Le nouveau rapport d’Oxfam « Insatiable richesse : toujours plus pour ceux qui ont déjà tout » contient des chiffres difficiles à encaisser. En 2014, le 1 % le plus fortuné de la population possédait 48 % de toutes les richesses. Si rien ne change, en 2016, ces personnes posséderont plus de patrimoine que le reste de la population mondiale. En 2010, 388 personnes détenaient autant de richesses que la moitié la plus pauvre de la population mondiale et en 2014, ce patrimoine n’était plus partagé que par 80 personnes.
Cette élite fortunée possède des intérêts dans la finance, l’industrie pharmaceutique, le secteur de l’assurance et de la santé. Les entreprises opérant dans ces secteurs dépensent chaque année des millions de dollars en lobbying afin d’établir des lois ou des directives qui protègent et renforcent leurs intérêts. Un exemple du secteur financier : au sein de l’Union européenne (UE), 133,5 millions d’euros sont dépensés chaque année en lobbying sur les institutions européennes. Dans ce même secteur, en mars 2014, la richesse totale des milliardaires européens atteignait 114 milliards d’euros. Les chiffres d’Oxfam se basent sur le Global Wealth Report du Crédit suisse et sur la liste Forbes qui recense les personnes les plus riches du monde. Ils démontrent que les inégalités continuent d’augmenter très fortement au niveau mondial. Celles-ci entravent la lutte contre la pauvreté dans le monde. Une personne sur neuf n’a pas assez à manger et plus d’un milliard de personnes doivent se contenter de moins de 1,11 euro par jour.
Évasion fiscale
Le Président américain Barack Obama et Christine Lagarde, la Présidente du Fonds Monétaire International, se sont montrés en faveur de mesures visant à lutter contre les inégalités. « Nous voulons à présent que ces belles paroles se concrétisent », a déclaré Winnie Byanyima, directrice générale d’Oxfam International. En janvier, Mme Byanyima était coprésidente du Forum Economique Mondiale à Davos, la réunion annuelle des dirigeants d’entreprise et responsables politiques influents. Elle y a fait usage de sa position afin de demander une action rapide contre les inégalités, en commençant par une intervention énergique contre l’évasion fiscale des grandes entreprises, qui fait perdre beaucoup d’argent aux autorités.
Apple, Amazon et InBev ne sont que quelques exemples d’entreprises qui éludent l’impôt à grande échelle. Les multinationales parviennent souvent à ne pas payer plus de 5 % d’impôts, tandis qu’un travailleur belge paye en moyenne 41 % d’impôts sur ses revenus, contre 30 % pour une PME. C’est la législation belge trop laxiste qui donne les moyens aux grandes entreprises de payer si peu d’impôts.
Ebola
À cause de l’évasion fiscale, les gouvernements du monde entier perdent de l’argent, qui pourrait être injecté dans la protection sociale, les écoles et les hôpitaux. Ce sont les personnes vivant dans les pays les plus pauvres qui en sont le plus durement touchées. Selon les estimations de l’organisation internationale Action Aid, en 2011, la Sierra Leone, la Guinée et le Libéria réunis ont perdu 255,6 millions € à cause de l’évasion fiscale des entreprises. Ces trois mêmes pays ont été les plus fortement touchés par l’épidémie d’Ebola au cours de ces derniers mois. Les deniers publics envolés pourraient sauver des vies à court terme dans la lutte contre Ebola.
2015 doit devenir l’année au cours de laquelle les dirigeants mondiaux ajusteront le système fiscal international. Oxfam appelle les dirigeants du monde entier à prendre part, en juillet, au Sommet fiscal mondial. Tous les pays doivent y être invités à trouver des accords concernant un régime fiscal international équitable, de sorte que les pays pauvres disposent eux aussi des moyens financiers dont ils ont besoin pour sortir de la pauvreté.
Lieve Van den Bulck, Esther Favre-Félix, Julien Lepeer, Mieke Vandenbussche
Photo : ©John Furguson
Article publié dans Globo n°49 (mars 2015), le magazine d’Oxfam-Solidarité