Pour les personnes précarisées, il existe l’aide alimentaire et vestimentaire, mais quasiment rien concernant l’hygiène. Or c’est très important pour l’estime de soi », constate Luc Swysen, Président de la Croix-Rouge d’Auderghem. Il y a quatre ans, il a lancé une Droguerie Sociale et Ecologique, pour apprendre aux personnes précarisées à fabriquer elles-mêmes leurs produits d’entretien lors d’ateliers. De quoi réaliser de sacrées économies. Un ménage dépense en moyenne 250€ par an pour acheter des produits de nettoyage, souvent toxiques et polluants. Ce budget est divisé par cinq lorsqu’ils sont faits maison.
Aujourd’hui, ces ateliers – gratuits pour les démunis – sont aussi accessibles aux personnes qui ont les moyens, moyennant une participation de 20€. « Cette mixité sociale, culturelle et générationnelle est importante pour nous. On a tous à apprendre et à partager sur cette question », souligne le Président, bénévole à temps plein.
Nettoyer les idées reçues
La formation commence par un photo-langage visant à sonder les rapports que nous entretenons avec le « propre ». Les participants vont échanger, déconstruire ensemble leurs idées préconçues. Ça parle pub, javel et autres biocides- tuent-tout, pollution de l’eau et de l’air, impacts dans nos assiettes… Luc brandit un flacon de lessive : « Nous sommes tous formatés par la pub. Si certains produits lavent « plus blanc que blanc », c’est parce qu’on y a ajouté un agent de blanchiment optique, leur odeur ce sont des aromatisants synthétiques… » La dizaine de participants décortique les étiquettes. Des noms barbares fusent : « Formaldéhyde, benzène, toluène, composés chlorés… c’est plein de composés organiques volatiles. » Tout cela a un impact sur notre santé et notre environnement. « La preuve ? Regardez les symboles sur les étiquettes : nocif, irritant, bien aérer la pièce, se laver les mains après usage. Ce seraient des produits qui, à en croire les publicités, sont les plus adaptés pour nettoyer nos maisons.»
C’est là que notre expert en produits écologiques sort sa panoplie d’ingrédients 100% naturels : vinaigre blanc, sel de cuisine, bicarbonate de soude, marc de café, savon, huiles essentielles… « C’est ce qu’utilisaient nos grands-mères. On trouve tous ces ingrédients en supermarché ou, moins cher encore, en droguerie. Les personnes précarisées pourront aussi s’en procurer dans notre droguerie. » De quoi réaliser sept produits d’entretien basiques, pour dix usages : produit de lessive, détartrant WC et désodorisant d’intérieur, nettoyant multi-usage, crème à récurer, liquide vaisselle ou encore huile pour le bois.
Economie, écologie, autonomie
Pour fabriquer ces produits, chacun va mettre la main à la pâte. En suivant les recettes et les conseils des animateurs,pas à pas. « Le produit multi-usage est vraiment efficace pour nettoyer les meubles, les plans de travail. Pour 0,50€, l’écologie est à ma portée », témoigne une participante qui l’a testé chez elle. L’atelier lui a permis de faire des économies, mais a aussi développé son autonomie, tout en préservant sa santé et l’environnement.
A côté des recettes, Luc Swysen égraine ses trucs et astuces. Comment faire briller le cuir ? Il prend une peau de banane et la frotte sur sa chaussure. Nettoyer les ailettes des radiateurs ? Un vieux bas nylon lesté d’un poids. Déboucher et désodoriser les canalisations de l’évier ? Y mettre régulièrement du marc de café. Faire disparaître l’odeur des poubelles ? Du bicarbonate de soude dans le fond du bac. « On peut faire beaucoup de choses avec quelques ingrédients, le tout c’est de le savoir », sourit notre Monsieur Propre, initialement formé par l’asbl écoconso.
En quatre ans d’existence, la Droguerie Sociale et Ecologique d’Auderghem a développé une sacrée expertise. Les bénévoles – parfois d’anciens participants – animent plus de 30 ateliers par an et interviennent dans des Centres Publics d’Action Sociale, des maisons de quartier, des cours d’alphabétisation, des écoles dans le cadre du cours de chimie… Le concept inspire. Des drogueries sociales ont d’ailleurs vu le jour à Charleroi, Gembloux, Berchem. Les produits d’entretien faits maison font tache d’huile.
Christophe DUBOIS
« Article publié dans Symbioses n°109 « Faites-le vous-même(s) ! », magazine d’éducation à l’environnement du Réseau IDée ».