« Installe-toi confortablement. Ferme les yeux doucement. Ecoute le silence se faire, le passage plus ou moins flou du bruit au silence. Voilà une première frontière. »
Alors que la voix poursuit calmement sa narration, enseignants et futurs enseignants, éducateurs et animateurs s’immergent petit à petit dans le rêve éveillé « Au-delà des frontières ». La lecture du texte terminée, ils sont invités à s’exprimer, à partager leurs ressentis et émotions, oralement ou par écrit, mots ou dessins déposés sur le papier. Pour vivre, en partie, ce qu’ils feront peut-être vivre à leur public, jeunes ou adultes, au sortir de cette formation à la mallette pédagogique pour la Justice migratoire, réalisée par un collectif d’associations (1).
Rêve éveillé
L’animation « Au-delà des frontières » a été conçue par une série d’acteurs du secteur de l’Education à la citoyenneté mondiale et solidaire (ECMS). Le texte proposé à la lecture est d’ailleurs issu d’un atelier d’écriture entre ces partenaires. Alice Beck, du CNCD – 11.11.11., revient sur le processus de création : « Quand on parle de la question migratoire, on se voit souvent confrontés à des réalités lourdes, des constats difficiles, des violences : décès sur le parcours migratoire, mineurs voyageant seuls… Pour que les jeunes ne se retrouvent pas désabusés par rapport à tout cela, nous avons voulu créer une animation qui permette d’ouvrir les perspectives. »
Basé sur l’imagerie mentale, le rêve éveillé vise à éveiller et ré-enchanter l’imaginaire autour de la question des frontières. A changer l’image négative trop souvent véhiculée au sujet des personnes migrantes. Et à s’interroger, aussi, sur les possibles et les limites de la liberté de circulation. S’évader, tout simplement, au gré de la lecture d’un texte, là, à l’instant donné… « La technique du rêve éveillé, issue de la psychanalyse, est quelque chose d’assez nouveau pour notre secteur qui a plutôt l’habitude d’être très ancré dans les faits, poursuit Alice Beck. D’une personne à l’autre, cette animation sera vécue très différemment. Certains sont bousculés ou touchés, d’autres transportés ou émerveillés, d’autres encore n’arriveront pas à rentrer dedans. D’où l’intérêt de poursuivre avec différentes formes d’expression et d’entrer dans un processus créatif. »
C’est pourquoi l’animation s’accompagne de propositions d’actions à réaliser avec des groupes adultes ou des jeunes : création culturelle et artistique, rencontre avec des personnes migrantes, action de sensibilisation sur la migration…
Migrations dans le temps
La mallette Justice Migratoire du CNCD – 11.11.11. et de ses partenaires contient d’autres outils pédagogiques, préexistants, adaptés ou nouveaux. 18 en tout. Parmi ceux-ci, le jeu « Au temps des migrations », élaboré par le Centre Régional d’Intégration du Brabant Wallon (CRIBW), permet de découvrir les migrations à travers le temps.
En ce jour de formation, les participants sont d’ailleurs invités à placer par ordre chronologique la quinzaine de cartes étalées sur la table. « La convention de Genève ?… Hmmm, c’était quand ça encore ? », « Avant ou après l’accord avec l’Espagne pour faire venir des travailleurs ? ». « Et cette carte avec la demande de statut de réfugié climatique, c’est récent, non ? On la place à la fin ? ». La chronologie correcte dévoilée, Isabelle Van Bunnen du CRIBW pointe les exploitations possibles avec différents publics : « Ce jeu vous permet d’aborder l’émigration belge les siècles précédents. Il revient aussi sur les multiples causes de migration : économique, guerre, climat… Sur l’évolution de la politique migratoire en Belgique : d’abord l’ouverture quand il s’agissait de recruter de la main d’œuvre dans nos mines, puis la fermeture progressive des portes de notre pays… » Faisant ainsi le lien avec notre triste actualité.
Afin d’inviter à l’action plutôt qu’à la morosité, le CNCD – 11.11.11. propose aux écoles des animations ainsi que, pour le secondaire, un soutien logistique ou financier pour la réalisation de projets créatifs sur la Justice migratoire. L’ensemble de ces productions formera une fresque collective lors d’un événement en avril 2018. A l’image d’une solidarité à tisser collectivement.
Céline Teret
Article publié dans SYMBIOSES n°116 « Migrations » (4e trimestre 2017), magazine d’éducation à l’environnement du Réseau Idée
(1) Caritas International, le CIRE, Asmae, Amnesty International, le Monde selon les Femmes, Quinoa, SCI, Bruxelles Laïque, CEC, LHAC, ULB-Coopération, Oxfam-Solidarité, MagMA, CRIBW, Solidarité Mondiale, PAC, sous la coordination du CNCD-11.11.11. Plus d’infos via ce lien.
Service éducatif du CNCD – 11.11.11. – 02 250 12 55- education@cncd.be – www.cncd.be