Contre-sommet citoyen et mobilisation euro-africaine
Deux événements à venir organisés par le CNCD – 11.11.11. en marge du prochain sommet européen :
- Manifestation pour la Justice Migratoire : grande mobilisation dans les rues de Bruxelles. RDV > Métro Arts-Loi, Bruxelles, 13/12, 17h. Infos : www.cncd.be/Manifestation-euro-africaine
- Contre-sommet citoyen : journée d’ateliers, débats, rencontres qui cherchera à analyser la situation mais aussi à proposer des solutions.
RDV > De Markten/ Kaaitheater / Canal, Bruxelles, 12/12 – 9h30 – 20h30. Infos : www.cncd.be/121217-bruxelles-contre-sommet-citoyen
Qu’entendez-vous par « migrations environnementales » ?
On entend par là l’ensemble des personnes qui doivent se déplacer à cause d’une perturbation de leur environnement. Que cette perturbation soit brutale ou plus lente, naturelle ou d’origine humaine. Cela englobe un très large champ de migrations, qui peuvent être provoquées par un tremblement de terre, un ouragan, la montée des eaux, une sécheresse… Les migrations dites « économiques » qui arrivent aujourd’hui en Europe sont aussi largement des migrations environnementales. Par exemple, en Afrique, une famille qui souffre de la désertification, dont la terre ne permet plus de la nourrir, va envoyer un fils à la ville pour trouver du travail. Il ne va pas trouver de travail et va tomber dans les griffes d’un passeur qui va l’emmener au Niger puis en Libye. Il va ensuite arriver en Europe, où on l’appellera migrant économique alors que ce qui l’a poussé à quitter son village au départ est une raison environnementale.
Les migrations environnementales ne sont pas différentes des autres migrations. Il ne s’agit pas de définir une catégorie migratoire, mais plutôt de mettre en lumière le rôle et l’importance croissante que les dégradations de l’environnement ont dans les raisons qui poussent les gens à quitter leur domicile.
Quel est l’impact du réchauffement climatique et des pollutions sur les migrations ?
Chaque année, les catastrophes naturelles déplacent 25 millions de personnes et 86% de ces déplacements sont dûs à des catastrophes d’origines hydro-climatiques : ouragans, inondations, sécheresses… Et l’on sait que le nombre et la puissance de ces catastrophes vont s’accroître avec les changements climatiques. Ceci dit, l’Europe accueille très peu de migrants. Il faut savoir que les trois quarts des migrations dans le monde sont des migrations internes, à l’intérieur d’un même pays.
Les responsables politiques européens sont surtout préoccupés par le tri entre migrants économiques – qui choisiraient de fuir la misère – et réfugiés politiques, forcés de fuir la guerre. Vous refusez que l’on enferme les migrants dans ces catégories…
Cette logique de tri en fonction du motif de migration n’a aucun sens et ne correspond à aucune réalité empirique. Aujourd’hui, les itinéraires sont fragmentés et les facteurs politiques, économiques et environnementaux de la migration s’entremêlent. L’environnement représente une ressource économique pour un très grand nombre de populations, la dégradation de l’environnement a des conséquences politiques, et les politiques menées ont des conséquences sur l’environnement. On ne peut pas séparer ces causes les unes des autres, il faut essayer de les comprendre dans leur ensemble. La plupart des migrations sont multifactorielles. Par exemple, on ne peut pas comprendre les conflits actuels en Syrie si on ne comprend pas la sécheresse très grave qui a affecté le pays entre 2007 et 2011 et le mécontentement social qu’elle a provoqué. Même si, évidemment, c’est la manière dont le pouvoir a géré ce mécontentement social qui a déclenché la guerre. Les dégradations de l’environnement ont toujours été un très grand facteur de révolution et de troubles politiques.
Souligner ces causes environnementales ne reviendrait-il pas à dépolitiser ces conflits ?
C’est oublier que l’environnement est profondément politique. Rien n’est véritablement naturel. Il ne s’agit pas de nier la responsabilité des uns et des autres, mais au contraire de repolitiser les causes environnementales des migrations et des conflits.
On parle peu des populations piégées, incapables de bouger…
On imagine souvent que les premiers à se déplacer sont les plus misérables, qu’ils représentent « la misère du monde », alors qu’en réalité la migration demande beaucoup de ressources. C’est vrai pour les migrations en général – on le voit avec les réfugiés syriens – mais c’est aussi le cas après une dégradation de l’environnement. Lors d’une catastrophe naturelle, les premières personnes à partir seront souvent les plus riches, les plus instruites, les plus jeunes. A l’inverse, les populations les plus vulnérables seront souvent incapables de migrer, faute de ressources.
