Provocateur, visionnaire, Laurent Marseault était l’invité de cette journée de réflexion autour de l’éducation à l’environnement. Objectif: susciter le débat, agiter nos certitudes et «bouléguer» nos idées, comme on dit chez lui, à Montpellier. Cet éducateur, naturaliste et humaniste, partage sa vision décalée sur nos métiers. L’ErE fabrique des névrosés « En dix-huit ans, on est passé d’une éducation au plaisir à une éducation à l’horreur », déplore Laurent Marseault. Le pédagogue se souvient qu’auparavant, une animation nature était un pur moment de plaisir. Une éducation au bonheur. Il revoit les enfants, yeux écarquillés, découvrant avec émerveillement la nature qui les entoure. Aujourd’hui, la tendance est au discours culpabilisateur: « On dit aux gamins “Si tu ne fermes pas ton robinet, la planète va être en danger”.Et ce glissement-là génère des névrosés. Les pédopsychiatres voient des enfants qui ne veulent plus grandir, argumentant des problèmes environnementaux. Grandir, c’est quitter un espace protégé pour se confronter à l’environnement. Mais comme on leur a dépeint cet environnement comme effrayant, certains enfants n’ont pas envie de grandir, ont peur…»
L’imposture du développement durable
Le conférencier poursuit la réflexion et bouscule son auditoire. Quelle est la place de l’éducateur à l’environnement dans un système comme le nôtre où le développement durable a le vent en poupe et est devenu un formidable argument pour vendre tout et n’importe quoi? Impossible de passer à côté. Le concept a été récupéré par le marketing des grandes marques et chacune d’entre elles semble désormais se soucier de l’environnement. Alors, comment faire de l’éducation à l’environnement dans un tel contexte? L’animateur a-t-il pour vocation de développer l’esprit critique de nos futurs citoyens ou de les préparer à devenir les consommateurs rêvés de la grande distribution qui a fait le pari d’augmenter ses ventes sous la bannière du développement durable?
Créons des espaces de résistance
Si le titre de la conférence dérange, si ses premiers constats sont presque défaitistes, le message se veut pourtant optimiste. Laurent Marseault affirme qu’il est possible de trouver
des postures éthiques et sympathiques une fois compris le système dans lequel on joue. Il plaide pour la mise en œuvre de chantiers collectifs: « Il faut explorer des manières alternatives, différentes, humaines de travailler. Et pour moi, l’idée de l’humanité, c’est de voir comment nos intelligences peuvent s’impacter les unes avec les autres et ainsi se remettre dans des dynamiques conviviales, joyeuses, optimistes et voir que, ensemble, on peut changer nos mondes. » Et d’insister: s’il faut d’abord apprendre à penser par soi-même, il faut aussi et surtout apprendre à penser ensemble. D’ailleurs, pour illustrer ses propos, il a relié trois ordinateurs qui permettent aux participants de prendre note des échanges, en temps réel et sur une seule et même page vierge. « D’habitude, quand on organise des moments de discussion comme celui-ci,chacun prend note sur sa feuille. Et l’idée c’est de passer d’une logique du “je” à une logique du “nous”. C’est un exercice assez compliqué parce que, à l’école, on a plutôt appris à être meilleur que les autres, tout seul sur sa feuille. »
De la concurrence à la coopération
En conclusion, le conférencier encourage chaque structure à perdre ses réflexes protectionnistes et à oser partager ses productions: animations, outils, demandes de subvention… afin de créer et d’enrichir un patrimoine commun. « Il faut sortir des logiques de concurrence qui s’appliquent au marché et entrer dans des logiques de coopération. C’est un simple changement de posture, mais il est lourd de conséquences et permet d’être tellement plus en accord avec l’objet de nos associations! » Premier exemple concret: le texte que vous venez de lire est sous licence Creative Commons, il est donc libre de droit, à vous de le rediffuser à l’envi, selon le souhait de Marseault.
Article rédigé par Vanina Dubois dans « Infor’IDée » bulletin de liaison du Réseau Idée (N°3, octobre 2010)
Très bon article
En savoir plus sur les licences creative commons : http://fr.creativecommons.org/
Simples à utiliser et intégrées dans les standards du web, ces autorisations non exclusives permettent aux titulaires de droits d’autoriser le public à effectuer certaines utilisations, tout en ayant la possibilité de réserver les exploitations commerciales, les oeuvres dérivées ou le degré de liberté (au sens du logiciel libre).