Quelle est la place de l’éducation dans les questions liées au réchauffement climatique ? Et où trouver les clés de compréhension et les outils nécessaires pour aider jeunes et adultes à mieux cerner cette problématique et à agir à leur échelle ? Voilà bien des questions qui méritent réflexion à l’heure où la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP21) sera bientôt sous le feu des projecteurs.
Réchauffement climatique, le grand inconnu…
« Un élève belge sur trois imagine qu’un voyage (de 900km) en avion est aussi propre voire plus propre que le même voyage en train. »
« Un élève sur deux semble ne pas trop s’inquiéter du réchauffement climatique. Parce qu’il pense que ce n’est pas très grave (36% estiment que « chouette on aura du beau temps ») et/ou parce que « les scientifiques trouveront bien une solution » (31%). »
Tels sont les constats, parmi bien d’autres, émanant d’une enquête menée en 2015 par l’Appel pour une école démocratique (Aped) auprès de 3 236 élèves de la fin du secondaire. L’étude (accessible dans son intégralité sur le site de l’Aped) révèle le manque de connaissances des jeunes en matière de climat et d’énergie.
Pourtant, le réchauffement climatique a sa place sur les bancs de l’école. D’emblée, on pense aux cours de géographie dans le secondaire, mais bien d’autres disciplines sont concernées. Philippe Delfosse, inspecteur général de l’enseignement secondaire ordinaire, en parle dans le tout récent numéro du magazine Symbioses consacré à la question (www.symbioses.be) : « Si on veut comprendre les problèmes du réchauffement climatique, beaucoup de profs devraient intervenir : on peut voir le coût économique du réchauffement (sciences éco) ; l’origine et les conséquences du réchauffement climatique au niveau mondial (géographie) ; la problématique des réfugiés climatiques (sciences sociales et cours philosophiques) ; les conséquences sur l’atmosphère et la biosphère (physique, bio, chimie)… »
Ce qui freine
PISTES PEDAGOGIQUES
Pour outiller et accompagner les acteurs éducatifs (enseignants, animateurs, éducateurs, éco-conseillers…), des associations et des outils pédagogiques existent. Voici quelques liens utiles proposés par le Réseau IDée, qui vous permettront de les découvrir :
> Pistes pédagogiques pour aborder les changements climatiques, sur le site du Réseau IDée. Cette page web propose une réflexion méthodologique et une sélection d’outils pédagogiques téléchargeables : www.reseau-idee.be/climat
> Dossier « Eduquer aux changements climatiques : pourquoi ? comment ? » du magazine d’éducation à l’environnement SYMBIOSES. Avec des articles de réflexion et des reportages mettant en avant des initiatives scolaires et citoyennes : www.symbioses.be
> Des adresses d’associations d’éducation à l’environnement qui proposent des animations et activités en lien avec le climat : www.reseau-idee.be/adresses-utiles > thème : climat
De manière générale, que ce soit à l’école ou dans d’autres sphères éducatives, auprès des jeunes ou des adultes, éduquer au climat est une tâche de longue haleine et difficile. Pour plusieurs raisons.
Il y a tout d’abord un nombre élevé d’informations et de connaissances à maitriser. Comprendre les enjeux du changement climatique exige un bagage en sciences (effet de serre, énergies fossiles, impacts écologiques…) et en sciences humaines (géopolitique, réduction des surfaces habitables amenant des migrations humaines, luttes pour l’accès à l’eau et aux terres cultivables…) et un dialogue entre ces disciplines !
Plusieurs enjeux y sont étroitement liés et peuvent être eux abordés avec tous les publics : alimentation, agriculture, déchets, mobilité, énergie, migrations, pollution, environnement…
Au delà des connaissances, comment donner l’envie et le pouvoir d’agir? Le climat change, mais nous nous avons du mal à changer et les raisons en sont multiples.
Parce que nous avons du mal à ressentir ce qui semble lointain, complexe, invisible.
Parce que la surconsommation est encore une norme sociale très valorisée.
