Lutter contre la grande pauvreté et l’exclusion des plus démunis, tel est le défi d’ATD Quart Monde Wallonie-Bruxelles. Chaque mois, est organisée l’Université Populaire Quart Monde. Un lieu qui permet aux personnes très pauvres et aux autres citoyens de s’exprimer librement et de construire une réflexion à la fois individuelle et collective. Des questions variées y sont abordées: famille, travail, logement… Jusqu’ici, l’environnement ne figure pas au centre des débats, du moins pas directement. Rencontre avec Régis De Muylder, responsable de la Maison Quart Monde de Bruxelles.
L’environnement, un bon sujet de réflexion ?
L’écologie est un sujet intéressant, car il englobe de nombreux domaines qui concernent les personnes vivant dans la pauvreté, comme l’habitat et l’énergie. Le tout est de savoir comment aborder réellement la thématique avec ces personnes. Selon moi, il faut premièrement travailler en interne sur la question « c’est quoi l’écologie ? ». Et ensuite, approfondir un aspect de ce sujet au niveau d’une dynamique comme l’Université populaire. Toutefois, parler d’écologie peut paraître trop éloigné des difficultés des gens ou trop théorique. Alors que des sujets comme le logement ou la vie de quartier ont été déjà abordés dans nos discussions. En fait, les participants n’ont pas encore vraiment conscience qu’en réfléchissant à cela, ils participent à une réflexion sur l’écologie.
Justement, à propos du logement, c’est une réelle problématique. Les personnes défavorisées vivent souvent dans des habitations insalubres et énergivores…
C’est exact. D’un côté, les pouvoirs publics mettent en place des systèmes de primes pour améliorer la qualité des habitats afin qu’ils respectent les normes environnementales. Et d’un autre côté, des logements insalubres, sans double vitrage et sans chauffage central, existent encore. Et ce sont des personnes pauvres qui vivent dans ces logements. D’ailleurs pour celles-ci, il faut souvent parler de plusieurs logements. En effet, souvent nous constatons qu’elles effectuent en quelque sorte un parcours de logements successifs et ce, pour diverses raisons comme l’incapacité à payer son loyer, l’expulsion pour raison d’insalubrité, etc. Voici une situation concrète : en 7 ans, une famille nombreuse a vécu dans une dizaine de logements, tous insalubres et inadaptés à la situation familiale. Sans avoir accès, durant cette période, à un logement social. En général, obtenir une habitation sociale est vraiment difficile, car il faut remplir certains critères et la liste d’attente est très longue. La demande excède très largement l’offre. Souvent, les personnes vivant dans la grande pauvreté ne peuvent attendre.
Lier le social et l’environnement, est-ce vraiment possible ?
C’est une question complexe… Certains projets se créent et aboutissent. Des riverains d’une cité ont transformé un petit terrain en un potager communautaire. Et, ça a très bien marché ; aucun acte de vandalisme n’a été commis à ce jour. Ce lieu est en quelque sorte protégé. Cet exemple montre que même si on est dans un environnement précaire, on aspire à un bel environnement. Mais, parfois, aucun projet n’est envisageable, par faute de moyens. En effet, la plupart des familles pauvres choisissent un quartier suivant le logement le mieux adapté à leur situation personnelle et à un prix abordable. Quitte à se retrouver dans des endroits dépourvus de commerces, isolés. Et la question de l’environnement ne vient pas en premier lieu.
Certains préfèrent résider dans des caravanes ou des chalets. Une envie d’être plus proche de la nature, en quelque sorte ?
Tout est relatif. Des personnes aménagent leurs terrains afin d’avoir un beau cadre de vie et, au fil du temps, se crée un équilibre. Mais, d’autres habitent dans des chalets délabrés. Je connais une famille qui a fait ce choix-là, car elle pensait qu’habiter un chalet, reviendrait moins cher. Cela s’est avéré catastrophique. Certes, en été, le cadre peut sembler sympathique, mais c’est un lieu isolé. L’école se situe à une grande distance du domicile, les commerces aussi. En hiver, l’eau est coupée afin d’éviter que le gel ne rompe les tuyaux. Finalement, pour cette famille, la vie a été très dure. Elle n’a pas pu rester là et y a beaucoup perdu.
Quel est le frein face à la notion d’environnement ?
L’environnement évoque le long terme. Les familles très pauvres voudraient bien s’inscrire dans une telle dynamique. D’ailleurs elles expriment très clairement leur souhait que leurs enfants vivent dans des conditions meilleures. Mais quand on vit dans l’urgence, ce n’est pas possible de penser au long terme. Ces personnes doivent avoir un toit, parfois vivre avec la pression des services sociaux ou même rembourser leurs dettes. La question de l’environnement fait appel au futur, et la vie des pauvres les coince toujours dans le quotidien. C’est contradictoire. Souvent, on les accuse d’avoir trop de dépenses énergétiques, d’avoir des comportements pas durables. Mais ce n’est pas leur choix de vivre dans des logements mal isolés ou insalubres. Tout est lié aux conditions de vie des personnes précarisées.
Propos recueillis par Christophe Dubois, dans le cadre de la rédaction du Symbioses (dossier « Précarité : une question d’environnement ? » – n°80), magazine d’Education relative à l’Environnement du Réseau IDée
- Maison Quart Monde de Bruxelles : Avenue Victor Jacobs, 12 – 1040 Bruxelles, +32 (02) 647 99 00 www.atd-quartmonde.be
- Lire aussi le dossier « Précarité : une question d’environnement ? » de Symbioses, magazine de l’éducation à l’environnement du Réseau IDée. Infos : www.symbioses.be
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