Certaines expériences comme les villes en transition ou les quartiers durables montrent que la transformation de nos sociétés passe par l’invention d’un nouveau modèle de consommation. Einstein a dit « Un problème créé ne peut être résolu en réfléchissant de la même manière qu’il a été créé ». Alors, si les crises actuelles étaient des opportunités pour nous permettre d’essayer autre chose…ensemble ?
Comprendre et agir dans un monde complexe
Pour agir il faut savoir quoi faire et pour agir ensemble il faut avoir un objectif commun. Or, aujourd’hui un rêve commun choisi collectivement n’existe pas à l’échelle de la société dans son ensemble. Et il est encore très difficile à trouver au sein de groupes plus restreints, à l’échelle d’un quartier par exemple. Nous préférons souvent laisser d’autres faire ces choix pour nous (experts, politiques, médias…). En outre, pour élaborer des actions justes cela nécessite une juste perception des défis à relever. Ce lien entre analyse du monde et action locale est garant du cap à tenir. Or, nous héritons d’un monde pour le moins complexe aux problématiques diverses. Un des défis majeurs est de redonner confiance aux citoyens en leur capacité à avoir une opinion, émettre un avis, faire des propositions, intervenir dans le débat public, mener des actions concrètes à l’échelle locale.
C’est quand qu’on va où ?
Ce n’est pas une association comme la nôtre qui le démentira, en matière d’écologie le passage à l’action est toujours aussi difficile à susciter. Changer de comportement tant sur le plan individuel que collectif implique une prise de conscience et un désamorçage de certains mécanismes de protection. Par exemple, au coeur de nos fonctionnements psychologiques il y a la peur du changement avec tout ce que cela implique comme formes de résistances. Il peut aussi y avoir le sentiment d’être démuni. La reconnaissance par des paires qui partagent les mêmes interrogations permet de se sentir plus fort. En effet, la dimension collective permet d’élaborer de nouveaux paradigmes et des comportements écologiques appropriés en réaction aux sentiments d’incohérence, d’impuissance et de culpabilité.
« Tout seul on va plus vite. A plusieurs on va plus loin »
On peut ainsi trouver une structure rassurante au sein d’associations ou de fédérations militantes. Il est possible aussi de rejoindre des mouvements citoyens à l’organisation plus « spontanée » comme une initiative de « ville en transition », de « quartier durable », de jardin collectif ou encore de « Système d’Echange Local ». L’essentiel est de s’y sentir accueilli. Plus que jamais, dans une société de consommation où l’argent est roi, il est vital d’agir de manière volontaire, gratuite et bénévole dans un projet commun sans objectif mercantile. Si vous êtes tenté, sachez que tous les styles d’engagement existent et il est certain que l’un d’eux vous conviendra (actions ludiques, manifestations, réflexion et lobby, sensibilisation du public…)
Nouvelles formes d’engagement
Les formes d’engagement ont considérablement évolué et constituent de réelles forces de propositions inédites. L’une des nouveautés fondamentales réside dans l’abandon de la militance « pour » ou « contre » d’autres idées. Par exemple, si de nombreux comités de quartiers se sont mobilisés selon la logique NIMBY* (Not In My Backyard), on voit fleurir aujourd’hui des alternatives à ce type de mobilisations citoyennes.
Citons quelques exemples de mobilisations citoyennes originales et innovantes :
- Interpellation potagère sur la mobilité en ville : 8m²
- Réflexion citoyenne collective à propos d’un espace urbain : PUM project
- Proposition de la société civile soutenue par les autorités : Etats Généraux de l’Eau à Bruxelles
- Interpellation de rue à contre-pied : Manif de droite
- Action par la démonstration : Les cyclistes tracent la voie
Le type d’engagement ou d’actions choisies est assez personnel. Par exemple, s’engager dans un système d’échanges local (SEL) peut être vu pour certains comme l’échange de services pour subvenir à leurs besoins sans compensation financière. Pour d’autres, ce sera un acte de résistance constructive à la marchandisation du monde.
