A l’origine de Tout l’Or du Monde, l’engagement d’Antoine et Anne pour les valeurs du commerce équitable. Ils se sont rencontrés à Paris et ont rapidement nourri le rêve d’ouvrir une épicerie équitable à Bruxelles. Après de nombreuses démarches, le magasin a récemment ouvert ses portes. Plus qu’un commerce ordinaire, l’épicerie-café témoigne d’une jeunesse qui n’accepte plus que les échanges commerciaux se fassent au détriment de la dignité humaine.
Située au cœur de Bruxelles, l’épicerie-café intrigue au premier regard… Une vitrine enveloppée de châssis en bois laisse entrevoir un bar coloré et offre un avant-goût de la kyrielle de produits équitables disponibles à l’intérieur. Une fois le pas de la porte franchi, tout visiteur prend conscience du travail abattu pour rendre le local agréable et chaleureux. Ici, des matériaux retrouvent une seconde vie. Accrochées au plafond, les lampes tamisées sont fabriquées à partir de moules à tartes. Quant aux étagères où reposent café, vin, riz, miel, confiture, chocolat et bien d’autres produits équitables, elles ont été façonnées avec du bois recueilli chez un artisan.
Avant de se lancer dans l’aventure de Tout l’Or du Monde, Antoine travaillait à Paris pour le label « Ethiquable », qui distribue en France plus de 3000 produits issus de la filière équitable. Il a suivi Anne pour s’installer à Bruxelles. « Nous savions que le concept était inédit. En effet, Tout l’Or du Monde offre à la fois un espace café, épicerie, et un lieu d’échange culturel », souligne Anne. Si Anne et Antoine reconnaissent que leur activité est commerciale et leur permet de vivre, ils ne perdent pas de vue l’objectif premier du projet : « Notre coopérative a une finalité sociale. Elle nous permet de sensibiliser les consommateurs à une autre façon de voir le commerce international ». Ainsi, les marges qu’ils opèrent sur les produits sont limitées, afin de permettre aussi aux petits budgets de goûter aux produits proposés par l’épicerie.
Sensibiliser avant tout
Afin de sensibiliser les clients au maximum, Antoine et Anne organisent régulièrement des activités culturelles. Alors que l’espace café permet aux visiteurs de se rencontrer autour d’un verre de cola équitable, l’arrière-salle du local accueille des évènements culturels. Ainsi, des soirées à thèmes sur des différentes filières équitables sont régulièrement organisées, avec à chaque fois un conférencier venant témoigner sur un produit spécifique comme le riz ou le cacao. A la fin de la soirée, une dégustation est offerte aux visiteurs. « Nous savons qu’il faut convaincre que les produits sont de qualité. Dans la tête des gens, c’est encore une démarche humanitaire pour aider les plus pauvres. Le commerce international génère des effets pervers comme la mauvaise rémunération des petits producteurs. Nous voulons surtout responsabiliser les consommateurs et les amener à redonner du sens à leurs achats. »
Anne et Antoine ont reçu un soutien massif de leur entourage dès l’annonce de leur projet à vocation solidaire. « Nous sommes conscients qu’il est plus confortable d’être salarié. Mais nous avons voulu relever le défi parce que nous sommes des militants avant tout. » Et ce ne sont pas les nombreuses démarches administratives qui ont freiné leur enthousiasme. Tout d’abord, le couple a dû prendre des risques en avançant un capital, nécessaire à toute création d’entreprise. Mais ils ont pu bénéficier de quelques coups de pouce comme des exonérations fiscales ainsi que d’une aide financière octroyée par Brustart, un fonds ordinaire de la Région bruxelloise pour les jeunes créateurs d’entreprises. Les organismes de crédits alternatifs comme Credal et Triodos s’étaient en effet montrés frileux à financer ce projet audacieux.
Ensuite, « nous avons dû prévoir un plan de financement et rédiger les statuts juridiques de notre coopérative. Par après, le plus difficile a été de trouver un local : bien situé et pas trop cher ». Peu à peu, à force d’acharnement, ils sont parvenus à collecter des informations précieuses auprès de diverses agences de conseil et d’organismes bancaires.
Trop cher ?
Malgré les efforts pour baisser leurs marges bénéficiaires, les principales critiques que reçoivent Antoine et Anne tiennent aux prix plus élevés des produits issus du commerce équitables. « Nous sommes conscient du différentiel. Mais la qualité et le respect du producteur sont à ce prix ». Il y a également des sceptiques pour souligner le coût environnemental de tels produits qui parcourent des milliers de kilomètres avant de se retrouver en vente en Europe. Face à ces remarques, Antoine souligne que « le respect de l’environnement et de l’humain vont de pair. Les produits sont amenés par bateau, ce qui limite l’impact sur la planète. Quant à l’exploitation sur place, les producteurs ont compris l’intérêt d’assurer la rotation des sols, car c’est le seul moyen pour eux de pérenniser leur activité… »
En guise de préparation à l’ouverture de Tout l’Or du Monde, Antoine et Anne ont aussi pu voir de leurs propres yeux les conditions de travail des producteurs dans les pays du Sud. « Nous avons voyagé pendant deux mois au Pérou et en Equateur à la rencontre des travailleurs de coopératives de café, cacao, banane, quinoa, etc. Il était primordial pour nous de nous rendre compte de la réalité afin de mieux pouvoir la communiquer aux consommateurs ».
Pour Antoine et Anne, pas question de remettre en cause l’existence des échanges commerciaux internationaux, « mais essayons au moins de les rendre le plus juste possible! »
Santiago Fischer
Photos: Anne Kennes
- Tout l’Or du Monde est situé rue Plattesteen 7 à 1000 Bruxelles. Ouvert du mardi au samedi de 10h30 à 19h00 et le vendredi jusque 20h30. Contact et infos : 02 513 07 10 – 0473 17 81 17 – www.toutlordumonde.be
- Société des alternatives wallonnes et bruxelloises (SAWB asbl) : www.saw-b.be
- Brustart, programme de la Société régionale d’investissements de Bruxelles (SRIB): www.brustart.be
- Deux coopératives de crédit alternatif, Credal www.credal.be et Triodos www.triodos.be
- Agences Atrium, agence régionale pour l’investissement urbain et le management transversal des quartiers commerçants: www.atrium.irisnet.be