par les pouvoirs publics pour animer des débats devant déboucher sur une co-production, soit pour un projet dans son ensemble, soit sur certains de ses aspects spécifiques. Par exemple, nous animons un processus autour de l’aménagement de la Place Rogier à Bruxelles. Même si une partie du cadre a déjà été définie d’en haut, il reste des éléments ouverts et des espaces de décisions.
Travailler en aval des grandes décisions, sur des questions de détails, n’est-ce pas une opération cosmétique légitimant les décisions du pouvoir public ?
Cela dépend. Si je reprends l’exemple de la Place Rogier, même si cela semble très local, nous nous sommes mis d’accord avec le Ministre pour partir de là et aboutir à un atelier régional sur « Comment aménager les espaces publics en Région bruxelloise ? ». On est passé d’un aménagement local à un processus de fond régional. Cela vaut donc parfois la peine d’encourager la participation, même sur des espaces limités, pour ouvrir ensuite des opportunités d’élargissement et de travail de fond. Par ailleurs, à la différence du Sud, ici la demande formelle vient souvent des pouvoirs publics et non des citoyens.
Vous travaillez sur des projets de « capacitation citoyenne ». Est-ce que cela veut dire que les gens manquent de compétences ou d’outils pour pouvoir participer ?
Les gens ont quantité de compétences, mais par manque de valorisation, ils ne sont plus conscients de ce qu’ils sont capables de faire. L’objectif du réseau « Capacitation citoyenne », c’est de leur rendre confiance, confiance en eux et confiance entre eux. L’une des grosses difficultés, c’est le manque de confiance entre les citoyens et les pouvoirs publics. Les gens ne veulent plus – ou ne savent même plus – s’exprimer et donner des idées. Il y a là un important travail nécessaire pour insuffler une culture de la participation, pour que les gens estiment que cela vaut la peine de s’investir. La capacitation, c’est surtout une manière de valoriser les compétences des gens et ensuite de les compléter par les informations utiles.
Propos recueillis par Christophe Dubois
Interview publiée dans la Gazette des 11es Rencontres de l’ErE (Education relative à l’Environnement), en mars 2007. Organisées tous les deux ans, ces Rencontres sont l’occasion pour les acteurs de l’ErE de prendre le temps d’échanger, d’apprendre ensemble, de se ressourcer… Plus d’infos sur le site du Réseau IDée
Sur www.capacitation-citoyenne.org, vous pourrez télécharger une série de livrets très intéressants qui rendent compte d’une réflexion commune portée sur leur propre action par les personnes impliquées dans des projets collectifs. Une sorte d’auto-évaluation qui tente de mettre en valeur les capacités citoyennes. Egalement disponibles chez Periferia : 02 544 07 93 – contact@periferia.be