Gaz de schiste et mobilisations citoyennes en EuropeClés pour comprendre

20 octobre 2014

Le gaz de schiste en France et en Pologne, l’or roumain et grec,… l’extraction des ressources naturelles fait débat sur le vieux contient. A l’heure de la mondialisation et dans la course à l’indépendance énergétique l’exploitation des sous-sols est plus que jamais au cœur des discussions. Cette question controversée ne laisse pas les citoyens européens indifférents, nombre d’entre eux n’ont pas tardé à se mobiliser pour s’opposer aux grands projets d’extraction.

Le gaz de schiste en quelques mots : Gaz de schiste, gaz de roche mère, shale gaz,… les appellations sont diverses pour ce gaz naturel retenu dans les fins pores de la couche de roche de schiste ou roche mère. Contrairement aux gaz conventionnels, l’exploitation de ce gaz nécessite des techniques non-conventionnelles pour être extrait. Qu’est-ce que cela signifie ? Les gaz conventionnels étant retenus sous forme de réservoirs dans le sous-sol, un forage vertical, directement orienté vers la réserve, est suffisant pour les extraire. Dans le cas des gaz de schiste c’est différent. Ces derniers sont contenus dans les porosités de la roche qui a le désavantage supplémentaire d’être très perméable. Impossible donc de les extraire par un simple forage vertical. A ce jour, la seule technique connue et efficiente pour l’extraction du gaz de schiste est la fracturation hydraulique cumulée au forage horizontal. Une méthode d’extraction : la fracturation hydraulique. Connue aussi sous le nom de « fracking », la fracturation hydraulique consiste à forer un puits de 1500 à 4000 mètres de profondeur afin d’atteindre la roche de schiste qui renferme le gaz. A ce puits, on ajoute un forage vertical qui permet de rencontrer un plus grand nombre de fractures et donc d’augmenter la production. Au fond du forage, une explosion est provoquée afin de fissurer la couche de schiste. On envoie ensuite, à très haute pression, « le liquide de fracturation ». Ce dernier a pour but d’élargir les fissures créées par l’explosion et de les maintenir ouvertes afin de permettre au gaz de s’échapper et de remonter à la surface. Ce liquide est composé à peu près à 99% d’eau et de sable, le 1% restant est composé d’additifs chimiques en tout genre dont chaque entreprise possède sa propre recette.Pour une explication animée et en image : http://app.owni.fr/gaz/

Durant des décennies, les questions d’extraction des ressources naturelles ont souvent été rapportées au contexte des pays du Sud. La colonisation des pays a permis aux pays du Nord de se fournir abondamment en ressources. La fin des colonies n’a pas signé celle de cet approvisionnement qui a entre autres entraîné de nombreux conflits locaux et des désastres environnementaux.

Jusqu’à présent, la Commission Justice et Paix s’est essentiellement intéressée à la problématique de l’extraction et aux mobilisations sociales qui en découlent dans les pays du Sud . Mais depuis un certain nombre d’années, nous observons que les dynamiques tendent à évoluer. Ce qui se présentait autrefois comme une problématique « Nord-Sud », se présente également aujourd’hui comme une question « Nord-Nord» et
« Sud-Sud ».

La demande mondiale en énergie ne cessant d’augmenter, de plus en plus de pays du Nord ont décidé d’exploiter les ressources présentes sur leur propre territoire afin de ne plus dépendre du Sud. Des situations politiques instables, des conflits locaux mais aussi la diminution de l’offre en ressources naturelles sont autant de raisons qui rendent l’approvisionnement difficile.

Une nouvelle solidarité Nord-Sud

Mais cette recherche d’indépendance n’est pas sans conséquences. Les pays du Nord goûtent, pour ainsi dire, à leur propre médecine et découvrent sur leurs propres terres les revers de l’exploitation minière intensive.

Ces nouveaux projets sont une menace directe pour l’environnement et la population. Il devient donc urgent de réagir par des choix de société pour éviter de se retrouver dans des situations irréversibles.

C’est dans ce contexte que de plus en plus de mobilisations à l’encontre de projets extractifs surgissent dans les pays du Nord. Cela se produit non seulement pour des projets qui touchent directement les citoyens tandis que l’on observe également une sensibilité plus accrue pour ce qui se passe au Sud, donnant ainsi naissance à des solidarités et des volontés d’action internationale.

Bien que ces situations semblent souvent difficiles à contrer, il n’est donc pas impossible de s’y opposer. Nous en avons eu la preuve avec les différents mouvements qui se sont mis en place. La France et la lutte contre le gaz de schiste en est un bel exemple.

Entre 2010 et 2012, l’extraction du gaz de schiste a fait grand bruit en France. Durant de nombreux mois, mobilisations et débats sur la question ont fait la Une des médias. La mobilisation en France constitue jusqu’à présent un succès puisqu’elle a abouti à la loi de juillet 2011 interdisant l’utilisation de la technique de fracturation hydraulique sur le territoire de l’Hexagone. La lutte contre le gaz de schiste en France est un mouvement citoyen qui, jusqu’à présent, a réussi par sa simple mobilisation à se faire entendre aux niveaux local et international. Et il a obtenu gain de cause.

