Vincent Cantaert, quarante ans, trois enfants, maraîcher bio. Particularité : joue de l’orgue ! « Je suis, en effet, musicien de formation, dit Vincent Cantaert, j’ai fait le Conservatoire de Liège, puis j’ai donné des cours en Académie. J’ai ensuite suivi une formation en psychomotricité relationnelle, avant de me dire que je voulais faire quelque chose de plus concret. J’ai alors travaillé pendant trois ans dans le bâtiment, d’abord à temps partiel en gardant mes cours de musique. J’ai même entamé un graduat en construction, en cours du soir. Puis, mon patron m’a demandé de passer à temps plein ; c’était cela ou rien ! Il ne pouvait plus justifier mon temps partiel, étant donné que j’avais abandonné mes cours du soir. Mais je n’avais pas du tout envie de faire ce métier toute la journée : c’était de la maçonnerie béton en construction conventionnelle. A cette époque-là, je faisais déjà un potager et j’aurais déjà aimé faire quelque chose de plus grand. J’avais justement envisagé d’en faire mon autre temps partiel. Face à l’ultimatum du patron, j’ai donc arrêté le boulot dans le bâtiment et je me suis orienté vers le maraîchage. Je me suis installé pour une saison chez Pascal et Marie Moreau, à l’Ortie-Culture, à Stave. J’habitais alors à Corroy-le-Château, près de Gembloux, et j’ai fait les navettes pendant un an… »
Une saison à Stave… et retour à Corroy !
A cette époque, Vincent n’avait encore que peu de connaissances en maraîchage et, comme Pascal et Marie ne voulaient pas avoir de stagiaire, il n’hésite pas à devenir indépendant. « Mon épouse travaillait, explique-t-il, et je pouvais me permettre, pendant un an, de ne pas vraiment gagner ma vie… Cette saison-là m’a, en tout cas, beaucoup plu et m’a permis d’entrevoir que cette nouvelle activité était tout à fait réalisable. »
Pascal Moreau était, en effet, maraîcher avant de devenir horticulteur. Il disposait justement d’un terrain libre et était intéressé que quelqu’un l’occupe, à condition qu’il n’ait rien à gérer de ce côté-là. C’était en l’an 2000. « Comme ce n’était évidemment pas idéal pour moi de m’installer là-bas à long terme, je me suis donc lancé dans la recherche d’un terrain ailleurs. J’ai eu la chance de trouver, en 2002, l’ancien potager du château de Corroy, en même temps qu’un terrain en friches situé juste en face de chez moi. J’ai également obtenu – et cela a été un bon coup de pouce – un terrain qui venait d’être acquis par la Société des logements sociaux de Gembloux et sur lequel il y avait, entre autre, une serre en verre de cent mètres carrés… Je suis donc parti très rapidement avec treize ares de terres, ce qui a fait que les choses devenaient possibles. »
Vincent démarre donc réellement son activité à Corroy, en 2003. « Mais nous n’avons strictement rien gagné la première année, confesse-t-il, car il faut le temps de découvrir le terrain, d’apprendre le métier, de voir comment il convient de s’organiser et surtout d’imaginer la commercialisation. N’empêche : cela reste très dur de travailler sans rien en retirer ! »
Apprendre à structurer le travail
« La deuxième année, je me suis dit : »je veux que ça marche ! » J’ai donc parfaitement structuré ma production et c’est ce qui a été déterminant à mes yeux. Mais ce fut évidemment au prix de nombreuses heures de travail… C’est à ce moment que j’ai vraiment apprécié d’être passé dans le bâtiment ; je ne suis pas du tout issu d’un milieu ouvrier ou agricole. J’ai découvert, dans ce métier, ce que c’est que l’efficacité de l’ouvrier ; c’est une chose dont je n’avais pas du tout conscience auparavant. Je sais, à présent, qu’on peut gagner énormément de temps sur le moindre geste, sans nécessairement être plus stressé ou se fatiguer davantage. On peut aller deux, trois ou quatre fois plus vite en posant d’emblée le geste adéquat… Une autre chose qui est devenue très importante pour moi, c’est d’apprendre à être prêt au bon