Alimentation locale et de saison… rien de plus facile, surtout de l’été à l’automne. Puis vient l’hiver, et beaucoup se plaindront de n’avoir que choux et pommes à se mettre sous la dent. Certes, c’est un peu caricatural et il est toujours possible de trouver de la variété locale et de saison. Il y a aussi d’autres possibilités, hors importation à grands renforts de CO2.
Du frais au froid
Un certain nombre de fruits se conservent longtemps sans l’intervention d’une technique particulière, dans des conditions de température, d’hygrométrie et de lumière adéquates. Cueillis et non tombés, coings, pommes et certaines variétés de poires se conserveront longtemps sur des claies en bois, dans un endroit bien aéré [1], frais (entre 6 et 12 °C) [2], sec et à l’abri de la lumière. Les pommes peuvent se garder dans une caisse remplie de sable de rivière bien sec. Ainsi abritées de l’air, l’excédent d’humidité absorbé par le sable, les pommes garderont goût et arôme !
Au frigo, fruits et légumes se gardent quelques jours. Toutefois, les fruits dont la maturation doit se prolonger après cueillette supportent mal d’y séjourner. De plus, les aliments réfrigérés perdent leur valeur nutritionnelle au fil du temps et cette conservation n’est pas de longue durée. Il faut donc faire descendre le thermomètre bien plus bas.
La congélation domestique amène graduellement les aliments à une température comprise entre -15 et -18°C, arrêtant le développement de la flore microbienne, sans la détruire. Lors de la surgélation, réservée au secteur industriel, le refroidissement à ces mêmes températures est rapide, permettant une meilleure préservation des couleurs et textures. Lors de la congélation, les molécules d’eau se cristallisent, les cellules éclatent et le dégel verra certaines denrées devenir mollassonnes. La cuisson sera nécessaire pour éliminer l’excédent d’eau.
Les légumes sont le plus souvent blanchis avant congélation. Ce procédé, qui permet la destruction d’enzymes et la réduction des micro-organismes, consiste à les tremper un temps précis dans l’eau bouillante légèrement salée, puis dans l’eau froide. Essentiel : la chaîne du froid ne peut être rompue et un aliment dégelé ne doit pas être recongelé.
Histoire d’eau
L’eau des aliments permet aux micro-organismes de se développer. Son évaporation inhibe l’activité microbienne et enzymatique, favorisant ainsi la conservation. On distingue deux méthodes domestiques d’évaporation : le séchage naturel à l’air et celui qui s’opère à l’aide d’un four ou d’un déshydrateur.
La déshydratation enlève l’excédent d’eau libre des aliments; elle fait appel à l’air et à la chaleur. Ainsi, il est possible de sécher très facilement des herbes aromatiques et des condiments comme les oignons, l’ail, les piments mais aussi les légumineuses, des fruits comme les raisins ou les prunes, les abricots et toutes sortes de baies. Le séchage direct est simple : les condiments et légumineuses sèchent au potager, posés ou suspendus au sec, ou bien sous un châssis de verre qui combine effet de serre et ventilation mécanique. Vitamines et valeur nutritionnelle sont conservées à des degrés variables, les UV détériorant les protéines et couleurs. Un système avec action indirecte du soleil est plus intéressant. Pour autant, le contrôle de la température et de la ventilation reste délicat.
Plus forte que la déshydratation, la dessiccation consiste à extraire le maximum d’eau contenue dans les fruits et légumes en les exposant plusieurs heures à une température modérée (entre 40 et 50°C). La perte d’eau peut aller jusqu’à 90%. Un déshydrateur est un appareil composé de plateaux sur lesquels sont disposés les fruits et légumes coupés en morceaux; entre les plateaux circule une chaleur sèche qui extrait l’eau des denrées. Le four à chaleur tournante ou pulsée joue le même rôle. Déshydrateur et four, s’ils sont performants et indépendants des contingences météorologiques, sont gourmands en énergie. Un bon déshydrateur coûte en moyenne 130€. Il en existe de moins chers mais leur rendement sera nettement moins bon, avec des temps de séchage plus longs qui plomberont le bilan énergétique global.
La lyophilisation, qui déshydrate par vide d’air des aliments préalablement congelés, n’est pas accessible à la maison.
Chaud devant !
Bien connue de nos grands-mères, la stérilisation détruit par la chaleur la vie microbienne. Basée sur ce principe, l’appertisation, inventée au début du 19e siècle fait un grand retour. Remplis de fruits ou de légumes, des bocaux de verre résistant à la chaleur et la pression sont fermés hermétiquement puis passés à l’autoclave, une casserole à pression spécialement conçue à cet effet. L’élévation de température à plus de 116°C détruit les spores de la bactérie causant le botulisme, potentiellement mortel.
Appertiser consomme de l’énergie mais l’autoclave reste une manière de rentabiliser efficacement la production d’un jardin : pas de gaspillage de denrées, économie d’énergie par conservation à température ambiante, sans besoin de frigo ou congélateur, plus de conserves industrielles et des garanties sur la provenance de ce que l’on mange. En plus d’être réutilisable, le pot en verre ne laisse aucun arrière-goût et ne libère pas de phtalates, contrairement aux boîtes métalliques dont la protection intérieure en contient.
