Le quartier de la Broucheterre, au nord du cœur historique de Charleroi, porte encore l’empreinte de son passé industriel. L’immeuble Blanche Neige rend hommage à cette dame qui, à l’époque, sillonnait les rues, couverte de houille. La rue de Roton rappelle quant à elle l’ancien charbonnage du même nom. Dans ce quartier, s’est installée depuis une petite décennie une dynamique citoyenne d’aménagements collectifs.
« Lors de notre création en 1999, on a réalisé un sondage auprès des habitants du quartier, explique Isabelle Goor, de la Maison de Quartier. Ils étaient demandeurs de plus d’espaces verts. » Aux côtés de ses cours d’alphabétisation, sa permanence sociale et ses autres services, la Maison de Quartier propose des projets privilégiant cohésion sociale et environnement. L’opération « Verdissons ensemble les rues de la cité » en est un exemple. Pour solliciter les habitants, commerces, écoles et autres acteurs du coin, l’équipe de la Maison de Quartier mise sur le toutes-boîtes, mais aussi et surtout sur le porte-à-porte. Dans un quartier qui compte 80% de personnes d’origine étrangère, la débrouille est de mise pour communiquer. Pour certaines activités, quant les finances le permettent, des traducteurs sont appelés à la rescousse.
Aménagements collectifs
Une balade dans le quartier suffit pour tâter la dynamique citoyenne d’aménagement. Au coin de la rue Pige-au-Croly et de la rue de Roton, au pied de l’immeuble Blanche Neige, gisait encore il y a peu un trou béant et crasseux. Las de voir ce terrain privé se défraîchir de la sorte, quelques riverains le nettoient et l’aménagent, encadrés par la Maison de Quartier, en partenariat étroit avec l’asbl Espace Environnement et la section horticulture de l’Institut de formation de la Funoc. Cette initiative a permis de redonner vie à l’espace, aujourd’hui couvert de gazon et parsemé de quelques arbres et bancs. Un lieu fédérateur respecté par les habitants du quartier.
Il en va de même pour le « Jardin partagé de la Broucheterre », également dans la rue Roton. Situé sur un terrain public auparavant en friche, cet espace convivial et accessible à tous est le fruit de plusieurs années de réflexion avec les acteurs du quartier autour de son aménagement. Pour assurer l’animation du processus participatif, la Maison de Quartier a fait appel à Espace Environnement. « On a commencé par relever les attentes et demandes de chacun, poursuit Isabelle. Les enfants voulaient des espaces de jardinage, les ados une rotonde, les personnes âgées des bancs. Espace Environnement dessinait des plans, qui étaient ensuite soumis, expliqués, discutés et revus à chaque réunion. On a aussi entamé une réflexion sur les projets pédagogiques qui pourraient être mis en place sur cet espace. » Entre le lancement du projet et le début des travaux se sont tenues environ 15 réunions, avec chaque fois la présence de 70 à 100 habitants, représentants d’associations locales, de commerces et autres acteurs. Beau record de participation !
Les travaux de gros œuvre ont été réalisés par une entreprise privée, avec le soutien financier de la Ville et de la Région. Ensuite, ce sont des stagiaires de la Funoc, en formation aux métiers de l’environnement, qui ont pris le relais. Des chantiers ont aussi été organisés afin que la population locale mette elle aussi la main à la terre : plantations, épandage de graviers sur les sentiers, mise en place des jardins en carré…
Les gros aménagements aujourd’hui terminés, les réalisations des riverains, petits et grands, continuent à donner vie au Jardin. Comme ce compost collectif confectionné par les ados. Ou cette construction pour plantes grimpantes. Un comité de pilotage composé de 12 habitants se charge du bon fonctionnement du Jardin et de ses activités. Un règlement d’ordre intérieur a été élaboré et placardé à l’entrée du Jardin. L’espace est ouvert à tous. Quand la nuit tombe, une habitante se charge de fermer les grilles d’accès. « Les habitants sont très impliqués, lance Isabelle. Sans eux, on n’en serait pas là ! » Bientôt, au pied du grand arbre, de larges tablées s’étaleront pour la journée des voisins.
Jardin des découvertes
En cette matinée presque printanière, à l’arrière du Jardin partagé, les enfants de l’école du quartier s’affèrent autour des carrés de jardinage. « La plupart d’entre eux sont des citadins et ont peu de contact avec la terre, explique leur institutrice. C’est une aubaine de pouvoir travailler avec la Maison de Quartier, qui dispose de l’espace, du matériel et encadre. » En effet, Marco et Fred, deux éducateurs de la Maison de Quartier, s’appliquent à expliquer comment semer cerfeuil et radis. « Si on m’avait dit, il y a un an, que je ferais un jour du jardinage ! », ironise Marco. Parce que pour les éducateurs, ce fut aussi un apprentissage, qui se poursuit : bientôt, ils devraient suivre une formation en horticulture.
Tout est prétexte aux découvertes, parfois même en dehors du Jardin. Comme cette sortie encadrée par Espace Environnement : à partir du sommet d’un terril, les habitants du quartier, enfants et adultes, ont porté un autre regard sur leur ville. Pour ouvrir d’autres horizons, au-delà du quartier. Parlant d’autres horizons : il semblerait que la Ville chérisse le souhait de reproduire le projet de Jardin partagé dans d’autres quartiers…
Céline Teret
Interview publié dans le dossier « Aménagement du territoire ou territoires à ménager ? », de Symbioses (n°86 – printemps 2010), magazine d’éducation à l’environnement du Réseau IDée
- Maison de Quartier La Broucheterre : 071 31 62 87 – mqbroucheterre(at)yahoo.fr
- Espace Environnement : 071 300 300 – www.espace-environnement.be