Manif contre les violences faites aux femmes
Le 25 novembre, c’est la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. « De près ou de loin, au cours de sa vie, chaque femme est confrontée à différentes formes de violences, parce qu’elle est une femme », souligne l’association Mirabal Belgium. Cette plateforme pour les organisation s’opposant aux violences faites aux femmes organise le 25/11/17 à Bruxelles (départ Gare du Nord, 14h) une manifestation féministe nationale.
Infos: www.facebook.com/mirabal.belgium/ et mirabalbelgium.org
Hasard du calendrier, un rapport spécial de la Commission européenne sur les violences liées au genre était publié au moment même où Donald Trump était élu président. Et à la lecture des conclusions du rapport, l’heure semble être à l’optimisme. Pas tant à cause d’une diminution sensible des violences basées sur le genre en Europe que du fait que la population se dit consciente du problème et qu’elle le condamne vigoureusement. Ainsi, trois quarts (74 %) des citoyens européens disent que la violence domestique à l’égard des femmes est courante dans leur pays et ils sont 96 % à dire qu’elle est inacceptable. En outre, 84 % des Européens sont lucides quant au fait que la violence faite aux femmes est avant tout une violence familiale. Par ailleurs, ils sont plus de la moitié (57 %) à mentionner que les viols sont plus souvent commis par une connaissance de la victime.
Une ombre belge au tableau
Néanmoins, après une analyse plus approfondie des résultats, il faut nuancer cet optimisme. Surtout lorsque l’on s’intéresse de près aux statistiques belges.
Alors qu’en moyenne, les Européens sont trois quarts (75 %) à oser dire que la violence domestique est courante dans leur pays, les Belges, eux, ne sont que deux tiers (65 %) à faire cette confession. En outre, le taux de citoyens belges conscients de ces problèmes a diminué de 12 % depuis 2010. N’est-ce pas là le signe d’un manque criant d’efficacité des dernières campagnes de sensibilisation en Belgique ?
D’autant plus quand on sait que 15 % des Européens estiment que la violence domestique est une affaire privée qui doit se régler en famille. Et là encore, notre pays se distingue par son retard effarant. En Belgique, un citoyen sur quatre juge que cette violence intra familiale ne regarde pas la loi! Et ce raisonnement va même plus loin. Plus d’un Belge sur trois (35 %) juge ne pas devoir dénoncer des faits de violence domestique parce que cela ne le concerne pas. Précisons, là encore, que la moyenne européenne est bien en-dessous de la belge avec un taux de 25 %.
Une goujaterie pas si « trumpienne »
Lors de la course à la Maison Blanche, les révélations de harcèlements et de propos orduriers attribués à Donald Trump ont suscité une vague d’indignation de ce côté de l’Atlantique. En cette matière, sommes-nous si différents des USA, incarnés par leur président milliardaire ?
Notons tout d’abord que la violence psychologique est sous-estimée et que trop peu sont conscients de sa gravité. Pour 44 % des Européens, « le fait de dénigrer de façon incessante sa-son partenaire de manière à générer un sentiment d’infériorité ne devrait pas être illégal ». Ils sont plus nombreux que ceux qui jugent que cela concerne la justice (39 %). Pire encore, près d’une personne sur cinq pense que prendre le contrôle sur quelqu’un en l’isolant de son entourage ou en lui confisquant ses papiers, son argent ou son téléphone ne devrait pas être illégal.
Ce n’est pas tout : 18 % des Européens considèrent qu’il ne devrait pas être illégal de toucher un-e collègue de manière inappropriée. Notons que les proportions sont similaires pour l’envoi de courriels ou de messages à caractère sexuel.
Cette violence est même encore davantage tolérée lorsqu’il s’agit du harcèlement ordinaire de rue. Deux Européens sur cinq (41 %) considèrent, en effet, que faire des commentaires ou des blagues sexistes et outrancières en rue ne devrait pas être puni par la loi. I est intéressant de remarquer que ce taux est le même en Belgique malgré le très grand bruit médiatique et politique qu’a fait le documentaire tourné dans les rues de Bruxelles en 2012 et qui a débouché sur une loi condamnant de un mois à un an de prison et/ou à une amende de 50 à 1000 € l’auteur de tout geste ou comportement qui a pour but d’exprimer un mépris envers une personne en raison de son sexe.
Le plus effrayant peut-être est qu’une personne sur dix en Belgique, comme en Europe en général, trouve qu’il ne devrait pas être illégal d’avoir une relation sexuelle forcée avec sa partenaire !