moment. Quand on fait, par exemple, des radis ou de la roquette, il faut en semer chaque semaine et il est capital que la terre soit prête au moment opportun. Il faut donc se tenir strictement au calendrier de semis qu’on a conçu et ne pas se permettre de passer quelques jours pour une raison ou pour une autre… C’est une des caractéristiques du maraîchage, si on travaille pour la vente directe en tout cas : il faut avoir tout le temps des productions disponibles et s’arranger pour qu’aucun trou ne survienne dans l’approvisionnement. Cela demande de la rigueur, mais c’est déterminant dans le fait que l’activité marche ou pas… »
Dès qu’il commence son activité, à Corroy en 2003, Vincent installe tout de suite un point de vente, ayant, là aussi, la chance que quelqu’un lui propose un local. « La vente directe a donc toujours fait partie intégrante de notre entreprise. Notre but a été, d’emblée, de tabler sur le circuit court, mais ce que je n’avais jamais imaginé, en commençant, c’est que je ferais moi-même les marchés. J’étais, en effet, parti sur l’idée de faire la production, puis de la vendre à des revendeurs. A cette époque, la vente directe représentait 10 à 15% de notre production et tout le reste partait ailleurs, toujours en circuits courts, via des magasins ou des marchés. Puis, un de nos vieux clients a arrêté son activité sur les marchés, presque du jour au lendemain, et m’a proposé de reprendre sa place sur le marché de la Place Flagey, à Ixelles, le samedi matin. J’ai accepté. Puis, j’ai repris, à un autre client, le marché du mercredi après-midi, à la place du Châtelain, à Ixelles également… »
Une demande en forte croissance, à Bruxelles
Ce n’est plus un secret pour personne : la demande en légumes bio frais est en très forte croissance dans la Capitale ! « Il y a un très gros appel, confirme Vincent Cantaert, et nous sommes largement débordés par la demande qui s’est vraiment développée depuis deux ans. Nous avons commencé très calmement le marché le marché du samedi ; nous y venions à deux. Maintenant, nous sommes à sept personnes et nous n’avons même pas le temps de parler entre nous ! Ce qui serait regrettable, ce serait de décevoir la clientèle et que, progressivement, des clients fidèles ne viennent plus parce qu’ils n’auraient plus la certitude d’être servis comme ils le souhaitent. Jusqu’à présent, nous avons réussi à suivre, mais ce qui est certain, c’est qu’il n’y a pas actuellement suffisamment de maraîchers bio par rapport à la demande qui s’exprime. »
Mais comment les maraîchers existants doivent-ils faire face à la situation ? Une telle demande signifie-t-elle qu’ils doivent se spécialiser dans certaines productions et abandonner certaines autres ? Vincent répond par la négative. « J’ai commencé, dit-il, il n’y a pas si longtemps sur une petite surface de soixante-cinq ares. Il s’agissait fatalement d’une surface limitée sur laquelle je n’allais pas produire des légumes de plein champ. Je ne fais donc toujours ni carottes, ni pommes de terre, ni choux en grandes quantités… Quand j’ai déménagé à Walhain, je suis arrivé avec le matériel qui était adapté à la production qui était la mienne et avec des circuits de distribution qui étaient aussi centrés sur des productions de ce type. Je n’ai pas changé mon fusil d’épaule depuis ; je n’ai pas racheté un plus gros tracteur… »
La production de Vincent est donc toujours orientée vers les verdures et les légumes anciens ou moins connus, comme la tétragone ou le pourpier d’hiver ou d’été… « Des panais, des persils racines, des topinambours également, continue Vincent… Nous allons essayer la capucine tubéreuse. On va voir ce que cela va donner ; c’est une plante qu’on cultive pour sa racine. Je fais également des fraises, mais pas d’autres petits fruits car cela suppose énormément de travail. De plus, les petits fruits sont une activité très ponctuelle qui veut qu’on engage des saisonniers pour faire uniquement cela… »
