« Ce que consomme un bâtiment ne peut être évalué que dans la durée. Aujourd’hui, on arrive à construire des logements qui ne consomment quasi rien. Or des architectes arrivent encore à fourguer à leurs clients privés des logements qui consomment dix fois trop d’énergie. Essayez de vendre une voiture qui consomme dix fois plus et vous verrez… », lance Emmanuel Everarts, administrateur délégué de Carodec, une entreprise bruxelloise de négoce en matériaux.
Une « sélection durable »
Pour Carodec, le problème de l’information et de la formation des professionnels de la construction est crucial. « Le Centre scientifique et technique de la construction (CSTC) est sensible à ces questions d’isolation, d’étanchéité à l’air et de ventilation. Mais les couvreurs, par exemple, sont peu intéressés. Or 80 % de l’efficacité d’un isolant sont liés à l’étanchéité à l’air du logement. Si celle-ci n’est pas bien faite, la durée de vie des isolants est réduite et on risque de voir apparaître des moisissures et champignons. A nos yeux, plus on isole un bâtiment, plus il faut le rendre étanche à l’air et par conséquent le ventiler. C’est donc d’abord l’étanchéité à l’air qui faut subventionner. Dans ce contexte de recherche d’un haut degré d’isolation, les matériaux naturels, qui permettent une meilleure migration de l’humidité dans les parois, contribuent à améliorer l’isolation et la qualité des logements. »
Il y a quelques années encore, Carodec, une entreprise fondée à une autre époque, ne vendait que des matériaux traditionnels. « Ce sont les problèmes de santé engendrés par ces produits chez notre personnel qui m’ont fait comprendre leur nocivité », témoigne Emmanuel Everarts. Il est alors entré en contact avec des revendeurs à l’avant-garde sur ce marché, comme Ecobati (Herstal), créée en 1989. « Et nous nous sommes lancés. Les ventes de matériaux durables – peintures, huiles, isolants, enduits, produits d’entretien – ont été multipliées par 20 entre 2004 et 2009, passant de 38 000 à 800 000 euros, sur un chiffre d’affaires global de 5,3 millions d’euros l’année dernière. » Les progrès sont très encourageants.
« Nous avons mis sur pied une coopérative composée de personnes issues de nos familles, d’amis et de clients. Nous sommes convaincus de l’intérêt des matériaux durables. Ils sont respectueux de la nature, de la santé des habitants, et contribuent à développer une économie à la fois plus écologique et plus éthique, notamment pour les travailleurs du secteur », explique Charles-Antoine Kervyn, qui s’occupe pour sa part d’une entreprise de travaux (notamment de rénovation) appelée Elico, développée au sein du groupe. Aujourd’hui, les deux entreprises emploient 37 personnes et cherchent à engager des gens qui partagent leurs valeurs.
Afin d’expliquer plus en détail ce qui a motivé le choix de tel ou tel matériau naturel, Carodec est en train de réaliser des fiches baptisées Sustainable selection (sélection durable). « Il faut dire que le marché de ces matériaux ne représente encore que quelques pour cent dans le domaine des isolants. Là où les laines minérales, le polyuréthane et le polystyrène se partagent les faveurs des clients, notamment en raison du marketing efficace des producteurs. Mais aussi à cause du manque d’agréments techniques (ATG), qui ne sont pas disponibles chez nous pour la plupart des matériaux écologiques. Pour essayer de dépasser cette situation, certains fabricants se battent pour que de tels agréments soient valables à l’avenir à l’échelle de l’Union européenne. Un agrément délivré en Allemagne, par exemple, d’où proviennent beaucoup de matériaux durables, serait alors valable dans tous les pays de l’Union. »
Pas de fumées toxiques
Plus artisanale mais ne travaillant qu’avec des matériaux écologiques, le firme Eco-Logis, installée depuis 2006 à Meux, près de Namur, connaît elle aussi un développement sensible. « Malgré la crise », comme l’explique Vincent Streel, qui tient son commerce avec sa sœur et réalise lui-même des chantiers de rénovation de logements. « En raison de la performance des matériaux naturels et de leurs qualités, à la fois pour la santé de l’homme et celle de la planète, je ne conçois pas l’isolation avec autre chose, lance-t-il d’emblée pour que les choses soient claires. Quand on me dit que les matériaux naturels coûtent plus cher, je réponds que l’isolation est un poste qui doit rapporter de l’argent. Ce qui veut dire ne pas perdre ses qualités et tenir le coup pendant de nombreuses années. Or, lors de mes chantiers de rénovation, je fais souvent le constat du mauvais état, après peu de temps, d’une isolation réalisée avec de la laine minérale par exemple. Le matériau s’est tassé et s’est fortement altéré, perdant ainsi une grande partie de son pouvoir isolant. Je constate aussi régulièrement que, lorsque mes clients peuvent comparer les résultats entre deux parties d’un même logement, l’une isolée avec des matériaux naturels et l’autre avec des matériaux d’origine minérale ou dérivés du pétrole, ils me demandent rapidement de refaire l’isolation du reste de leur maison avec des matériaux naturels. »
Autre argument en faveur des matériaux naturels et que l’on ignore souvent : « En cas d’incendie, beaucoup de matériaux d’isolation dégagent des fumées toxiques. Or il faut savoir, explique Charles-Antoine Kervyn, que les habitants d’un immeuble en feu peuvent périr asphyxiés en une dizaine de minutes, ou intoxiqués en moins de cinq minutes. Tandis que les isolants naturels, eux, ne dégagent pas de fumées toxiques. »
André Ruwet
Article publié dans Imagine demain le monde, dossier « Le grand chantier – Rénovation du logement » (n°78 – mars & avril 2010)
Photo : rénovation d’un bâtiment de cinq logements très basse énergie, à Evere. Les frais de chauffage devraient passer de 10.800 à 80 euros par an. (Ph. A2M Architectures)
- Carodec : carodec.be
- Ecobati : ecobati.be
- Eco-logis : eco-logis.be
Merci pour l’information