Résultant pour une large part des activités menées par les pays industrialisés depuis plus de deux cent ans, le réchauffement climatique menace aujourd’hui les populations les moins responsables du phénomène. Et les plus vulnérables. Explications de Jean-Pascal van Ypersele, climatologue belge et membre du Bureau du GIEC.
Y a-t-il encore des doutes sur les changements climatiques et les liens avec les activités humaines?
Le consensus de la communauté scientifique compétente en climatologie est très large à ce propos. En 2001, le rapport du GIEC notait que la majeure partie du réchauffement anormal observé ces 50 dernières années était probablement due à l’augmentation des concentrations de gaz à effet de serre d’origine humaine, c’est-à-dire produits par la combustion du charbon, du pétrole et du gaz naturel. Toutes les publications scientifiques réalisées ces 6 dernières années vont dans le sens d’un renforcement de ce diagnostic.
Les effets de ce réchauffement sont nombreux sur l’économie, la santé, la biodiversité, l’accès à l’eau … Mais sont-ils les mêmes pour tous?
Non, il y a clairement une “injustice climatique” à ce niveau, elle-même liée aux injustices globales. Quel que soit le changement climatique à venir, il causera des dommages bien plus importants dans les régions, les sociétés et les populations qui n’ont pas les moyens de s’adapter ou de se déplacer. Chez nous, des mesures relativement rapides peuvent être prises pour faire face, par exemple, à une vague de chaleur. Mais la même vague de chaleur aura des effets bien plus marqués dans les pays en développement. Face au climat, ce sont les plus pauvres qui sont les principaux affectés, au Sud comme au Nord. Il suffit de voir le cas de l’ouragan Katrina qui a balayé la Nouvelle-Orléans en 2005. Les plus touchés ont été les pauvres n’ayant pas les moyens de quitter la ville et encore moins de reconstruire leurs habitations par la suite.
L’injustice est aussi historique…
Absolument. Il faut bien comprendre que les changements climatiques sont liés à l’accumulation de CO2 dans l’atmosphère au fil des années. Ils ne sont pas directement causés par les émissions instantanées. Or, la part humaine des changements climatiques prend d’abord sa source dans les émissions de gaz à effet de serre émises par les pays riches depuis la révolution industrielle. Les populations des pays pauvres qui ont jusqu’à présent très peu contribué à l’accumulation de pollution dans l’atmosphère (moins de 20%), n’ont pas les moyens de se prémunir des effets des changements climatiques et sont les premières touchées. La responsabilité des pays développés dans les changements climatiques restera donc plus élevée pendant longtemps même si – et on s’en rapproche – les pays en développement finiront par émettre plus de gaz à effet de serre que les pays riches. Quand George Bush Jr. dit refuser la ratification du protocole de Kyoto sous prétexte que la Chine et l’Inde finiront par émettre plus que les pays industrialisés, il ne fait que regarder les émissions instantanées, alors qu’il faut regarder du côté de l’accumulation historique…
Les changements climatiques auront notamment une influence sur la production agricole. Qu’en est-il ?
La quantité totale de production agricole mondiale ne devrait vraisemblablement pas poser de problèmes tant qu’on ne dépassera pas une augmentation de 2 à 3 degrés de la température par rapport à la situation pré-industrielle. En Europe, aux Etats-Unis, au Canada ou en Russie, une augmentation de la quantité de CO2 dans l’atmosphère pourrait en fait être quelque chose de positif pour certaines cultures si les conditions climatiques restent favorables et si les quantités d’eau ne varient pas fortement. Mais dans les régions tropicales, la situation est totalement différente. Une bonne partie des plantes cultivées pour l’alimentation y sont à moins de 1 degré de leur température optimale. Cela signifie qu’une augmentation des températures au-delà d’un degré y entraînera une baisse substantielle des rendements agricoles. Dès lors, dans ces régions où de nombreuses personnes vivent de l’agriculture, le risque est très élevé. Il n’est pas exagéré de parler de parler de catastrophe. Et penser que la solution viendra du blé ou des céréales importés des Etats-Unis ou d’Europe est une erreur, car cela ne satisfera certainement pas les populations et les agriculteurs locaux.
Les changements climatiques forment-ils selon vous la plus grande menace pour l’humanité ?