Traction animale à Walhain-Saint-Paul
Vincent et son équipe ont entamé leur troisième saison sur un vaste terrain triangulaire, acquis à Walhain-Saint-Paul. « C’est la première année que tout se passe ici, précise Vincent ; nous avons rapatrié notre magasin ici en début d’année. Toute la famille habite également Walhain… Le terrain que j’ai acheté fait plus de six hectares ; nous cultivons trois hectares de légumes à l’extérieur et une bonne trentaine d’ares sous serres, notamment une étonnante serre-dôme qui constitue une vraie curiosité pour le visiteur… Le terrain a la forme d’un triangle et laisse par conséquent quelques triangles perdus où nous avons installé des prairies permanentes que j’utilise pour mettre deux poneys. L’an passé, nous avons acheté une kassine afin de faire quelques essais de traction animale. Cela n’est encore qu’au stade de l’expérimentation et je ne peux encore tirer de conclusion pour le moment. Mais, a priori, j’aime bien… C’est évidemment tout autre chose qu’un tracteur car on ne démarre pas un poney comme on démarre un tracteur ! La traction animale est une toute autre façon d’envisager le temps ; c’est du temps qu’on partage avec l’animal et le travail qu’on fait avec lui n’est pas du tout le même, le vécu qu’on a non plus. Et si c’est plus lent qu’un tracteur, c’est sans doute beaucoup plus rapide qu’un motoculteur… J’ai travaillé pendant quatre ans au motoculteur, à Corroy ! Le tout est de voir comment intégrer ce mode de traction dans le rythme de travail puisqu’il faut aussi respecter le rythme propre de l’animal. »
Vincent évoque aussi le puissant cheval qui faisait la couverture de Valériane n°71. « Un tel animal, dit-il, est évidemment très très puissant ; il n’est pas vraiment adapté au maraîchage. L’outil est également conçu pour travailler avec des animaux plus légers. Ceci dit, même un âne ou un poney, c’est déjà très très costaud… »
La maraîchage bio crée de l’emploi
A Corroy, Vincent a d’abord travaillé avec des stagiaires, avant de se décider à rémunérer quelqu’un… « Mais la première personne que j’ai rémunérée, explique-t-il, était un statut ALE qui ne me coûtait pas cher. La chose à laquelle je tiens le plus, c’est que les personnes qui sont engagées soient à la fois à la production, mais aussi à la vente sur les marchés. Cela offre l’énorme avantage qu’ils offrent aux clients leurs propres produits. Ils sont véritablement derrière leurs produits ; ils savent parfaitement de quoi il s’agit et sont donc très motivés pour vendre… L’équipe a donc beaucoup grandi, mais cela tient surtout au fait qu’on a considérablement élargi le violet commercial, ce qui a amené des moyens financiers plus importants. Cela nous a permis d’avoir les moyens d’obtenir un prêt pour acquérir notre terrain, même si cela n’aurait évidemment pas suffi et que nos parents nous ont bien aidés… »
Vincent explique ensuite que beaucoup de gens veulent spontanément à travailler dans le bio et qu’il est amené à refuser beaucoup de demandes. Il doit également former des collaborateurs qui n’ont souvent aucune idée de ce qu’est le travail manuel. « Ceux qui viennent chez nous ne sont jamais des enfants de fermiers, mais des gens qui, pour des raisons très diverses, veulent faire un retour à la terre. Dans toute l’équipe qui est ici actuellement, seul un garçon a fait l’école horticole… »
Pour l’heure, Vincent Cantaert emploie deux salariés à temps plein et quatre à temps partiel, plus des saisonniers et des étudiants. C’est dire combien l’activité est, pour l’instant, pourvoyeuse d’emplois… Malgré cela, les maraîchers bio manquent en Wallonie ? On en compte actuellement entre vingt-cinq et trente, et on peut mettre Bruxelles avec, où la demande ne cesse de croître. « Il y a de la place à prendre, susurre Vincent, mais ce qui manque le plus, c’est la formation et le savoir-faire… »
Et l’avenir ?
