Stéphane Noirhomme est formateur en Education relative à l’Environnement (ErE) à l’Institut d’Eco-Pédagogie et animateur nature indépendant. Les spécificités de l’ErE, ses dérives, le métier de formateur : interview d’un explorateur pédagogique.
Ce qui vous stimule, dans votre métier ?
La possibilité d’être en contact direct avec les terrains et les publics, le concret (utiliser tel accessoire dans telle animation avec tel public) articulé avec des questions de fond, de sens (le pourquoi, le vers où), sur les valeurs qui sous-tendent nos actions éducatives et environnementales.
Quelles sont ces valeurs ?
On a l’habitude de citer les quatre valeurs fondamentales que Louis Goffin avait définies : STAR, pour Solidarité, Tolérance, Autonomie, Responsabilité.
J’ai appris au fil des années que la valeur suprême c’est de prendre du temps pour réfléchir le sens de nos actions. Je me rends compte à quel point chaque valeur peut comprendre le pire comme le meilleur. Tolérance : il y a des gens qui prônent l’intolérance parce que la tolérance poussée à son extrême pourrait donner l’impression que chacun peut faire ce qu’il veut, comme il veut, sans vigilance, sans sens critique par rapport à ce qui se passe. La tolérance poussée à l’extrême peut être néfaste, car elle endort, empêche de réagir, de se positionner. Solidarité : c’est super parce qu’on se sent en groupe, on s’entraide, on donne de soi, mais en même temps il faut se respecter soi. L’autonomie, c’est bien, mais à l’extrême c’est quoi ? Tout seul sur Terre ? Je caricature, à dessein. La valeur, c’est d’être en recherche sur les valeurs.
L’éducation relative à l’environnement (ErE), c’est être en processus, dans le vécu de terrain, avec les publics. Se poser avec eux la question : « Pourquoi sommes-nous là ensemble ? »
L’ErE dans 20 ans ?
Patrick Dupriez, à l’époque responsable de classes de forêt, avait dit lors de Rencontres de l’ErE organisée par le Réseau IDée, à Chevetogne : « J’espère qu’un jour on ne parlera plus d’ErE mais d’éducation tout court ». Et que quand on fera de l’éducation, ce sera inévitablement en posant le fait que l’environnement est la matrice dans laquelle on opère tous nos choix. Que l’environnement soit le creuset obligé à partir duquel réfléchir et agir.
Coup de gueule, angoisse ?
Je citerai Louis Espinassous, qui s’insurgeait « contre les curés verts ». Arrêtons la culpabilisation, le prêchi-prêcha pour l’environnement, « fais ceci – ne fais pas ça, sinon…». Ne soyons pas dans l’excès en matière d’approche morale de l’éducation à l’environnement. Il disait aussi « contre la croisade des enfants », des enfants qu’on enverrait se battre pour l’environnement. Arrêtons le massacre qui est de dire aux enfants : « C’est toi qui vas sauver la planète ». Il faut considérer l’enfant aujourd’hui et lui offrir à grandir, le plus heureux possible, certes en lui permettant de se confronter à un regard critique sur l’environnement mais en évitant, en dessous de 15 ans, de le faire entrer dans nos combats et nos responsabilités d’adultes. Les problèmes environnementaux, ce sont nos problèmes d’adultes. Les faire assumer par nos enfants, c’est un comportement pervers.
Un conseil à un futur formateur ?
Vivre soi-même des situations éducatives, multiplier les expériences, pas comme un collectionneur, mais pour varier les points de vue, enrichir nos approches. Ne pas avoir peur d’accepter l’inconnu, tout en prenant garde de ne pas s’y perdre et d’y perdre confiance. Car l’idée, c’est bien de se dépasser pour gagner en confiance, de multiplier les expériences positives. Et si une expérience est négative, de voir en quoi cela nous construit : essaie d’avoir sur ce qui vient de se passer la vision la plus positive qui soit. L’important est d’être en mouvement, en progression, tout en gardant une distance utile, pour ne pas avoir trop le nez dans notre action, toujours en distinguer les fondements, ce sur quoi on s’appuie, vers où on va. Un va-et-vient entre le vécu et le regard sur le vécu. Le rapport aux collègues s’apprend aussi, car composer ensemble une formation n’est pas aisé. En ErE, il y a de nombreuses valeurs qui sont visitées, qui s’entrechoquent. Ce n’est pas facile.
La posture du formateur ?
