(dé)masquer les apparencesReportages

5 août 2011

En cette belle journée d’été, les enfants de l’école Saint-André se baladent à Liège. Entre les pavés ou dans les champs, ils croisent ces petites bêtes et grosses choses qui s’affichent ou qui se cachent, ils posent un autre regard sur leur environnement, sur les autres, sur eux-mêmes… et se révèlent chacun à leur manière derrière leur masque de nature.

« Waouw, regarde celui-là, il est blanc avec des points noirs ». Loupe entre les doigts, Rania est en extase. Elle observe un petit insecte qui se confond presque avec le tissu blanc du parapluie japonais (1) sur lequel il est déposé et que Margaret porte délicatement. « Celui-là, il est ‘mimetico’, on ne le voit presque pas sur le blanc. » Mimetico ! Le mot du jour, le cri du jour, même. Mimetico ! De l’italien « camouflé », ou encore « mimétique » (2). Mimé-tico ! Des syllabes qui claquent à l’italienne tout au long du chemin qui emmène les enfants de 1er et 2ème primaire de l’école Saint-André à la découverte de leur environnement, à Liège. Cette balade, animée par Stéphane Noirhomme, guide-animateur nature, est surtout l’occasion de « passer un bon moment en cette fin d’année scolaire et de sortir de l’école », comme le souligne James Specht, instituteur. Car, si la plupart des enfants habitent dans ce quartier d’Outremeuse, rares sont ceux qui s’y sont déjà aventurés.

Qui se cache, qui s’affiche ?

Et que de découvertes aujourd’hui… Après la coccinelle bravant le macadam, le criquet posé dans le dos de Madame Audrey, les pigeons se faisant la cour entre les voitures, et l’insecte dénommé « gendarme » se baladant près de la fontaine, voilà que les enfants entrent progressivement dans le monde des bois et des champs qui habillent les coteaux. « C’est plus cool la forêt que la ville. On peut courir et marcher où on a envie ! », s’exclame un petit bonhomme tout excité. Et les voilà partis à l’aventure, courant à toutes jambes dans le pré, glanant d’autres petits insectes, pierres, feuilles. Et toujours ce « M’sieur, c’est quoi ça ? » empli de curiosité.

Partant des éléments de réponse des enfants, Stéphane explique, simplement, sans user de mots trop scientifiques, recourant parfois aux gestes ou à un livre d’images. A l’imaginaire et à la créativité aussi. Il a d’ailleurs amené de quoi susciter bien des élans d’expression créative. Un masque en carton pour chacun, sur lequel chaque enfant colle des éléments de ce qui l’entoure, picorés dans l’herbe, dans les arbres, au sol… Les enfants se prennent (presque) tous au jeu, décorant leur masque de nature.

Diversité(s)

A eux maintenant de choisir d’être « mimetico » ou non, de décorer et porter ce masque pour se cacher ou s’afficher, pour être confondu dans le paysage ou être vu. Un masque qu’ils ont rendu singulier chacun à leur manière, avec et dans la diversité. La diversité des personnalités, des histoires. La diversité dans la nature également, et l’utilisation que ces enfants font de cette biodiversité, de ces couleurs, de ces formes, de ces odeurs. La diversité des origines aussi. Parce que, petit détail, 34 nationalités différentes se côtoient parmi les 300 enfants que compte l’école Saint-André. Certains sont « primo arrivants », ils sont arrivés il y a peu et leurs parents sont en attente de régularisation. D’autres sont nés ici de parents issus de l’immigration. « Je ne me focalise pas sur cette différence de nationalités, explique James Specht. Les préoccupations sont davantage liées à leur vécu, leur histoire. Cette diversité n’est ni un appauvrissement, ni un obstacle. Bien au contraire, cette réalité qu’ils vivent au jour le jour, c’est un plus pour leur avenir, c’est une ouverture sur le monde : ils apprennent à vivre dans un brassage de nationalités. » Pas besoin donc de faire tout un foin autour de la « multiculturalité » puisque ici on la vit tout naturellement. Comme d’ailleurs ces enfants vivent tous différemment la nature qui les entoure…

De retour à l’école, ils arborent fièrement leur masque de nature et se ruent, mines réjouies, sur leurs parents, pour leur conter leur journée. Nul doute qu’ils se sont amusés aujourd’hui. Ou comme dirait le petit Riccardo : « M’sieur, c’était super mieux cette balade ! »

Céline Teret
Article réalisée dans le cadre du dossier « Nature et cultures plurielles : changeons de lunettes », de Symbioses (n°91 – été 2011), magazine d’éducation à l’environnement du Réseau IDée

(1) tissu clair tendu sur deux bâtons croisés pour l’observation des insectes
(2) du « mimétisme », cette propriété qu’ont certaines espèces animales ou végétales de prendre l’aspect d’éléments de leur milieu

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