Actions citoyennes ou action politique ?
On voit souvent la question de la transition écologique comme un objectif lointain et difficile à atteindre. Rob Hopkins (1) nous encourage pourtant à la considérer comme un processus stimulant auquel nous pouvons participer chaque jour au sein de nos villes et communautés. Cette transition, nous assure-t-il, peut être inspirante, amusante, positive et nourrir notre quotidien. Il suffit, pour s’en convaincre, de regarder les milliers d’initiatives qui fleurissent aux quatre coins du globe !
Dans son dernier ouvrage This changes everything (2014), Naomi Klein insiste quant à elle sur le fait que, face au changement climatique, « il n’y a plus de solutions non-radicales » ! Le rôle des citoyens serait finalement limité et leur action, insuffisante. Un véritable changement de paradigme économique est incontournable et seule l’action politique pourrait avoir un poids suffisamment important pour amorcer un virage rapidement. Adapter son comportement individuel (comme utiliser une voiture électrique) est une chose, se battre pour des politiques qui donnent à tous de meilleures options (des transports en commun de qualité) en est une autre. L’une doit renforcer l’autre…
Innovations sociales
Lire aussi
– Manuel de transition, Rob Hopkins, éd. écosociété, 216p., 2010.
- Ils changent le monde, Rob Hopkins, 210p., éd. Seuil, 2014.
- Les chemins de la transition, article publié sur MondeQuiBouge le 23 février 2015.
La transition, ici et maintenant, ce sont avant tout des milliers d’initiatives qui fleurissent, s’inspirent l’une l’autre, font bouger les lignes d’évidence et font croire à la possibilité d’un futur meilleur. Une innovation sociale, c’est quoi ? Pas forcément une idée partant de rien. Il s’agit le plus souvent d’une réappropriation de quelque chose existant déjà. C’est une façon de rompre avec le modèle dominant en apportant une orientation différente. Concernant l’alimentation, il s’agira de potagers urbains ou de circuits-courts de type GASAP « groupes d’achat solidaires de l’agriculture paysanne » visant à limiter les intermédiaires et à recréer un contact entre producteurs et consommateurs. Le développement des monnaies complémentaires (citons les Service d’Echanges Locaux – SEL) est un autre exemple d’innovation sociale qui se base sur de l’existant (des échanges de biens ou de services) pour l’intégrer dans un modèle neuf. Les systèmes de partage de voitures, le mouvement des villes en transition à géométrie variable, les repair café, les projets de ceintures Aliment-terre naissant dans diverses régions sont autant d’exemples inspirants.
Vers une poétisation du réel
Faire des ponts entre des univers professionnels distincts, créer des initiatives sociales et citoyennes ou y participer, inciter nos représentants politiques à entendre la voix de ceux qui ont des propositions à faire, tout ceci va dans le sens d’une autonomisation des êtres et, en somme, d’une poétisation du réel…
Comme nous y invite Edgar Morin(2), cherchons à « habiter poétiquement la terre ». Cette « habitation » revêt un aspect social et politique car « nous sommes victimes d’une invasion de prose : tout devient quantifié, chiffré et la politique s’est dissoute dans l’économie. On oublie les humains. La résistance de la poésie est inséparable de la résistance de l’amour, qui est la plus forte de notre vie. »
Laure Malchaire, Commission Justice & Paix
(1) Rob Hopkins est géographe et initiateur du mouvement des villes en transition. Il est intervenu lors de la soirée d’ouverture du CIDD, le 20 mai 2015.
(2) « Amour, poésie, sagesse », Edgar Morin, éd. Points, 1999