Parce que le prix à payer de revoir fondamentalement nos modes de consommation et de se « décarboniser » (se défaire des énergies fossiles au quotidien) semble trop élevé.
Parce que cela semble se jouer à une autre échelle que l’échelle individuelle (alors que l’action passe aussi par l’individu).
Parce que les processus de déni sont encore énormes.
Prendre connaissance des impacts des changements climatiques est très anxiogène : multiplications des tempêtes, sécheresses, inondations, augmentation du niveau des océans, déplacements et appauvrissement des populations les plus fragiles, insécurité croissante, extinction accélérée des espèces… Les émotions suscitées peuvent être très dures : peur, culpabilité, colère, impuissance, faiblesse…
Face à ces craintes et difficultés, comment faire ? Afin d’outiller et d’accompagner les enseignants, animateurs et éducateurs, il existe des outils pédagogiques et des associations ressources permettant de mieux comprendre les enjeux climatiques, de prendre en compte les émotions, de développer l’esprit critique et la capacité d’action des apprenants. Le Réseau IDée, association d’éducation à l’environnement, et ses membres vous proposent de nombreuses pistes pédagogiques à ce sujet (lire encadré).
Passer à l’action
A l’ombre des hauts sommets, des grands rapports et de leurs retentissements médiatiques, il existe des initiatives aux apparences plus modestes mais aux répercussions non négligeables en matière d’apprentissages et de capacité d’action citoyenne.
Dans les écoles, de nombreuses initiatives sont menées faisant directement ou indirectement le lien avec les enjeux climatiques : programmes d’économies d’énergie et de gestion environnementale ; animations autour du climat, de la mobilité, de l’alimentation, de la prévention des déchets et de bien d’autres thèmes ; accompagnements de projets de cantines durables, de potagers… Afin de permettre aux jeunes de comprendre les changements climatiques, leurs origines et leurs impacts, de leur donner l’envie et la capacité d’agir, l’école fait souvent appel à des associations ayant développé une expertise – tant sur les contenus que sur les approches pédagogiques. Et sur la scène plus politique, un Accord de Coopération en ErEDD (www.coopere.be) réunit les administrations et cabinets ministériels en charge de l’Education, de l’Environnement et du Climat en Wallonie et à Bruxelles, pour coordonner et renforcer les actions d’éducation à l’environnement dans les écoles.
PLAIDER POUR L’EDUCATION A LA COP21
Des pédagogues, associations et politiques se sont réunis pour former le « collectif Paris-éducation 2015 ». Leur but : inclure les enjeux éducatifs et formatifs au sein des prochaines négociations climatiques de la COP21. Une « thematic day » y est d’ailleurs organisée sur l’éducation ce 4 décembre en présence de plusieurs Ministres de l’Education. C’est une première dans ce genre d’événements internationaux ! Accédez à leur manifeste, instructif et très complet, téléchargeable sur http://paris-education2015.org
Des initiatives se dessinent aussi en bien d’autres lieux : au sein des maisons de jeunes et des mouvements de jeunesse ; en famille, lors d’activités proposées par les associations d’éducation à l’environnement ; dans les quartiers, entre citoyens ; lors d’opération de lobbying et de campagnes menées par des associations plus militantes… « Toutes les échelles sont importantes, que ce soit les gestes individuels ou la militance visant à changer les politiques », confie Vincent Wattelet au magazine Symbioses (www.symbioses.be). Ce psychologue et formateur en processus de transition poursuit : « A mon sens, celle qui donne le plus de puissance d’agir et de retour sur investissement, c’est le monde des initiatives collectives locales : les coopératives énergétiques, les groupements d’achat solidaires, les repair cafés, les systèmes d’échanges locaux… Quand ça aboutit, cela donne un véritable sentiment de capacité de transformation. »
Valorisons donc l’éducation au climat et toutes les initiatives éducatives et citoyennes qu’elle sème. Et osons espérer que de leur côté, le monde politique et le secteur économique poseront eux aussi des actions concrètes pour l’avenir.
Céline Teret , avec Christophe Dubois et Joëlle van den Berg, du Réseau IDée