Je n’ai jamais défendu cela. Les changements climatiques sont sans conteste une menace très importante, mais ils sont surtout un symptôme de problèmes plus fondamentaux. Il y a sur terre toute une série de problèmes qui sont très graves. Le fait que 2 milliards de gens n’aient pas accès à l’eau potable, que des centaines de millions de gens n’aient pas accès à un minimum de confort énergétique ou que des millions d’enfants n’aient pas la possibilité d’aller à l’école sont des problèmes qui sont au moins aussi graves que celui des changements climatiques. C’est donc une erreur – et c’est un climatologue qui vous le dit – de penser que les changements climatiques forment en soi la principale menace pour le monde. Ce qui est vrai, par contre, c’est que les changements climatiques vont accentuer les problèmes existants. Des problèmes bien plus préoccupants aujourd’hui pour des centaines de millions de gens. Et si on ne s’occupe pas de la question climatique, la solution des autres problèmes sera à son tour beaucoup plus difficile à mettre en œuvre.
On pense notamment à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement…
Tout à fait. Il sera beaucoup plus difficile de satisfaire ces objectifs en matière de santé, de réduction de la faim ou d’environnement si le climat change de manière importante. Le problème, c’est que beaucoup trop de décisions se prennent en fonction d’intérêts électoraux, économiques ou financiers immédiats, à court terme. Or, maintenir une grande part de l’humanité dans l’extrême pauvreté, porter atteinte à la biodiversité mondiale ou au climat pose des problèmes à moyen et long terme. Intégrer le souci du long terme en faveur des générations futures doit être une priorité. Cela nécessite notamment des décisions fortes en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de réalisation des OMD ou d’autres objectifs de développement durable qui n’ont, à première vue, pas grand-chose à voir avec le climat.
Face aux changements climatiques, l’aide aux pays du Sud est-elle suffisante ?
C’est l’un des grands problèmes. L’un des enjeux des discussions à venir portera sur le financement de l’adaptation que ces pays auront à réaliser. Les pays en développement vont, à raison, insister sur la nécessité d’augmenter considérablement les montants actuellement sur la table. Ce qui est totalement légitime au vu de la “dette climatique” des pays industrialisés.
L’adaptation dont nous parlons est une adaptation à des changements climatiques principalement causés par les pays développés.
Assez logiquement, c’est à ceux qui ont causé le problème qu’il revient de payer pour réparer ou prévenir les catastrophes. Les pays développés devraient donc dépenser beaucoup plus d’argent que ce qu’ils ne font maintenant dans le cadre de leur coopération au développement ou des fonds pour l’adaptation. Les montants sont beaucoup trop faibles. Toutefois, il est clair que les pays en développement ont aussi des responsabilités à prendre, notamment pour orienter leur modèle de développement dans une direction plus durable, sans tout attendre des pays riches.
Quel rôle peut jouer la Belgique ?
La Belgique doit continuer d’agir à deux niveaux. D’une part, elle doit bien sûr mettre en oeuvre ses propres engagements et continuer à promouvoir des mesures domestiques dans tous les secteurs. Notre pays dispose de moyens financiers, humains, d’experts et de technologies pour réduire nos propres émissions. Mais il faut aussi que la Belgique continue de plaider, dans les enceintes européennes et internationales, en faveur d’un accord ambitieux, réalisable et qui encourage une large participation. Celle des Etats-Unis bien entendu, car ce sont les premiers à remettre en selle dans le processus.
Mais également celle des pays en développement, qui doivent aussi agir. Car si on arrête aujourd’hui les émissions des pays développés, les seules émissions des pays en développement sont largement suffisantes pour continuer à perturber le climat.
A côté de ce rôle diplomatique, la Belgique doit agir par le biais de sa coopération au développement. La Banque mondiale a estimé que près d’un tiers des projets qu’elle finance n’intègrent pas les risques climatiques. Et risquent donc de voir leurs résultats amoindris ou anéantis par les changements climatiques. La situation est probablement similaire pour les projets belges. A côté d’une augmentation des montants alloués, la question de l’adaptation devrait donc être bien plus prise en compte. Si on ne le fait pas, on peut arriver à une situation où tous les efforts réalisés par le passé seront anéantis parce qu’on n’aura pas pris en compte la nécessité de s’adapter – quand cela est possible – à un climat qui change…
Etes-vous confiant quant aux chances d’aboutir à un accord international plus ambitieux que celui de Kyoto ?