Comment, dans pareil contexte, orienter le développement de sa petite entreprise ? La question laisse Vincent perplexe. « Quand je me suis installé, dit-il, je quittais justement un statut d’ouvrier et je m’étais dit que je ne voudrais jamais en faire travailler moi-même. Et puis, en produisant beaucoup de petits légumes, je me suis vite retrouvé dans l’obligation de collaborer avec d’autres personnes. Je me suis alors rendu compte que mon parti pris n’était sans doute pas valable. J’avais la volonté de « rester petit », mais ce n’était pas nécessairement une option très raisonnée C’était plus une tendance psychologique qu’autre chose. J’ai donc grandi un peu malgré moi mais, finalement, je suis très content que cela se soit passé comme cela. Reste que je ne sais toujours pas vraiment vers quoi on va avec cette demande qui est vraiment exponentielle. Est-ce qu’on va encore doubler, tripler, quadrupler la surface de production ? Je dois encore réfléchir au point d’équilibre que je veux atteindre. Pour l’instant, je suis occupé à démarrer le chantier de ma maison et je sais, en tout cas, que pour cette année, je vais stopper là. Mais, pour le reste, je suis tout à fait dans l’expectative… »
Vincent évoque alors son collègue Joël Lambert, quelqu’un qui fait des productions beaucoup plus importantes que lui et qui pourtant reste incontestablement un artisan. « Cela provient du fait qu’il travaille surtout pour le circuit court, se dit Vincent. Le risque survient dès qu’on travaille pour la grande surface où le goût et la qualité intrinsèque du légume n’ont pas beaucoup d’importance, mais bien son calibrage, sa couleur, sa forme… La dérive se trouve plutôt de ce côté-là, me semble-t-il… Et même si je devais quadrupler mon entreprise, je m’efforcerais toujours de travailler pour le circuit court en veillant, par exemple, à bien récolter la veille pour le marché du jour… Par contre, la question qui se pose quand même, c’est de savoir quelle taille d’équipe je souhaite. Car il est très important, à mes yeux, que le travail reste convivial et que les gens se connaissent. J’ai clairement le sentiment que des équipes trop grosses nuiraient à la qualité des relations au travail. Mais on pourrait peut-être envisager plusieurs unités de production avec des équipes restreintes… »
Mais, finalement, Vincent, qu’est-ce que le maraîchage bio t’a apporté ? « Ca a été l’occasion, avoue-t-il, de faire sauter certaines limites personnelles ; ce fut une ouverture vers des possibles que je n’envisageais pas. Se rendre compte qu’on est capable de travailler septante heures par semaine est une vraie découverte ! Et j’ai même repris le piano, il y a un mois… »
Dominique Parizel et Noëlle Leroy, Nature & Progrès Belgique
Article publié dans la revue Valériane (n°78, juillet-août 2009) de Nature & Progrès
Photo: L’étonnante serre-dôme où Vincent prépare ses plants de tomates (voir www.serre-dome.com)
Vincent Cantaert
108, chemin de la scierie à 1457 Walhain-Saint-Paul
Tél. et fax : 010/65.21.41
vincent.cantaert@skynet.be
Vente sur place, à Walhain ; deux marchés à Ixelles ; possibilité de paniers
Bonjour,
Pour la formation en maraîcher biologique, je vous conseille de prendre contact avec Nature & Progrès:
http://www.natpro.be/
par téléphone au 081/30.36.90, par fax au 081/31.03.06 ou par e-mail : natpro@skynet.be
Bonne recherche!
Céline
bonjour; J ai la cinquantaine. Je suis agricultrice à gerpinnes ( et fille d agriculteur) je suis tombée sur votre article en cherchant une formation de maraicher biologique car pour le moment j ai juste l expérience de mon potager et de mon verger. pourriez-vous m indiquer comment faire pour me former en maraicher biologique. Je me suis tournée vers la federation walonne d agriculture mais ils n ont rien à me proposer. Merci
je vous ecrie cart je rechercher du travaille en maraichage j’entretient une formation pour le moment en maraichage mes je voudrais me trouver du travaille vous pourais m’aider svp
boujour on n’ouvre un marché couvert de 9400m² plus de 470 commerçant vous éte interesser par un emplacement contacter renato 0496 07 17 17 le sit se situe a aubange entre le3 frontierre
Bonjours,
je voulais savoir quel chiffre d’affaire mensuel qu’une surface de 50 ares peux produire? merci