Synergie Wallonie
Les femmes wallonnes veulent participer aux choix de société. Mais leurs choix individuels sont liés, (tout comme pour les hommes !), à l’organisation de la vie publique et à la conciliation entre vie professionnelle et vie privée. En 2002, des associations et des personnes issues du Conseil des Femmes Francophones de Belgique (CFFB) se sont réunies en vue de créer une plateforme constituant un réseau pour dialoguer,échanger et diffuser les initiatives pour permettre la levée des discriminations subies par les femmes et proposer un autre regard sur l’égalité femmes/hommes en Wallonie.
C’est de là, qu’en 2008, est partie la plateforme pluraliste « Synergie Wallonie pour l’Égalité entre les Femmes et les Hommes », aujourd’hui reconnue par la Région comme porte-parole pour l’égalité femmes/hommes en Wallonie. Les objectifs sont importants : réflexion politique, élaboration de recommandations, mise en réseau et valorisation des actions menées particulièrement par des femmes wallonnes. C’est ainsi que le colloque « Temporelles 2016 » a voulu donner la parole à des intervenants issus de différentes sphères de la société : élus, associations, universités, collectivités locales… Une place particulière était donnée au réseau frère français « Tempo territorial » venu présenté des expériences locales dont les bureaux du temps.
Plus d’infos sur http://synergie-wallonie.org
Nous nous concentrerons ici sur un seul des importants sujets d’échange de ce colloque, à savoir : les « Bureaux du temps », initiative présentée par une équipe venue de Rennes. Cette initiative est encore peu connue chez nous, alors qu’en France, il s’en trouve une quinzaine, organisés par les collectivités locales, pour faire face à l’évolution des « temps sociaux ». Ce nouveau vocable désigne les manières d’articuler, de rythmer, de coordonner les principales activités sociales qui ont en effet beaucoup changé ce 21ème siècle, par rapport au travail, à l’éducation, à la famille ou au temps libre. D’où les difficultés des habitants, en ville comme à la campagne, de combiner leurs diverses tâches et responsabilités dans un environnement de plus en plus trépidant et compliqué.
Parents solo, Julie et son voisin
Julie fait partie des nombreuses femmes qui travaillent à temps partiel. Maman solo, elle élève seule ses deux enfants et ne dispose pas d’une voiture. L’aînée vient d’entrer à l’école secondaire, et Julie doit modifier son organisation du matin en fonction des transports en commun. Inutile de faire un dessin : on l’imagine bien le matin s’affairer près du plus jeune qui n’arrive pas à enfiler ses bottines, et rattraper la plus âgée qui a oublié ses tartines. Aujourd’hui, elle doit se rendre à midi chez le dentiste et espère qu’il la soignera à l’heure car il lui faut récupérer ses enfants aux deux écoles et les ramener par le bus. Elle se demande si elle ne devrait pas annuler, mais de toute façon, chaque jour quelque chose se met en travers de son chemin… Il faudrait aussi ne pas oublier de chercher des stages pour le prochain congé scolaire. C’est pressé, sinon il ne restera plus que les activités coûteuses. Et aussi demander au papa de garder les filles le week-end prochain car elle sera mobilisée par son travail. Ah, vivement que les enfants grandissent ! Enfin pas vraiment… Car un jour après l’autre, malgré les soucis et contretemps, c’est trop de bonheur d’être ensemble.
Son voisin pense pareil. Il n’a son fils qu’une semaine sur deux et cela le frustre parfois. Il s’est arrangé avec son patron pour quitter plus tôt le travail durant « sa semaine » et reporter ses heures la semaine suivante. Restent les congés scolaires, conférences pédagogiques et autres grèves pour lesquels il doit s’organiser. Souvent son fils doit rester seul, et à huit ans, il a appris à prendre le tram sans être accompagné. Récemment, distrait, l’enfant n’a pas vu son arrêt et s’est retrouvé dans le tunnel du terminus. En larmes, il a appelé son père avec le GSM qu’il a dans la poche. Mais ses parents étaient coincés au travail, il a dû se débrouiller pour prendre le tram en sens inverse. Dur, dur parfois la vie d’enfant! Et même de parent !
Cadres et personnel d’entretien dans une même action
C’est en 1985, en Italie, que des femmes syndicalistes ont décidé de réfléchir à mieux concilier vie privée et vie professionnelles pour améliorer leur qualité de vie. Cette idée de desserrer l’étau du temps, appelée un peu pompeusement « politique temporelle », visait à identifier les contraintes qu’elles avaient au quotidien pour en venir à bout de leurs charges, rôles et responsabilités familiales et professionnelles, particulièrement en tant que femmes.
À Rennes, même démarche : ce sont des femmes cadres de la municipalité qui se sont emparées du sujet en partant du désir de faire évoluer leur carrière. Mais la question intéressant toutes les catégories professionnelles, 70 % des participantes n’étaient pas cadres ! Parmi elles, les femmes d’entretien. Elles ont fait valoir que, vu qu’elles partaient tôt le matin, rentraient tard le soir, avec en plus des horaires coupés et quelques autres soucis (les problèmes d’organisation, de déplacement en transport public, de coût des gardes d’enfants), leur vie était devenue un véritable casse-tête. S’interrogeant sur leurs propres habitudes et fonctionnements, les participantes à la réflexion ont bien dû reconnaître qu’ils étaient souvent stéréotypés ! Et au bout du compte, ce travail de recherche et de remise en question a mené les travailleuses à négocier des horaires en journée, sans pour autant perturber le travail des employés.
Suite à cette action forte et sous l’impulsion d’un rapport parlementaire sur le « temps des villes », un « Bureau des temps » a été ouvert pour faire une enquête auprès des 4.500 employés qui travaillaient pour la ville de Rennes. Quels étaient les horaires atypiques (week-ends, soirées, temps partiels), les moyens et horaires de transport, les problèmes récurrents, les alternatives envisageables comme le télétravail ? En fin de compte, la problématique du temps traverse tous les besoins et services collectifs, pour les hommes comme pour les femmes. Tous doivent combiner les horaires de travail avec ceux des transports et des services collectifs et ont envie de se libérer pour des activités sportives et culturelles, tout en introduisant quelques loisirs distrayants!
Petite action deviendra grande
La majeure préoccupation des femmes est de rendre l’espace urbain plus égalitaire. Par exemple, à Rennes, un système de guichet unique a été mis en place pour faciliter les inscriptions à la crèche ou à l’école et les modes de garde. En Belgique, à Malmédy, Sophie Lambert évoque la mise en place d’un système de guichet unique pour l’accueil de la petite enfance en accord avec une asbl existante. Et une deuxième action est prévue pour favoriser les horaires décalés ou le télétravail pour les mères sans oublier une sensibilisation au rôle des pères du style « aujourd’hui c’est papa qui conduit », ou « c’est papa qui cuisine ! »
De quoi inspirer, petit à petit, des changements de comportement et instaurer plus d’égalité dans les rôles parentaux !
Godelieve Ugeux
Article publié dans Plein Soleil n°816 (janvier 2017), la revue de l’ACRF – Femmes en milieu rural