« Le système de production et de consommation alimentaires le plus communément appliqué à ce jour est dangereux pour la terre, les écosystèmes et les humains. La voie des réformes alimentaires s’impose. Réforme de l’alimentation et réforme de l’agriculture sont liées. Réforme de l’alimentation et réforme de la consommation sont liées. Réforme de la consommation et réforme de vie sont liées. Toutes ces réformes ont besoin d’être aidées, stimulées par la réforme de la pensée, par les réformes politiques économiques et sociales ». (Edgar Morin, La Voie)
L’industrie agro-alimentaire répond à des objectifs économiques. Au détriment du goût et de la diversité, elle uniformise les espèces et impose ses modes de production. Elle standardise les aliments, leur distribution, la forme de magasins et l’expérience du consommateur.
Avoir l’ambition du « local », c’est accepter et favoriser la diversité : la diversité des productions agricoles, des espèces, des surfaces, des gestes, des lieux de distribution pour répondre à la diversité des êtres et de leurs besoins. En quelques années, les filières courtes pour les produits frais – fruits et légumes, viandes, fromages…- sont passées du stade embryonnaire à l’état de circuits d’avenir. Des initiatives citoyennes ont vu le jour dans notre région, c’est le cas notamment de « La Ruche qui dit oui !» de Templeuve et de Bruyelle, juste à côté de Tournai.
Un circuit court local, participatif et connecté
La première ruche a été créée en France en 2011. Aujourd’hui, il y a plus de 600 ruches en France et en Belgique. Le principe fondateur est de faire accéder les consommateurs à une alimentation de qualité tout en soutenant une agriculture fermière, créatrice d’emplois et de bien- être social.
Une Ruche est un point relais installé chez un particulier et permettant le commerce direct entre producteurs et consommateurs. Les fournisseurs de produits d’une zone géographique donnée proposent de vendre leurs produits directement aux consommateurs (à Templeuve et Bruyelle, les producteurs se situent dans un rayon de 25 km au plus).
Et en pratique ?
Quelques bonnes raisons d’ouvrir une ruche
- Recréer du lien dans son village ou son quartier
- Soutenir les agriculteurs et les artisans de la région
- Permettre aux habitants de se procurer une meilleure alimentation à un prix plus juste
- Mener un projet de façon autonome, qui puisse être unique tout en participant à une initiative collective
Chaque producteur fixe librement le prix juste de ses produits et le minimum de commandes à atteindre pour les livrer. Les consommateurs de cette zone géographique, qui se sont inscrits à la Ruche, ont 6 jours pour passer commande sur le site (plateforme de vente en ligne), de façon très simple en cliquant sur les produits souhaités. Pas d’obligation, pas d’abonnement, chaque membre de la Ruche est libre de commander ou non. La veille de la distribution, chaque membre reçoit la liste complète de ses courses et du montant débité. Le jour J, les consommateurs se retrouvent sur le lieu de la distribution pour récupérer leurs courses.
Nous avons rencontré Valentine Foucart, responsable de la Ruche de Bruyelle et voici son témoignage : « L’idée de me lancer dans la construction d’une ruche (qui dit oui !) m’est venue essentiellement d’une envie de me rapprocher d’une alimentation plus saine, plus locale et du besoin de connaître l’origine des produits que je mange avec ma famille.
Auparavant, je commandais régulièrement des paniers de fruits et légumes. Ce premier pas dans le circuit court m’a permis de retrouver des produits de qualité. Mais le fait de ne pas pouvoir choisir mes produits et le manque de diversité m’ont orientée vers le réseau de « La Ruche qui dit oui ! » à Aix en France.
En tant que consommatrice, j’ai tout de suite été séduite par le concept. Avec « La Ruche qui dit oui ! », j’ai pu trouver une grande diversité de produits de qualité (viande, produits laitiers, fruits, légumes, pain…) tout en pouvant choisir les produits et les quantités. J’ai également apprécié le contact avec les producteurs lors des distributions. Le seul inconvénient était la distance (trop élevée) entre mon domicile et les ruches les plus proches.
L’envie de partager ce mode de consommation dans ma région m’a conduite à me renseigner sur les possibilités d’ouvrir une ruche près de chez moi. Après avoir reçu l’accord de la maison mère de « La Ruche qui dit oui ! », je me suis mise à la recherche d’un local pour les distributions et surtout de producteurs !
Une fois atteint un nombre suffisant de producteurs et de membres, nous avons pu ouvrir notre ruche en septembre dernier et concrétiser cette belle aventure…. »
« Notre participation à la Ruche, c’est l’occasion de nous faire connaître et de faire la promotion de nos produits. Contrairement à une échoppe sur le marché, on sait que tous les produits commandés seront délivrés ; toutes les commandes sont faites avant la distribution, vous n’apportez que ce qui est prévu et vous repartez sans invendus. Bien sûr, si pour le consommateur le fait que les quantités soient standardisées peut poser problème, pour nous au contraire, c’est plus facile : c’est un kg de carottes et pas 1,3 kg. Satisfaction également en ce qui concerne les paiements, ils sont effectués rapidement ».
Claude, maraîcher et fournisseur de la Ruche de Bruyelle
Et demain ? Les circuits courts : effet de mode ou lame de fond ?
Aujourd’hui, les services de « La Ruche qui dit oui ! » permettent d’organiser au mieux la distribution de produits locaux et fermiers. Ils démocratisent ainsi l’accès à une alimentation de qualité et encouragent des modèles de production non seulement créateurs d’emplois mais aussi respectueux des ressources et des équilibres naturels.
Les décisions agricoles se prennent au niveau européen. Le contre-pouvoir doit pouvoir se construire à cette même échelle. En 2014, le réseau continue à essaimer en France en Belgique, et les premières Ruches se lancent en Allemagne, en Espagne et au Royaume-Uni.
Le souhait de « La Ruche qui dit oui ! » est de connecter l’ensemble des consommateurs pour peser plus fortement dans la balance des orientations agricoles et encourager ainsi une production plus humaine, écologique et juste.
Myriam Dellacherie
Article publié dans Eco-Vie n°283, mars – avril 2015 (Revue Spéciale d’Eco-Vie réalisée en collaboration avec le Collectif Roosevelt WAPI)