La plupart de nos comportements résultent de gestes transmis dès la petite enfance. D’où le rôle crucial joué par le cercle familial en matière d’éducation à l’environnement. Comme toute éducation, donner l’exemple et agir avec cohérence sont deux missions parentales essentielles. Pas toujours évident, pourtant, d’inculquer certaines valeurs dans une société où enfants et ados sont sans cesse happés par la dite « norme » de consommation.
Tout au long de son parcours éducatif, l’enfant d’abord, l’ado ensuite, l’adulte enfin, croisera de nombreux acteurs, s’intègrera à de multiples structures, passera dans divers lieux… Autant de rencontres qui exerceront une influence sur ses choix et ses comportements, notamment en matière environnementale. Une chose est sûre, cependant : la plupart de nos comportements sont acquis dès la petite enfance. Comme toute éducation, l’éducation à l’environnement doit donc commencer très tôt. Et qui dit tôt, dit entre autres en famille, là où l’enfant se voit inculquer des valeurs essentielles de respect de l’autre et de son environnement.
La valeur de l’exemple
Le rôle fondamental joué par les parents ne réside pas tant dans de lancinants discours, de perpétuelles injonctions ou le martèlement de principes. Agir en donnant l’exemple est une recette bien plus efficace. « C’est l’attitude que les parents vont avoir eux-mêmes qui va vraiment avoir une influence sur l’enfant, explique Philippe Béague, psychologue, psychanalyste, président de l’Association Françoise Dolto. Les parents peuvent avoir le discours le plus emballé et pédagogique possible, si l’enfant ne perçoit pas une cohérence entre ce que ses parents disent et ce qu’ils font, il sentira qu’il y a une fausse note quelque part. » Au risque que le message ne passe tout simplement pas… « En fait, les parents doivent s’éduquer eux-mêmes. L’éducation des enfants viendra derrière. Éduquer les enfants, c’est d’abord aider les adultes à réfléchir. »
Éduquer à l’environnement dès le plus jeune âge, ça signifie surtout installer naturellement certains comportements dans le développement de l’enfant. Des comportements qui lui apparaîtront, tout au long de sa vie, comme une évidence. « L’essentiel, c’est que l’enfant intériorise une loi, poursuit le psychologue. Ce qui signifie que s’il la respecte, ce n’est pas parce qu’on le regarde ou parce qu’il craint la punition, mais bien parce que cette loi a du sens à ses yeux. »
Famille et école, une nécessaire cohérence
Parents et enseignants étant les deux principaux référents de l’enfant, une cohérence entre leurs messages est essentielle. « Ca ne veut pas dire que tout le monde doit tout le temps dire la même chose, mais bien que les enfants sentent que cette préoccupation est présente chez tous les adultes », explique Philippe Béague. C’est pourquoi l’Association Françoise Dolto prône une « alliance éducative » (1), afin que parents et professionnels échangent et réfléchissent ensemble, tout en veillant à ce que chacun conserve son rôle.
Sentiment partagé par Philippe Andrianne, Secrétaire général de la Ligue des familles : « Il y a nécessairement un dialogue qui doit s’installer entre les parents et les enseignants, de manière à ce que les valeurs qui soient véhiculées par les parents entrent en adéquation avec celles que sous-tend l’enseignement. En matière de respect de l’environnement, il n’est pas très difficile de trouver des terrains d’entente et même des convergences, puisqu’on est souvent en dehors de questions philosophiques ou morales qui pourraient susciter des antagonismes. »
Et l’enfant qui revient de l’école le cartable plein d’idées pour prendre soin de la planète, n’est-il pas lui aussi prescripteur de comportements auprès de ses parents ? Très certainement. Le message dispensé à l’école a forcément une répercussion, aussi minime soit-elle, sur le reste de la famille. Mais la prudence est de mise : « Il faut laisser l’enfant dans une place d’enfant. Il n’a pas à faire l’écolage de ses parents, tient à souligner Philippe Béague. Les professionnels doivent être attentifs à cela. Chacun a sa place : d’un côté les enfants, de l’autre les adultes, c’est-à-dire les professionnels et les parents, ensemble. Une collaboration entre enseignants et parents est nécessaire, de façon à ce que les enfants ne soient pas les messagers ou les boucs émissaires entre les deux. »
Face à la norme
Approcher l’environnement au quotidien avec ses enfants, c’est opter pour le ludique et le concret, c’est mettre en avant la notion de plaisir à être ensemble, en famille, au cours d’une balade en forêt, autour d’un conte nature, devant un documentaire animalier… Des moments privilégiés qui ont pourtant tendance à se perdre dans une société où la consommation règne à tout prix. Directrice de recherche au CRIOC (Centre de Recherche et d’Information des Organisations de Consommateurs) et mère d’une famille nombreuse, Catherine Rousseau tire la sonnette d’alarme. « Ce qui est très trompeur dans la norme de consommation et dans les messages marketing, c’est de faire croire à l’enfant que son bonheur dépend de son avoir, de la dernière PlayStation ou d’une paire de baskets à la mode. Les parents ne doivent pas adopter un discours négatif par rapport à ça, mais plutôt montrer le plaisir qu’il y a à vivre frugalement, hors de cette norme de consommation. Dans une famille, les meilleurs moments sont ceux où on est dans la discussion, la fête, la balade, l’échange… C’est important de ne pas confier ses enfants à la société de consommation. »
