Savez-vous ce que votre banque fait de votre argent ? Si elle l’utilise pour financer la production d’armes ou soutenir des dictatures ? Il vaudrait mieux le savoir. Le Réseau Financement Alternatif et Netwerk Vlaanderen sont là pour ça.
Comme le rappelle Christophe Scheire, de Netwerk Vlaanderen, « les banques recourent à l’argent placé chez elles pour investir dans des entreprises ou acheter des actions. Ces investissements ne sont pas neutres, comme dans le cas d’investissements dans des fabriques d’armes. Nous poussons les institutions financières à prendre leurs responsabilités vis-à-vis de l’utilisation éthique de leurs fonds. Les banques utilisent l’argent de leurs clients. Ces derniers doivent savoir ce que l’on fait de leurs économies. Il est fort probable que nombre d’entre eux soient tout simplement estomaqués s’ils savaient où leur argent se retrouve parfois… Mais les clients ne reçoivent pas ces informations, et ne réagissent donc pas. C’est pourquoi nous voulons mettre à nu ces investissements bancaires. »
« Not with my money »
Netwerk Vlaanderen existe depuis plus de 25 ans. Jusqu’il y a peu, elle ne s’intéressait qu’aux questions relatives aux placements éthiques. Mais aujourd’hui, l’organisation mène aussi deux grandes campagnes : une sur les armes et une sur les droits humains. « En 2003, nous avons choisi de lancer une campagne spécifique sur les armes du fait de la mobilisation populaire contre la guerre en Irak. Du slogan ‘Not in my name’, nous avons fait ‘Not with my money’. Nous mettons en lumière les investissements dans des entreprises controversées afin d’inciter les banques à être plus regardantes dans leurs pratiques. Nous nous tournons aussi vers les citoyens et les encourageons à demander des comptes à leur banque. C’est ainsi que la campagne ‘Communes pour la Birmanie’ est aujourd’hui menée avec le Réseau Financement Alternatif, Action Birmanie et des démocrates birmans. Par cette campagne, nous demandons aux communes – qui placent aussi leur argent dans les banques – de ne plus investir dans la dictature birmane. »
Le consommateur est de plus en plus sensible aux aspects éthiques des produits qu’il achète, qu’il s’agisse de commerce équitable, de protection de l’environnement… Mais cette sensibilité s’applique-t-elle aussi à ses finances ? « Il est difficile de juger de l’impact de nos campagnes, note Scheire, car les clients adressent leurs demandes à leur banque, pas à nous. Nous constatons tout de même que les banques tiennent de plus en plus compte de certains aspects éthiques, qu’elles mettent en place des politiques spécifiques. Certaines banques sont même assez actives à ce niveau. Mais d’autres ne font encore qu’un travail superficiel. Nous suivons donc de près leurs engagements, nous contrôlons ce qui se passe en pratique, et nous leur proposons des pistes pour résoudre certains de leurs problèmes. »
Les choses bougent donc dans le secteur bancaire. Mais qu’en est-il des pressions sur les entreprises d’armement ? « La plupart sont de grandes multinationales. Nous n’obtenons que peu de réactions de leur part. Et nous remarquons que les informations sur les armements controversés que nous mettons en lumière sont pour le moins incomplètes sur leur site internet. Les Forges de Zeebrugge, une firme belge, a récemment fait parler d’elle à ce niveau. Dès 2004, elle apparaissait dans nos rapports car nous dénoncions le fait qu’elle fabriquait des armes à sous-munitions. A l’époque, la firme a fermement contesté cette accusation. Mais un an plus tard, tandis que le Parle ment débattait de l’interdiction des armes à sous-munitions, les Forges de Zeebrugge ont déclaré qu’une telle interdiction serait néfaste pour ses activités et menacerait l’emploi. Reconnaissant donc que nos accusations étaient fondées… »
Actions belges
En mars, la Belgique a interdit tout investissement dans la fabrication de mines antipersonnel ou d’armes à sous-munitions. Notre pays est le premier au monde à adopter une telle législation. « C’est là l’un des plus grands succès de notre travail de plaidoyer, poursuit Scheire. Un exemple qui devrait inspirer de nombreux pays étrangers. Pour la toute première fois, des autorités politiques ont osé interdire aux banques d’investir où bon leur semble. Toutefois, le Gouvernement pourrait aller plus loin. La Belgique doit s’assurer que ses ressortissants, dont les banques belges, n’aillent pas à l’encontre des traités qu’elle a signés. La Belgique a souscrit à la Déclaration universelle des droits de l’homme. Le Gouvernement doit donc être cohérent et vérifier si les banques ne financent pas des entreprises qui violent les dispositions de cette Déclaration. A côté de cela, les autorités belges doivent aussi montrer l’exemple. Elles devraient investir de façon éthique l’argent qu’elles placent en banque ou dans des fonds. Mais aucune politique n’apparaît à ce niveau. Des bourgmestres ou ministres prennent de temps à autres des initiatives, mais cela reste malgré tout sporadique. »
Les clients peuvent faire des choix éthiques, même si ce n’est pas toujours facile. « Les gens doivent comprendre que leur argent ne reste pas endormi dans une banque. Il nourrit des financements, et les citoyens doivent donc déterminer eux-mêmes quels secteurs en profiteront, conclut Scheire. Actuellement, le client ne dispose que de peu de possibilités de choix. Il y a certes des produits éthiques sur le marché, et certaines banques appliquent déjà des critères éthiques, mais l’information est incompréhensible… Le manque de transparence est tel que les clients ont bien des difficultés à faire un choix éclairé. Les institutions financières et le Gouvernement doivent donc agir pour rendre ce choix possible. »
Lieve Reynebeau
Article publié dans la revue Globo
Illu : « Mon argent tue la démocratie », une campagne initiée par le RFA.
- Dossier « Pas de développement sans désarmement » de la revue Globo n°19 (09/07) – Oxfam Solidarité
- Site du Réseau Financement Alternatif (RFA): www.rfa.be
- Site de Netwerk Vlaanderen : www.netwerkvlaanderen.be
- FINANcité, le site de la finance éthique et solidaire, contenant des infos et des conseils pour investir son argent dans des projets ou des produits respectant des valeurs sociales et environnementales précises: www.financite.be
- La campagne « Je choisis »: Pourquoi ne sommes-nous pas informés de ce que les banques font de notre argent? Avons-nous le choix, celui de refuser que cet argent finance des injustices, ou des activités destructrices? Affirmons que oui, et saisissons ce choix! A voir sur www.jechoisis.be
A voir, entre autres, à ce sujet:
http://grandeur-nature.skynetblogs.be/post/5601627/le-contrat