Marcher en faveur d’une société meilleure où les liens sociaux et le bien-être priment sur l’accumulation matérielle, voilà un idéal qui unissait cet été les marcheurs de la « Dé-marche ». Nous les avons suivi pour un bout de chemin.
Partie de Maubeuge (France), la Démarche de l’après croissance aura parcouru quasiment 300 kilomètres à travers les Ardennes, pour se terminer dans la ville de Liège. Vecteur de rencontres et d’échanges, cette grande promenade citoyenne se veut l’occasion de se rencontrer et d’échanger, l’espace de quelques jours ou tout au long du petit mois (du 13 juillet au 8 août) que dure la Démarche.
Aujourd’hui, enfin une journée de repos pour les « démarcheurs ». Après déjà 220 kilomètres de route, bâton à la main et sac sur les épaules, les voilà maintenant accueillis à la maison communale d’Assesse. Les tentes sont montées, les ânes broutent tranquillement dans leur enclos, un petit groupe prépare le repas. Dans le jardin qui entoure le lieu d’accueil, les carrioles sont également au repos. Parfois marquées par des kilomètres d’aventure (l’une d’elles est même déjà allée jusqu’à Moscou !), ces charrettes en bois servent à transporter le matériel nécessaire à la marche, c’est-à-dire le strict minimum. Pas de confort superflu ou équipements perfectionnés, le but est de se rapprocher des choses simples. Décroissance, diront certains, à ce terme les organisateurs rajoutent « Après croissance ». « Il faut être réaliste, il est vrai que la décroissance me paraît nécessaire aujourd’hui, nos ressources naturelles sont limitées, il est impossible d’augmenter infiniment notre consommation, notre planète a déjà dépassé son seuil de tolérance. Ceci dit, la décroissance ne peut pas durer toujours, tout comme la croissance » fait remarquer Kosta, l’un des initiateurs de la marche. Le ton est donné. Loin du discours monocorde, ici on privilégie la discussion et le débat d’idées, à travers un film, des cercles de discussions ou une conférence.
Pas de message unique
À l’image de la marche, le repas est collectif et cuisiné avec les moyens du bord, poêle à bois africaine et fruits récoltés en chemin. Au menu : salade, soupe, pain, fromage, le tout dégusté assis dans l’herbe fraîche. La convivialité est au rendez-vous et les discussions vont bon train. Une occasion aussi de faire connaissance avec les nouveaux arrivants du jour et de faire le point sur cette dé-marche.
Pourquoi marcher? « C’est déjà se mettre en mouvement, c’est aussi retrouver des valeurs de lenteur, favoriser les rencontres avec la population locale, et se rapprocher de la nature » explique Aristide. Et à Kosta d’ajouter « De tout temps il y a eu des marches, un moyen simple, pacifique et ouvert à tous de faire passer un message ». Privilégier des voies alternatives pour se faire entendre, un pari que tous partagent.
Ce qui n’exclut pas les différences de points de vue. Bien au contraire, les échanges sont même parfois plutôt « vifs », glisse l’un des marcheurs. Et pour cause, les messages, tout comme les objectifs sont multiples. Inviter au débat populaire, promouvoir l’économie locale, réduire son empreinte écologique et surtout retisser des liens sociaux. Autant de priorités qui invitent au compromis. Pas de message unique et clef en main donc mais plutôt une action collective pour montrer qu’une autre société, moins consumériste et plus humaine, est possible.
Une après- midi sous le signe de l’échange
Une fois sortis de « table », quelques-uns font la vaisselle. « Il n’y a pas de rôle attitré, tout est basé sur le volontariat. explique Kosta. Pour vivre ensemble, il faut que chacun se sente de lui-même responsable pour la collectivité ». Tout le monde s’active alors afin de laisser le lieu d’accueil aussi propre qu’ils l’ont trouvé. Une autogestion qui nécessite l’engagement de tous et par là même n’exclut pas les couacs dans l’organisation.
Le temps de jeter un coup d’œil au « planning », un grand tableau où chacun peut suggérer une activité, et déjà le cercle de discussion « Nouveau départ » se forme. Son but : Discuter de propositions concrètes pour l’avenir de l’après croissance . À quelques pas d’autres jouent de la musique, toute manifestation artistique est la bienvenue. Il y a d’ailleurs à présent un atelier « Création de banderoles » dans l’arrière-cour, encore un moyen créatif de promouvoir un monde nouveau.
La soirée laisse place à une conférence sur le thème de « la renaissance du local ». « On ne souhaite pas une conférence classique où l’orateur fait son exposé à l’auditoire, on cherche quelque chose de plus interactif » précise Kosta. Tout au long du voyage, la marche s’accompagne de nombreuses activités annexes pour pousser la réflexion sur le concept de l’après-croissance et ses implications. Afin de faire avancer le concept mais aussi au bénéfice d’un enrichissement personnel. Car c’est là aussi l’essence de la marche, chacun y apporte son point de vue, son expérience pour être finalement en symbiose avec le groupe. À Aristide de conclure « Cette marche, c’est non seulement un moyen d’expression mais également une expérience humaine hors du commun » .
Julie Mandrille
Le site de la Dé-marche de l’après croissance: www.demarche.org