Comment, via des activités d’éducation à l’environnement, participer à une vraie politique d’accueil des migrants ?
En matière de migration, en Belgique comme en Europe, les attitudes de l’opinion publique restent très largement façonnées par des images, des préjugés et des récits médiatiques qui ne reflètent pas du tout la réalité et la complexité des migrations. Il y a un rôle très important de l’éducation au développement durable pour essayer de réconcilier les perceptions des migrations par le public avec les réalités empiriques de ces migrations, dans toute leur complexité. Malheureusement, si on veut aborder sérieusement et pragmatiquement la question des migrations, il faut faire le deuil de la simplicité.
Y a-t-il, selon vous, des liens entre les migrations humaines et les migrations animales ou végétales ?
Oui, bien sûr ! D’abord parce que les changements climatiques induisent des déplacements de végétaux et d’animaux et parce que, de tout temps, les migrations humaines ont été liées à la présence d’animaux et de végétaux. La présence de ressources naturelles, de terres arables, a été un élément majeur dans la distribution mondiale de la population sur la planète. Nous sommes à l’aube d’une nouvelle distribution de ces ressources et donc de ces populations.
Propos recueillis par Christophe Dubois
Article publié dans SYMBIOSES n°116 « Migrations » (4e trimestre 2017), magazine d’éducation à l’environnement du Réseau Idée
(1) Atlas des migrations environnementales, F. Gemenne, D. Ionesco et D. Mokhnacheva, Sciences Po Les Presses, 2016
Les émigrants belges d’hier, miroir d’aujourd’hui
« Ce sont des profiteurs », « Ils font venir toute leur famille », « Ils imposent leur religion », « Ils refusent d’apprendre notre langue »… Ces préjugés à propos des immigrés et des réfugiés, vous les avez déjà certainement entendus, au détour d’une discussion. Or, les Belges aussi, un jour, en ont été victimes, alors qu’ils fuyaient la misère (au 19e siècle), la guerre (en 1914 et 1940), les persécutions politiques ou religieuses (au 16e siècle). Qui étaient ces émigrants belges ? Pourquoi ont-ils tout quitté ? Et comment ont-ils été accueillis et considérés dans les pays où ils se sont installés ? C’est ce qu’a retracé le CIRE à travers une exposition, une brochure et un cahier pédagogique (1) reprenant des documents d’archives. De quoi constater combien la réalité des émigrants belges d’hier fait écho aux stéréotypes subis par les immigrés d’aujourd’hui… Extraits choisis.
La crise économique et agricole
La crise agricole qui frappa le Brabant wallon et la province de Namur à la fin du 19e siècle provoqua la migration vers les Etats-Unis de nombreux agriculteurs pauvres, qui vendirent leurs modestes biens pour payer le voyage en bateau et à pied, se faisant au passage extorquer quelques sous. A la même époque, le nord de la France « importe » des ouvriers belges, car ceux-ci acceptent des salaires plus bas que les Français. Cela déclenchera de véritables « chasses aux Belges ».
Les guerres
Durant les deux guerres mondiales, des centaines de milliers de réfugiés belges ont trouvé asile dans les pays voisins. De nombreux préjugés défavorables circulaient à leur sujet : ils troublaient l’ordre public, prenaient le travail des Britanniques ou au contraire se complaisaient dans la paresse grâce à l’aide sociale qui leur était attribuée…
« Il me semble qu’il y ait eu un parti pris dans certains journaux anglais, depuis quelques temps, de mettre en évidence et de signaler particulièrement à leurs lecteurs les actes répréhensibles relevés chaque jour à l’égard de l’un ou l’autre Belge. Un vol, ou une dispute, ou un délit d’ivresse publique dans lesquels est impliqué un Belge sera généralement publié sous un titre à sensation par ces journaux », raconte Edmond Carton de Wiart (1916).
D’après Pierre-Alain Tallier, « l’exil fit apparaître ces petites différences culturelles qui, à la longue, agacèrent les citoyens bien-pensants des pays d’accueil, particulièrement dans les pays de tradition protestante. En Suisse, comme en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas, on reproche aux Belges leur manque de tact, leur absence de respect pour la tradition du repos dominical, leur comportement bruyant dans les lieux publics.»
(1) Ces productions du CIRE, rééditées en 2014, sont téléchargeables sur www.cire.be. Elles se basent sur le livre « Les émigrants belges », sous la direction de Anne Morelli, éd. Couleur Livres, 1998.