La possibilité d’exploitation du gaz de schiste est aujourd’hui gelée au sein de l’Hexagone mais ce n’est pas pour autant que les mobilisations se sont éteintes. De nombreux groupes continuent aujourd’hui leur combat que ce soit dans leur propre pays mais aussi avec d’autres populations touchées par l’extraction à travers le monde.

Cette bataille contre le gaz de schiste français a éveillé plus largement les consciences. Les citoyens se sont rendu compte que si le gaz n’était pas exploité chez eux, les entreprises l’exploiteraient ailleurs.

Occupy Chevron

En Pologne, plusieurs entreprises d’extraction comme Chevron ont décidé d’explorer les gisements de gaz de schiste, en toute opacité. Suite à des accords signés avec le gouvernement, elles sont arrivées dans les campagnes polonaises, régions très rurales et vivant majoritairement de l’agriculture et de l’élevage. Il n’y a pas eu de consultation populaire préalable, les discussions s’étant faites majoritairement dans l’ombre.

Le mouvement qui s’est rapidement mis en place a pris le nom d’Occupy Chevron. L’occupation dure maintenant depuis le 3 juin 2013. Paysans et militants se relayent sans relâche sur les lieux d’occupation afin d’empêcher Chevron d’avancer dans ses travaux d’exploration., les personnes mobilisées subissent de manière récurrente des pressions de la part de Chevron. Plusieurs initiatives complémentaires ont été prises comme l’ouverture d’un dialogue avec les autorités polonaises, des actions en justice,… mais rien n’a encore totalement abouti.

Des acteurs internationaux ont été interpellés par la situation des paysans polonais et se sont directement mobilisés. C’est le cas par exemple de l’eurodéputé José Bové qui s’est directement rendu sur les terrains pour marquer son soutien aux paysans. Ce genre de mobilisation n’est plus propre à un pays ou à une zone géographique en particulier mais donne naissance à de véritables solidarités et collaborations entre citoyens vivant la même situation. Les citoyens français touchés par le gaz de schiste se sont eux aussi sentis concernés par les évènements se déroulant en Pologne.

La mobilisation contre l’extraction des ressources naturelles est une possibilité nouvelle pour chaque citoyen de s’exprimer relançant ainsi directement des processus démocratiques nouveaux. Dans un monde où les espaces d’expression politique semblent de plus en plus restreints et où le citoyen n’a que trop peu la parole en dehors des périodes d’élections, ces soulèvements pacifiques nous montrent qu’il est possible d’exprimer son opinion, se faire entendre et d’être ainsi un citoyen pleinement actif au sein de la société.

Il ne reste donc qu’une seule chose à faire : se mettre en mouvement !

Santiago Fischer
Commission Justice et Paix

En savoir plus:

Vous pouvez commander ou télécharger l’étude complète Gaz de schiste et mobilisations citoyennes en Europe de la Commission Justice et Paix sur http://www.justicepaix.be/?article845

Documentaires:

● « Gasland »: le film choc montre les revers de l’exploitation du gaz de schiste aux États-Unis. Un deuxième opus est sorti en 2013.

Gasland, Josh Fox, États-Unis, 2010, 107 min.

● « No Gazaran » : ce film retrace la mobilisation française contre le gaz de schiste. Il suit de bout en bout le chemin parcouru par les acteurs de ce mouvement citoyen.

No Gazaran, Doris Buttignol, Carole Menduni, France, 2014, 90 min.

● « Terres de schiste ». Ce film montre comment cette course au gaz et huiles de schiste constitue un problème sans frontière. Il expose ainsi les liens entre le vote de la loi contre la fracturation hydraulique en France et le début de l’exploitation en Patagonie.

Terres de schiste, Grégory Lassalle, France-Argentine, 2014.

Livres :

« Le mirage du gaz de schiste » : dans ce livre, l’économiste Thomas Porcher montre de manière argumentée comment les industriels véhiculent de fausses idées autour de l’exploitation du gaz de schiste (création d’emploi, relance économique,…).

« Holdup à Bruxelles » : le député européen vert écologie José Bové qui était très présent lors de la campagne contre le gaz de schiste, montre dans son livre à quel point le travail de lobbying prend une place prépondérante au niveau européen notamment dans le cadre d’activités extractives.

Collectifs :

Sur ces pages nous pouvons trouver les informations véhiculées par les collectifs de citoyens opposés à l’exploitation du gaz de schiste. On y retrouve des renseignements non seulement sur la mobilisation en France mais aussi partout dans le monde.

- www.nonaugazdeschistedrome.org (Drôme)
- http://www.stopaugazdeschiste07.org/
- http://www.scoop.it/t/schiste2

Un commentaire sur “Gaz de schiste et mobilisations citoyennes en Europe”

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