Gaspillage alimentaire
Les déchets de cuisine occupent un tiers de nos poubelles. Composter pour réduire la quantité de déchets incinérés, c’est un pas. Mais avant cela, il y a la réduction du gaspillage alimentaire « à la base ». En moyenne, un bruxellois gaspille 15 kg de nourriture par an, dont plus de 5 kg de fruits et légumes entamés ou périmés (hors épluchures, feuilles extérieures et verdures non consommables). Ce qui fait 15 000 tonnes de gaspi sur Bruxelles, soit l’équivalent de 3 repas par jour pour 30 000 personnes pendant un an. Le gaspillage alimentaire a également un impact économique… Chaque ménage belge mettrait chaque année 174 € directement dans la poubelle.
Sources : « Composter pour réduire ses déchets » (Bruxelles Environnement) et www.ecoconso.be/Gaspillage-alimentaire
En ce dimanche après-midi, ça papote et ça plaisante sur le site du compost de quartier de la rue G. Benoidt. L’un vide le bac 3 de la compostière en palettes de bois et tamise. L’autre remplit le bac 1 de la compostière en plastique recyclé. Par là-bas, on prend la température du compost. Par ici, on vide la poubelle extérieure. Un petit groupe descend au marché de la place Wiener avec une énorme brouette. Les vendeurs saluent. Ici, tout le monde connaît ces bénévoles qui récoltent les fruits et légumes pourris ou passés qui n’ont pu être vendus. Aujourd’hui, deux brouettes valsent dans la compostière de la place Wiener, récemment mise à disposition par la commune.
Pour la petite histoire…
Tout a commencé il y a quelques années d’ici. Benoît Salsac repère à côté du logement social qu’il occupe rue G. Benoidt, un site communal de démonstration de compostières individuelles visant à inciter les habitants à composter chez eux, dans leur jardin. Cet ingénieur agronome et maître-composteur s’interroge sur les possibilités offertes aux habitants qui, comme lui, vivent en appartement. Il pousse alors les portes de l’administration communale avec une demande de création de compost accessible à tous sur le lieu du site de démonstration. Accord en poche à condition de trouver 10 ménages participants (chose faite rapidement), il se lance bénévolement, avec sa compagne et des amis du coin, dans la mise en place et la gestion de ce compost de quartier. Tous les dimanches après-midi, des permanences s’ouvrent pour accueillir les habitants et leurs déchets de cuisine. Très vite, le nombre de participants explose. Près de 300 kg de déchets organiques sont récoltés toutes les semaines. De quoi remplir une compostière entière tous les 15 jours. Le compost « mûr » est prêt au bout de 3 mois. Il est alors tamisé, mis en sac et distribué aux participants ou vendu aux autres habitants (0,15€/kg) comme engrais naturel pour leur jardin, potager, plantes en pot…
Le projet prend de plus en plus d’ampleur. La bande de la rue G. Benoidt fait l’acquisition d’une seconde compostière. Grâce à la presse locale, le nombre de participants dépasse vite la barre des 100 ménages. Pour faciliter encore la démarche, une poubelle extérieure est installée. Elle est ouverte sur la rue et surplombée d’un bac de copeaux de bois (pour alterner matière verte et matière brune, l’une des clés de réussite du compostage). Les habitants n’ont plus qu’à venir déposer leurs déchets de cuisine à tout moment, de jour comme de nuit. Un système qui marche : ils respectent les instructions (déchets acceptés/non acceptés) et jamais encore la poubelle n’a été utilisée pour un autre usage ou vandalisée. Reste que l’aspect convivialité a un peu pris du mou : les habitants venant moins aux permanences, les occasions de rencontre se font plus rares. Enfin, surgit la récente idée de la récolte au marché et l’ouverture du nouveau site place Wiener. Un franc succès… Trop franc même : l’énorme quantité de déchets récoltés pose question, d’autant que certains produits jetés par les vendeurs sont pratiquement intactes… Si les bénévoles repartent avec, pour eux et leur entourage, ils s’interrogent cependant sur une stratégie visant à mieux sensibiliser les marchants.
Au-delà de la rue
Le compost de la rue G. Benoidt a aussi fait des petits. La commune de Watermael-Boitsfort compte désormais 6 composts de quartier. Et plus de 30 projets sont recensés sur l’ensemble de la capitale. Pour mieux structurer la dynamique des composts de quartier et sensibiliser davantage de monde à la valorisation des déchets organiques, Benoît et ses acolytes ont aussi crée une asbl : WORMS (de l’anglais « ver » et pour « Waste Organic Recycling and Management Solutions »). « Notre but premier est d’inciter à réduire la taille des poubelles, explique Benoît. La quantité de déchets organiques qui part à l’incinérateur est énorme. Sans compter la production de CO2 due au transport et à l’élimination de ces déchets. » L’asbl organise aussi à Bruxelles la formation de maître-composteurs, histoire d’élargir le cercle des « acteurs sensibilisateurs » aux bienfaits et techniques du compostage.
Accoudé à sa bêche, Benoît se laisse aller à rêver tout haut : « Il faudrait créer 10 000 composts si on veut répondre à la demande à Bruxelles. Ca veut dire 10 000 bénévoles. Quelle gestion ça demanderait ! Mais ça serait génial ! »
Céline Teret
Article publié dans le dossier « Nos poubelles au régime : pourquoi? comment? », de Symbioses (n°92 – automne 2011), magazine d’éducation à l’environnement du Réseau IDée
- WORMS asbl – 02 611 37 53 – www.wormsasbl.org (liste complète des composts de quartier à Bruxelles, infos sur les formations, etc.)
- 2 brochures sur le compost : « Composter ses déchets organiques : guide des bonnes pratiques pour la transformation des déchets de cuisine et de jardin » pdf (Région wallonne) et « Composter pour réduire ses déchets : guide pratique » pdf (Bruxelles Environnement)
[...] Au quartier, ça compost ! [...]