« Elle l’a bien cherché »
Le dernier lieu d’investigation de l’enquête aborde la plus insupportable des violences basées sur le genre: le viol. Et, là encore, les chiffres révélés sont loin d’inviter à l’optimisme.
Près d’une personne sur quatre en Europe et en Belgique (22 %) estime que les femmes exagèrent lorsqu’elles se disent victimes de viol. Horrifiant quand on sait combien il est difficile pour une femme d’oser en parler et de dénoncer son agresseur. Mais le plus grave est qu’une femme sur cinq (20 %) partage ce même avis. Et les plus âgées sont plus dures encore avec les victimes de viols : 23 % des femmes de 55 ans et plus estiment que ces plaignantes affabulent ou exagèrent, soit plus que la moyenne européenne! Si un Européen sur six (17 %) est convaincu qu’un viol est souvent provoqué par la victime, il est effarant, à nos yeux, de constater que les femmes âgées de 55 ans et plus sont encore plus nombreuses à le croire (20 %).
Enfin, l’étude s’achève sur un point si affligeant qu’il ôte définitivement le droit aux Européens de faire des leçons de morale aux électeurs de Donald Trump. En effet, il se fait que 27 % de la population, soit plus d’une personne sur quatre, estime que le viol peut trouver une justification dans les circonstances suivantes :
• si la victime est saoule ou se drogue;
• si elle rentre volontairement à la maison avec son agresseur;
• si elle porte des vêtements provoquants ou sexy;
• si elle ne dit pas clairement non ou si elle ne repousse pas son agresseur ;
• si elle a flirté avec son agresseur;
• si elle marche seule la nuit;
• si elle a plusieurs partenaires sexuels;
• si son agresseur ne se rend pas compte de ce qu’il fait ;
• si son agresseur exprime des regrets.
Le malaise que l’on peut éprouver à la lecture de ces données est encore accentué lorsque l’on sait qu’en Belgique, quatre personnes sur dix (40 %) estiment, en effet, qu’il peut y avoir des justifications au viol. Et un citoyen sur vingt en Belgique trouve une justification au rapport sexuel non consenti si l’agresseur exprime des regrets, soit le pire taux de toute l’Europe.
Cessez de faire l’autruche !
En somme, ces derniers temps, sous le prétexte de nos valeurs européennes, nous avons dénoncé le fait qu’en Inde, des victimes de viols sont contraintes d’épouser leur agresseur, ou encore qu’en Turquie, une loi allant dans ce sens ait été proposée au vote de l’Assemblée. Bien sûr, nous nous sommes aussi insurgés contre la misogynie affichée par Donald Trump et ses premières décisions concernant l’IVG. Nous pouvons également pointer du doigt la Russie de Vladimir Poutine qui vient de dépénaliser la violence intra familiale pour des faits n’entraînant pas l’hospitalisation. Mais l’honnêteté nous pousse à balayer aussi devant notre porte et à fustiger d’autant plus fort l’ahurissante passivité, voire permissivité, dont font preuve les citoyens européens et belges, plus particulièrement, en matière de violence faite aux femmes.
Les chiffres évoqués doivent pousser les acteurs de terrain à revoir leurs modes d’action. Remarquons, à ce propos, que les composantes politiques francophones du pays viennent de se doter d’un nouveau plan contre les violences sexistes et intra familiales et ont relancé une campagne au slogan éclairant : « Rien ne justifie la violence conjugale. » Cependant, cela ne doit pas s’arrêter là. Il faut déjouer tous les stéréotypes et les clichés qui poussent à cette banalisation de la violence de genre. Et cela est particulièrement de notre devoir, à nous, Mouvement de femmes en milieu rural.
Car sans ce travail sur les mentalités, ces statistiques n’auront aucune chance de baisser. Ainsi, rappelons qu’en Wallonie, 18 viols sont commis chaque jour, qu’une victime sur deux est mineure (53 %), qu’une affaire de coups et blessures volontaires sur quatre concerne de la violence conjugale et enfin qu’une femme sur trois (36 %) en Belgique a subi des violences physiques et/ou sexuelles depuis l’âge de 15 ans. Combien de temps encore allons-nous nous cacher la tête dans le sable ou pire, trouver des justifications à de tels faits?
Corentin de Favereau, chargé d’études et d’analyses
Article de Plein Soleil n°825 (novembre 2017), la revue de l’ACRF – Femmes en milieu rural