Accueil, écoute, bienveillance, dialogue, mise en confiance. On est là pour notre public, pour l’écouter, le regarder, le questionner. A l’abri de tout jugement. Il faut d’abord nourrir une relation de confiance avec la personne, ce qui permettra ensuite de la pousser parfois un peu plus loin dans sa réflexion. La confiance, c’est ce qui nourrit tout, avec patience. Ne pas avoir peur pour autant de heurter, de façon mesurée, car c’est parfois en heurtant la personne, que celle-ci voit qu’elle est importante à nos yeux, qu’on considère ce qu’elle dit même si on n’est pas d’accord, qu’on installe un véritable dialogue. Briser aussi les repères, c’est important pour évoluer, même si c’est souvent difficile à vivre. C’est pourquoi, côté technique, il faut construire un cadre rassurant : un horaire précis et respecté, une chaleur, un certain confort, une attention. C’est dans ce cadre rassurant que les personnes accepteront de se livrer sur le plan professionnel ou même personnel, les deux étant souvent liés, et d’évoluer ensemble.
Une anecdote ?
J’ai créé des animations sur le caca, dont « caca j’ai faim », que j’ai animé avec ma compagne Sophie Dombar. Après une balade où l’on apprenait à observer les excréments d’animaux, elle venait avec des cacas reconstitués à partir de miels, de pâtes d’amandes, de choses délicieuses. Histoire de casser les stéréotypes, d’ancrer les souvenirs.
Dans la balade, je viens aussi avec une petite collection de cacas constituée au hasard de mes pérégrinations. Un jour, un collègue forestier à qui je demandais s’il n’avait pas trouvé d’excréments pouvant enrichir ma collection, m’a qualifié de « guide de merde ». Je sais à quel point on est parfois sensible aux terminologies, aux titres : formateur, guide-nature, animateur. On a créé des colloques infernaux là-dessus où chacun se revendique, se labellise… Et bien voici un titre que l’on ne se disputera pas : « Guide de merde ». C’est mettre aussi de l’humour dans ce que l’on fait, tout en le faisant sérieusement. Car par les excréments, on peut apprendre des choses extrêmement importantes sur la vie d’une personne ou d’un animal, son devenir.
Lors d’une balade en Pologne, j’avais trouvé une crotte de loup. C’est devenu un élément d’intrigue dans mes formations, comme je le fais avec toutes les crottes que je ramène. Une crotte de libellule, une crotte d’escargot… on se demande ce que c’est, alors on manipule, on se pose des questions, on est dans une construction très collective. Jusqu’à ce que l’on se rende compte de ce qu’on a eu dans la main, alors on reconsidère tout. Ainsi, cette crotte de loup a servi dans une formation sur les grandes dimensions de l’ErE. Le second jour de cette formation, une institutrice maternelle me raconte que la veille, elle avait dit à ses élèves de 3-4 ans, qu’elle n’avait pas vu le loup, mais qu’elle avait vu sa crotte, qu’elle l’avait eue en main « Ah bon madame et comment c’est ? » « C’est mou, il y a plein de poils, des morceaux d’ongles, ça a telle forme et telle couleur. On s’est tous trompés, on croyait que c’était autre chose. » Puis elle continue et me dit : « Les enfants m’écoutaient comme ils ne m’avaient jamais écoutée, comme si j’étais la personne la plus rare au monde. » Alors qu’on démarre sur une crotte. Il y a même un enfant qui a fini par dire : « Madame, vous allez retourner à cette formation ? Faites quand même attention… » Quelque chose d’exécrable qui devient précieux, voici le type de paradoxe que j’apprécie, qui éveille l’attention, chez l’autre et envers l’autre.
Christophe Dubois
Témoignage récolté dans le cadre du dossier « Porteurs d’ErE : ces métiers qui portent l’éducation à l’environnement » de Symbioses (n°83 – été 2009), magazine du Réseau IDée
L’Institut d’Eco-Pédagogie : +32 (0)4 366 38 18 – www.institut-eco-pedagogie.be
Bonjour c’est avec émotion que j’arrive à lire votre problématique car nous avons les mêmes problèmes en Guinée Conakry. Il est de notre devoir prendre conscience, analyser et pôusser les décideurs de s’interesser à notre patrimoine commun qui est la nature. L’afrique subit beaucoup facteurs écologiques tant dans l’exploitation de mines sans les mesures d’accompagnements adéquates.
Pour arriver à resoudre defit il faut mettre en reseau sous régional pouvant refléchir sur l’évolution des changements climatiques et autres phénomènes
Félicitations pour votre projet,
j’espère que c’est ensemble que nous pourrons gagner ce pari.
J’essaie de mette sur pied une équipe de Doctorants en Sciences et Gestion de l’environnement pour promouvoir l’éducation environnementale car en Côte d’Ivoire (Afrique de l’Ouest) , nous avons besoin avec les problèmes de : déchets urbains, déchets toxiques, déforestation, pollutions, désertification, menace de la biodiversité.
Comment nous pourrions collaborer?
Merci, à bientôt