Bilan nutritionnel entre chaud et froid
Dès la cueillette, fruits et légumes perdent des vitamines. Après 1 semaine de frigo, 50% des vitamines ont été perdues et quasi plus rien n’en subsiste au bout de 15 jours. C’est à peu près le cas de tous les fruits et légumes vendus en supermarchés, d’autant qu’ils ont souvent été cueillis avant maturité pour résister plus longtemps !
Tandis qu’après traitement par la chaleur, les vitamines A et C, la thiamine et la riboflavine se sont dégradées de 30 à 50%; les autres vitamines sont préservées quasi au niveau de ce que l’on trouve dans des fruits et légumes fraîchement cueillis. La dégradation des valeurs nutritives se poursuit au fil du temps, de l’ordre de 5 à 20% l’an. Les fruits et légumes appertisés auraient donc plus de valeur nutritive que les « frais » achetés!
Championne de la préservation des éléments nutritifs, la surgélation industrielle sous vide ne peut être comparée à la congélation maison qui ferait disparaître un peu plus de vitamines et sels minéraux que l’appertisation.
Confits et vous
A côté des modes modernes et énergivores, il existe d’autres moyens de conservation, par adjonction de certains ingrédients. Ainsi, le confisage est une technique qui prépare les denrées en vue de leur conservation, qu’ils soient lentement cuits dans la graisse, enrobés de sel ou de sucre, cuits au sirop, plongés dans le vinaigre, l’alcool ou la saumure. Au final, l’eau est remplacée par la substance de confisage, selon un phénomène d’osmose.
Salé, sucré
En diminuant l’action de l’eau contenue dans les végétaux, le sel, en salage à sec ou en saumurage, ralentit et bloque le développement microbien. On conserve ainsi des condiments tels les olives, les câpres et autres piments mais aussi les carottes, choux-fleurs, navets. Il peut s’avérer utile de dessaler légumes et condiments dans l’eau avant consommation.
Lors de la préparation de confitures, les fruits sont d’abord chauffés pour éliminer une partie de leur eau. Ensuite, le sucre ajouté lie ses molécules aux molécules d’eau restantes pour entraver la prolifération des microorganismes. Si la quantité d’eau évaporée n’est pas suffisante par rapport à la quantité de sucre ajouté, des moisissures se développent et la confiture ne se garde pas.
Attention, sel et sucre en excès ne font pas bon ménage avec la santé !
Antiseptiques
Le vinaigre stoppe le développement des micro-organismes tandis que l’alcool les détruit. Les cornichons au vinaigre et les cerises à l’eau-de-vie sont courants. Les prunes, poires et cerises au vinaigre sont idéales comme condiments d’hiver. Pour la conservation au vinaigre, il y a les partisans de la méthode à froid et ceux de la méthode à chaud. Si les cornichons et oignons s’accommodent du vinaigre froid, les fruits sont conservés selon la méthode à chaud et brièvement stérilisés.
Conservation biologique
Très ancienne, la fermentation est basée soit sur l’action des bactéries, pour conserver notamment des légumes, soit sur celles des levures, pour produire cidres, vins et autres bières.
La lacto-fermentation, en anaérobie, tire parti des micro-organismes présents dans les denrées pour transformer les sucres en acides lactiques. Tout le monde connaît la choucroute dans sa version saumurée, souvent trop salée. La choucroute lacto-fermentée est bien plus douce et digeste. La plupart des légumes peuvent se conserver lacto-fermentés. Le principe est simple: des bactéries de type lactique, Streptococcus lactobacillus notamment, en se développant, acidifient le milieu, évitant ainsi la prolifération de micro-organismes indésirables comme les moisissures. Vivants, les aliments lacto-fermentés voient leurs protéines et vitamines conservées et sont enrichis par la synthèse d’éléments nutritifs issus de la fermentation. La teneur en vitamines des légumes lacto-fermentés est ainsi plus élevée que celle des légumes frais ! En outre, l’acide lactique renforcerait notre flore intestinale et, par conséquent, notre immunité.
Un été au jardin produit des kilos de fruits et légumes, pleins de goût, riches en vitamines et sels minéraux. Les méthodes de conservation permettent de les consommer au cœur de l’hiver ou de postposer leur traitement en garantissant comestibilité mais aussi propriétés nutritives et gustatives.
Derniers conseils :
- faire ses conserves en saison, au moment de l’abondance ;
- gérer rigoureusement le stock, avec étiquettes et dates ;
- consommer dans l’ordre : la durée de vie des congelés est de maximum 1 an, 6 mois pour les préparations; les produits séchés, salés, confits et appertisés se gardent plus longtemps. Les produits lacto-fermentés peuvent dépasser l’année.
Article rédigé par Sylvie Wallez dans « L’art d’éco…consommer! » la newsletter d’Ecoconso (n°52, octobre 2009)
[1] La ventilation est importante dans la mesure où les fruits comme la pomme produisent de l’éthylène, qui favorise le mûrissement des fruits.
[2] Les conditions optimales de température, comprises entre 1 et 7° C, avec 85 à 90% d’humidité relative, sont rarement rencontrées hors milieu professionnel