Qu’est-ce qu’un jardin pour vous ?
Un jardin est le lieu de l’expression du meilleur des fruits, des fleurs, des légumes. C’est aussi le meilleur d’un art de vivre. Et s’ajoute une nouvelle mission : le jardin protège la vie. Parce qu’elle est en fragilité, la diversité est en péril ! Le jardin devient un lieu de refuge pour une diversité chassée ailleurs. Des espèces, des graines élaborées par l’Homme depuis des années, sont interdites de commerce. Ce sont des lois totalement iniques qu’il faut dénoncer. Pourtant, on peut encore les trouver dans des jardins qui s’y dédient. C’est un vrai patrimoine.
Les jardins des balcons, les toits et murs végétalisés ne sont pas des jardins traditionnels mais rentrent dans la définition du Jardin Planétaire. La planète est vue comme jardin avec la capacité du monde vivant, en particulier les chlorophylliens, à libérer de l’oxygène… dont les humains profitent.
La véritable biodiversité n’est-elle pas dans le milieu naturel ?
La diversité, celle qui fait le nombre, est évidemment dans le milieu naturel. On apprend, avec les êtres qui nous entourent, que dans un milieu semblant illisible, une friche, il y a tous les auxiliaires du jardinage, les animaux petits et grands, qui vont aider à résoudre des problèmes techniques dans l’espace que nous maîtrisons. L’espace que nous ne maîtrisons pas a autant d’importance que celui que nous maîtrisons. J’appelle cela le Tiers-Paysage. Viennent s’y réfugier les auxiliaires du jardin et les espèces chassées par les activités humaines.
Dans le respect de la diversité, il y a aussi le respect du comportement ?
Oui, que fait-on de ces plantes qui ne veulent pas rester en place ? Mon idée a été de respecter leurs déplacements physiques. Ce n’est pas parce qu’une plante change de lieu qu’elle change de statut. De là, la notion de mauvaise herbe a disparu pour moi. C’est faire le plus possible avec, et le moins possible contre. J’ai nommé cette idée le “Jardin en mouvement”.
Pour vous, c’est quoi l’éducation à l’environnement ?
Le mot environnement est un mauvais choix, à mon avis. L’environnement, c’est aux environs, comme si ça ne nous concerne pas. Je préférerais l’éducation à l’immersion, et là on est bien obligé de savoir dans quel liquide on baigne !
Il faut donner la possibilité aux gens de mettre un nom sur ce qu’ils voient. Ce qui n’a pas de nom n’existe pas. On peut bien détruire ce qui n’existe pas ! Quand une chose a un nom, c’est différent, on sait aussi à quoi ça sert.
Dans le contexte de crise économique, le jardin a-t-il sa place ?
Aujourd’hui, si le jardin vivrier revient, c’est qu’il y a urgence. On a tellement soustrait aux populations les terres maraîchères, productrices d’aliments. On a tellement tout consacré à l’agriculture industrielle, avec des produits détestables, notamment sur le plan de la santé. L’explosion du potager est un côté positif de cette crise. Avec les listes d’attente sur les jardins sociaux, les expériences de jardins partagés, la pédagogie qui se développe, le rôle des enseignants n’a jamais été aussi important.
“Eduquer, ce n’est pas remplir un contenant, c’est faire grandir une plante” (1) : Qu’est-ce que cela vous évoque ?
La mauvaise pédagogie, c’est apprendre par cœur. On remplit un contenant. La bonne pédagogie, c’est donner l’envie d’apprendre, donc de comprendre. La connaissance joue ici un rôle. Dès que l’enfant est mis en situation de devenir intelligent, il devient quelqu’un qui apprend. L’intelligence est une chose qui se forge, se développe, notamment en laissant prendre l’initiative sur une situation. Les pédagogues, il y en a des bons et il y en a des mauvais ! Le jardin est un support d’excellence pour l’éducation ! Car il permet le développement d’une connaissance théorique et l’initiative. Pédagogiquement, le jardin est le meilleur professeur.
Karine GAULUET et Eric SAMSON, GRAINE Centre
Article publié dans La Luciole du Centre (n°11, automne 2010), la revue du GRAINE Centre, ainsi que dans Polypode (n°18, octobre 2011), la revue du Réseau d’éducation à l’environnement en Bretagne (REEB – France)
(1) Noam Chomsky, « Pour une éducation humaniste »
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