Encore faut-il avoir pris conscience de la spirale consommatrice dans laquelle la famille s’est parfois plongée. En effet, selon une étude récente du CRIOC (2), les parents sous-estiment grandement le poids qu’exercent les enfants sur le contenu des caddies, surtout d’un point de vue alimentaire. Face au matraquage publicitaire et à la norme de consommation, nombreux sont ceux qui se sentent démunis. « Les parents ont le droit de dire non à leurs enfants, insiste Philippe Béague. Ils doivent se positionner et expliquer qu’il y a une différence entre ce que les enfants ont vu à la TV et ce que eux, parents, décident d’acheter réellement. » Dialogue, négociations et consensus, des éléments également indispensables aux yeux de Catherine Rousseau : « Expliquer pourquoi on est pas d’accord tout en essayant de trouver un compromis permet de reconnaître à l’enfant une place dans cet échange. L’interdiction pure et simple est la voie ouverte à un comportement opposé à celui recherché par les parents. » Et Philippe Béague de rajouter : « Mais face à la Loi, il n’est pas de compromis possible. Nous y sommes tous soumis, grands et petits. »
Côté contestation, l’adolescence est une période significative. Cibles privilégiées des publicitaires, les ados sont tiraillés de toutes parts et s’essaient à de nouvelles expériences, rejetant parfois des valeurs inculquées par leurs parents… Pour y revenir à un moment ou l’autre ? « Ce qu’on a appris dans l’enfance, on ne le met pas à la poubelle à l’adolescence, explique Catherine Rousseau. On le range dans un placard pour le digérer. On le sortira peut-être alors plus tard, mais avec son propre angle de vue, sa propre approche. » D’autant que la période de l’adolescence contient de nombreuses richesses. « Avec des ados, on peut utiliser cette force de critique, de remise en question qu’ils ont en eux. Là-dedans il y a même plus de créativité que chez les plus jeunes qui répètent les messages que les adultes leur ont appris ou que les adultes ont envie d’entendre. »
Prendre le temps
Pas le temps d’éduquer à l’environnement ? Entre déposer le petit à la crèche, s’investir au boulot, vite faire quelques courses, aller chercher la plus grande à son cours de danse, faire la cuisine, le ménage… Pas toujours évident de « trouver le temps », surtout dans une société au rythme effréné où la notion de rendement semble avoir supplanté celle de qualité de vie. Suite à une demande récurrente des familles, la Ligue des familles s’est lancée dans la question de la conciliation des temps (3). « Les gens ont besoin de temps, à titre individuel et pour vivre ensemble, explique Philippe Andrianne. C’est une question d’articulation, de possibilité d’éducation et d’accompagnement des enfants et des jeunes. La question ‘on a besoin de temps’ est présente partout. Celle de ‘comment organiser son temps’ est différente en fonction du revenu ou de la situation socio-éducative de chacun. »
Faire le choix de prendre le temps, n’est-ce pas une valeur prégnante au cœur même de l’éducation à l’environnement ? Prendre le temps de s’informer, d’observer, de découvrir, de se retrouver en famille, d’apprendre à connaître l’autre, de consommer autrement … « Dans l’éducation à l’environnement, il n’y a pas que strictement la protection de l’environnement qui rentre en ligne de compte, conclut très justement Catherine Rousseau. Prendre du temps, échanger, être solidaire… Tout ça met en place un système de valeurs, de mécanismes, de dynamiques qui conduisent plus sûrement à vivre en prenant compte de l’environnement et des autres. »
Céline Teret
Article publié dans Symbioses (dossier ‘En famille ou en solo: éduquer à l’environnement au quotidien’ – n°74), le magazine d’Education relative à l’Environnement du Réseau IDée
(1) Lire aussi « Parents, enseignants… La guerre ouverte ? », les récents actes du colloque organisé par l’Association Françoise Dolto en 2004 (18€/livre+DVD)
(2) « L’enfant , prescripteur d’achat », CRIOC, mai 2006 (téléchargeable sur www.crioc.be)
(3) La Ligue des familles a organisé une Conférence citoyenne, de décembre 2005 à juin 2006, avec pour thème central : « Réconcilier travail parental et égalité entre hommes et femmes : repenser l’emploi et la richesse ? » (infos sur www.liguedesfamilles.be)
Photo 1: © CRIOC
Photo 2: © Réseau IDée
- Association Françoise Dolto – 00 32 (0)2 731 95 72 – www.associationfdolto.be
- Ligues des familles – 00 32 (0)2 507 72 11 – www.liguedesfamilles.be
- CRIOC – 00 32 (0)2 547 06 11 – www.crioc.be
qui doit éduquer les enfants
Ce sera d’ja bien de promouvoir une Education pour l’environnement dans les écoles prmaires comme nous sommes en train de préparer actuellement en Côte d’Ivoire à Bingerville
Cela permettrait de sensibiliser les enfants mais en même temps les éducateurs et les politiques de l’importance qu’il y a de préparer la future génération
article très pertinent