Je suis raisonnablement optimiste. Les changements climatiques sont un fait établi partout dans le monde, et plus aucun pays ne peut nier qu’il s’agit là d’un problème réel à résoudre. Dans les 2 à 3 ans qui viennent, nous arriverons probablement à un accord qui ira bien plus loin que les 5 % de réduction de Kyoto et qui laissera la porte ouverte à certains grands pays émergents. Kyoto n’était qu’un second pas sur un long chemin. Tout le monde sait bien qu’il va falloir aller plus loin que cela. Et je pense que l’on va y arriver.
Propos recueillis par Frédéric Janssens, Oxfam solidarité
Article publié dans la revue Globo, mars 2007
Photo: Tineke D’haese – Pauvreté injustices et vulnérabilité au climat ne peuvent être dissociées (Mozambique)
Dossier « Réchauffement climatique : qui paie l’addition? » de la revue Globo n°17 (03/2007) – Oxfam Solidarité
6 DEGRES DE PLUS EN 2100
Insécurité – injustice ?
Aide à personne en danger
Article 422bis. Sera puni d’un emprisonnement de huit jours à un an et d’une amende de cinquante à 125€ ou d’une de ces peines seulement, celui qui s’abstient de venir en aide ou de procurer une aide à une personne exposée à un péril grave, soit qu’il ait constaté par lui-même la situation de cette personne, soit que cette situation lui soit décrite par ceux qui sollicitent son intervention.
Formulaire de plainte gratuit sur demande tél. 04.250.43.31 de APIA -SENIOR
A quoi préparons-nous réellement la vie de nos enfants ?
Dans l’avenir, la vie de l’homme atteindra un siècle, voire dépassera 140 ans. Prédire cette évolution est bien. On pourrait s’en réjouir au cas où on n’attendrait pas deux siècles pour développer une gérontologie harmonieuse plus équitable qu’aujourd’hui. http://www.apia-senior.be
Bonjour,
Effectivement, au 1er degré, l’injustice est flagrante !
En réalité, a posteriori ou au second degré, ce processus sera le seul qui réussira à changer et faire évoluer la mentalité des homo sapiens, à nous faire passer au stade de l’Homme et Femme vrai(e)s !
Lorsque, partout sur la planète en crise totale, la précarité, l’insécurité, la violence, seront telles que rester en vie ne sera plus la priorité des priorités mais au contraire posera des questions du genre (plutôt que mourir paisiblement maintenant, est-il préférable de risquer de décéder dans la souffrance, torture, de prédateurs prêts à tout pour survivre ?), le néocortex émergera et bousculera les emprises actuelles des deux autres parties principales des hémisphères cérébraux : le cerveau des émotions (ou mammalien), le cerveau reptilien.
Enfin, nous pourrons commencer à comprendre le sens de la vie, donc de la mort !
Pour le moment, comme d’ailleurs la récente évaluation des génomes a mis en évidence une différence de celui des chimpanzés inférieure à 2 %, nous nous conduisons comme eux !
Notre civilisation judéo-chrétienne est en partie construite sur la peur de la mort, voire de l’enfer au Moyen-Âge où les serfs étaient en contrecoup « taillables et corvéables à merci ».
La moindre analyse, pourtant, permettrait de trouver la mort nécessaire puisque tout est cyclique, puisque la complexification passe par les mutations, changements de mouture, etc.
De plus, étant les petites limites de nos cerveaux, pourquoi serions-nous capables de saisir l’Univers ?
Symétriquement, puisque, en toute logique, les injustices n’ont aucune raison d’accabler certaines populations, continents, pourquoi le passage terrestre ne serait-il pas seulement une première étape, une sorte d’hyper jeu ou de grand théâtre où chacun(e) s’exercerait … plus ou moins bien selon le rôle qui lui est confié …
(En passant, que serait la vie éternelle dans une société « toujours plus » où il faudrait toujours se battre pour demeurer compétitif/ve … sinon le véritable enfer ? !)
Alors que la naissance est positivée, que la mort pourrait retenir toutes les attentions de manière qu’elle fût la plus agréable possible, nous mourrons souvent plus mal que les chiens domestiques qu’on refuse de faire souffrir inutilement !
Nous n’avons pas évolué mentalement depuis le néolithique (ou si peu !)
La conséquence est implacable.
1) Nous sommes en train de détruire la vie sur la planète.
2) Comme dans le marché atomobile, il est plus que temps de changer les moutures
3) Vive la nouvelle ère, en essayant de la devancer, de saisir ce qu’on s’obstine actuellement d’occulter !