Un monde où agir rime avec plaisir
Il est indéniable que la recherche de lien social est au centre des initiatives collaboratives. La transition économique et énergétique a besoin des compétences et du dynamisme de chacun. Les initiatives locales telles que les SEL, villes en transition, quartiers durables ou groupes de simplicité volontaire le savent bien : célébrer et fêter est une étape cruciale des projets. Au sein des Groupes d’Achats Solidaires pour l’Agriculture Paysanne (GASAP) par exemple, la convivialité et l’auto-gestion sont des objectifs au moins aussi importants que l’accès à des produits alimentaires de qualité et le soutien à l’agriculture « paysanne ». Ils ont clairement inscrit leur dimension collective dans une finalité sociale : recréer du lien social, se réapproprier collectivement son alimentation (saine de qualité). Cela permet aussi de soutenir une juste affectation des terres en permettant à un agriculteur de s’installer. De telles initiatives de réappropriation collective du mode de consommation peuvent aboutir à des prises de conscience majeures qui induiront des changements de comportements plus profonds.
Evidemment tout n’est pas rose…
Ces groupes doivent faire face à des problèmes d’ordre organisationnels : manque de moyens techniques ou financiers, et surtout manque de temps disponible. Ils rencontrent également des problèmes d’ordre relationnel (que l’on découvre à l’usage du groupe) : tentative de prise de pouvoir, fortes personnalités à gérer, dilution ou éloignement par rapport à l’objectif commun de départ. Pour faire face à cela les groupes doivent compter sur des ressources humaines importantes et inventer des modes de gouvernance nouveaux. Ainsi, un accompagnement peut s’avérer utile comme c’est le cas pour certaines initiatives comme les « quartiers durables » à Bruxelles, accompagnés par un animateur durant 1 an, ou encore les groupes de jardins partagés en Wallonie et à Bruxelles, suivis par l’asbl « Le Début des Haricots ».
La place des pouvoirs publics
Les solutions ne viendront certainement pas du politique seul. Elles ne viendront certainement pas non plus des citoyens seuls. Il est plus que souhaitable en revanche, qu’élus et citoyens (associations, comités de quartiers, initiatives citoyennes…) coopèrent pour organiser la transition écologique et économique qui s’annonce. En réalité, les responsables politiques ont encore du mal à considérer les groupes de citoyens et les associations comme de véritables interlocuteurs. Il y a une nécessité de co-produire ensemble un objectif commun à atteindre et de permettre à chacun d’y trouver sa place pour une co-gestion. Il est donc nécessaire d’inventer des moyens d’articuler les niveaux individuels et collectifs, politiques et citoyens etc. Dans un processus collectif, on constate que les problèmes écologiques sont appréhendés de manière globale. Cette manière de penser et d’agir est pertinente au regard de l’immense difficulté à intégrer la notion de transversalité dont font preuve nos systèmes administratifs locaux, régionaux et nationaux. Or, on considère davantage aujourd’hui chez les citoyens leur propension à consommer que leur rôle de producteur d’idées, leurs initiatives ou leurs responsabilités.
S’inscrire dans un mouvement global, réfléchir, interpeller et agir au niveau local
Au-delà de l’action personnelle, au-delà du « chacun fait sa part », agir à plusieurs apporte du soutien, multiplie les actions, crée du lien social au quotidien, secoue les méninges, interroge et nourrit d’intenses réflexions, donne de l’entrain… Bref, agir ensemble ça fait un bien fou ! Les initiatives citoyennes réussissent à marier convivialité, solidarité, écologie et questionnement économique. Et démontrent avec brio que chacun de nous a plus de pouvoir qu’il n’imagine ! Ultime étape : Les initiatives doivent essaimer puis se rencontrer, faire réseau ! Cette dernière étape, éminemment politique, s’avère tout aussi difficile et importante que les précédentes. Nous devons réapprendre à nous rencontrer et même à communiquer et à coopérer. Bien entendu, si la réussite des différents projets dépend des acteurs actuels, elle dépendra aussi de celles et ceux qui voudront les rejoindre ou les soutenir. Alors, on vous engage ?
Article rédigé par Lise Frendo dans « L’art d’éco…consommer! » la newsletter d’écoconso (n°73, septembre 2011)
* NIMBY désigne une position qui consiste à ne pas tolérer de nuisances dans son environnement proche.
- Fiche 1,2,3 « Je m’engage dans des projets citoyens »
- Des idées pour se mobiliser autrement
- « Manuel de transition » de Rob Hopkins, basé sur les expériences des villes en transition
www.transitionculture.org - 15 conditions pour se rebeller collectivement (PDF)
- Rapport SAW-B « Initiatives citoyennes, l’économie sociale de demain ? » (PDF)