Marina Gruslin forme les futurs instituteurs primaires dans la Haute Ecole Charlemagne et a créé le Centre d’Education Relatif aux Interactions Santé et Environnement (CERISE).
Comment êtes-vous tombée dans la marmite de l’éducation relative à l’environnement ?
Le premier déclic pour l’éducation relative à l’environnement (ErE), c’est Marianne, ma prof de bio dans le secondaire, qui nous emmenait sur le terrain pour des initiations à l’écologie. A 16 ans, j’ai pris conscience que c’était via l’éducation qu’on pouvait agir en environnement et pour l’environnement. C’est donc pour devenir enseignante que j’ai entamé mes formations universitaires (licence en zoologie, spécialisations en environnement, puis en sciences sanitaires ), pour améliorer mes compétences, pour être capable d’assumer le mieux possible les questionnements de mes étudiants. Ainsi, en ’86, j’ai partagé ma vie professionnelle entre le secondaire et l’enseignement supérieur ou je me suis finalement fixée et spécialisée en didactique des sciences en éducation pour l’environnement et pour la santé. J’ai ensuite fait un Diplôme d’Etudes Spécialisées (DES) en technologie de l’éducation et de la formation, à l’Université de Liège. C’est dans le cadre de ce DES que j’ai créé la formation CERISE, Centre d’Education Relatif aux Interactions Santé Environnement, avec une équipe d’enseignants motivés par le projet. Mes études se sont donc poursuivies assez longuement et m’ont conduit à des recherches sur les facteurs de motivation, sur les apprentissages ayant du sens. J’ai eu divers déclics et mentors, d’Albert Jacquart à André Giordan et Christian Souchon à Pierre Rabbhi, René Dumont ou les chansons de Julos Beaucarne et de Renaud Séchan.
« CERISE », c’est pour aller plus loin que la formation initiale ?
La formation des enseignants ne me suffisait pas, on n’avait pas assez de temps pour faire du terrain, de l’ErE et de la promotion de la santé. On a créé CERISE à ce moment-là, avec des collègues, pour pallier ce manque. Aujourd’hui, nous formons des intervenants éducatifs, en organisant des sessions de 3 mois (2 fois par an) . C’est un public hétérogène tant au niveau de l’âge que de la formation initiale : il n’y a pas que des enseignants, il a aussi des médecins, des animateurs, des journalistes, des diététiciens… tous demandeurs d’emploi, à qui on offre un bagage supplémentaire, une vision systémique et globale, en leur montrant les outils qui existent déjà, en vivant des partenariats avec l’associatif.
L’idée est dès l’an prochain d’intégrer un module d’EDD dans la formation initiale des instits. L’ERE est présente dans nos formations de terrain et nos cours (sciences géo) depuis longtemps, l’EDD depuis quelques années seulement. Nous voudrions développer une plus grande interdisciplinarité, avec plus de profs de la section, maximiser les disciplines impliquées dans nos modules de terrain vers un projet construit d’EDD.
L’ErE manque dans la formation initiale des enseignants ?
Oui, trop souvent. C’est pourquoi, dans mon cours de didactiques des sciences avec mes futurs instituteurs, je consacre un semestre entier à « l’Education pour l’environnement vers le développement durable », avec des stages, des sorties sur le terrain, des classes de dépaysement. Pourquoi ? Pour qu’ils se sentent capables de le faire une fois devenus enseignants. l’environnement, au départ, ça leur fait peur, ils ont peur de la nature, peur de ne pas connaître assez de choses. Oser aller sur le terrain, ça s’apprend. Il faut vivre avec eux des projets, les immerger, dès la formation initiale. C’est comme cela qu’ils dépasseront leurs peurs, auront confiance en eux et en leurs compétences. D’autant qu’on leur demande de faire de la pédagogie par projets. A cet égard, l’ErE, comme l’éducation à la santé ou à la citoyenneté, sont de véritables moteurs.
Comme éduques-tu à l’environnement au quotidien ?
La méthodologie que j’utilise ? Des stimulations de type émotionnel, je pars de poésies, de sorties sur le terrain, du concret… Il n’y a pas une recette, mais 1000, qui permettent de stimuler chez les apprenants des questionnements. Mon boulot est très facile, car une fois qu’ils sont stimulés, ils débordent de questions et l’apprentissage répond à cette attente, ça a du sens pour eux. L’important en terme de stratégie, c’est de partir des apprenants, de leurs conceptions, de les bouleverser dans leurs émotions plutôt que de vouloir faire passer un savoir. Ça doit se construire progressivement, à partir d’eux. Il faut d’abord écouter. On apprend autant de nos étudiants que ce qu’on veut leur apprendre.
Mais quelle est la valeur ajoutée de l’éducation à l’environnement ?
L’ErE répond à des questionnements. Je vois tout le dynamisme, la créativité et la mise en projet qui en émerge. Dans la formation CERISE pour futurs intervenants éducatifs*, je vois des adultes chaque jour, en face de moi, très motivés, et développant des projets pour combler des besoins très divers en lien avec l’environnement, la citoyenneté ou la santé. Exemple : un de nos apprenants, après son stage a pris des contacts chez Natagora et mis sur pied « Nature pour tous » dont l’idée est de rendre la nature accessible aux personnes différentes. L’ErE, c’est de l’innovation sociale, tournée vers le changement.
Ton angoisse ?
Les changements au sein de l’école sont trop lents. Je vois donc des découragements, des gens qui perdent leur motivation parce que le système structurel donne trop peu d’espace aux projets. Par contre, a contrario, j’entends trop souvent que « rien ne se passe dans les écoles, que les enseignants ne sont pas motivés ». Ça me fait bondir parce que moi qui suis dedans je vois qu’il s’y fait plein de choses.
Une anecdote ?
Comme enseignante en secondaire, dans le cours d’écologie, je parlais à mes ados d’une personne qui faisait des comptages d’éléphants en Afrique, et ils m’avaient interpellée en disant « l’écologie c’est bien, on s’occupe des éléphants, mais qui s’occupe des humains qui vivent là ? ». C’est par le retour de mes étudiants que je me suis également intéressée à la thématique Nord-Sud, à la solidarité internationale.
Propos recueillis par Christophe Dubois
Témoignage récolté dans le cadre du dossier « Porteurs d’ErE : ces métiers qui portent l’éducation à l’environnement » Symbioses (n°83 – été 2009), magazine du Réseau IDée
* Prochaine session : du 9 septembre au 18 décembre 2009, 9 semaines de cours – 5 semaines de stage. Infos : www.formation-cerise.be – 04 254 76 21
Brave Maman. « Ce qu’on a réellement appris est ce qu’on n’a réellement maitrisé après avoir tout oubliés ».
je suis entrain de comprendre que tu as de la passion pour ton environnement. Ce qui est réelle. Sans un environnement sains l’être vivant n’a aucune valeur. Un parchemin bourrer de leçon. Si j’étais proche de toi j’allais te rejoindre dans ton groupe. Avoir l’allure de la dégradation de la planète; il temps de penser a chercher des solutions fiables pour sa protection.
Bonne continuation MAMAN.