L’inhumanité est là devant nous et on se demande si un jour ça va s’arrêter. Les politiques (anti-)migratoires ne cessent de se durcir au vu et su de toutes et tous, partout dans le monde. En touchant aux enfants, l’inadmissible semble atteint. Les lignes de force vont-elles bouger pour autant?
Suite au tollé suscité par sa politique de séparation des familles migrantes aux frontières de son pays, le président américain Donald Trump a peut-être fait un petit pas en arrière, mais ça ne l’empêchera pas de poursuivre sa politique de « tolérance zéro ». Pour en savoir plus sur ce qui se passe du côté américain :
- « Tolérance zéro » aux Etats-Unis : l’avenir des familles immigrées en péril, Libération, 20/06/2018
- Séparation des familles de migrants : Trump contraint de reculer, Le Monde, 20/06/2018, ainsi que la vidéo liée à l’article
Chez nous, la liberté de la presse est mise à mal après l’arrestation de journalistes venus couvrir une mobilisation contre la construction d’un centre fermé pour familles avec enfants près de Zaventem. Jusqu’où ira-t-on? Il y a quelques jours, près de 300 associations lançaient un appel au gouvernement belge : les enfants n’ont pas leur place en centre fermé. Cet appel, que vous pouvez lire ci-dessous, se conclut en ces mots : « On n’enferme pas un enfant. Point ». Ce matin, la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) sortait un autre communiqué. Le mot de la fin y est identique, à peu de chose près, puisqu’il est assorti d’un : « Et on n’empêche pas non plus les journalistes de faire leur travail. »
Presse muselée et enfants enfermés s’ajoutent au lot quotidien de personnes chassées aux frontières parce qu’elles n’ont pas les papiers adéquats, de jeunes et moins jeunes mettant leur vie en danger pour quitter leur pays, quitte à monter dans un bateau bondé, quitte à s’accrocher sous un bus… Ceux et celles qui, dans leur bureau oval ou dans l’hémicycle, optent pour la « zéro tolérance » ou pour une « politique humaine mais ferme » (dixit le gouvernement belge) semblent bien loin des réalités vécues par les personnes migrantes. Bien loin aussi de l’action des citoyen·ne·s qui, au quotidien, viennent en aide aux personnes migrantes, les soutiennent, les côtoient, les hébergent…
Ces citoyen·ne·s et associations qui, hier, se sont mobilisé·e·s en masse à l’occasion de la Journée mondiale des réfugiés ont-ils seulement été entendu·e·s ? Ces 65 000 signatures de citoyen·ne·s pour une politique migratoire plus humaine déposées devant le bureau du Premier ministre belge pèseront-elles dans la balance ? Les « décideurs » prendront-ils seulement la peine d’y poser un oeil attentif?
Céline Teret
Photo : Ciré
Appel des associations au gouvernement fédéral : les enfants n’ont pas leur place en centre fermé
281 associations des secteurs associatif, de la jeunesse, de l’enseignement, des mondes culturel, social, sportif, confessionnel et autres appellent le gouvernement à faire marche arrière sur son projet de détenir des enfants en centre fermé. Voici leur appel.
Dans quelques semaines, peut-être même dans quelques jours, des enfants seront à nouveau enfermés en centre fermé en Belgique. Nous, organisations des secteurs associatif, de la jeunesse, de l’enseignement, des mondes culturel, social, sportif, confessionnel et autres, ne pouvons le tolérer. Nous appelons aujourd’hui le gouvernement à ne pas franchir cette ligne rouge et à renoncer à son projet.
Des enfants, qui ont souvent grandi en Belgique, seront bientôt arrachés à leur école, à leur club de sport, à leur cercle d’amis, à leur quartier, pour être mis derrière les barreaux, uniquement parce que leurs parents n’ont pas de titre de séjour en Belgique. D’autres y seront emmenés alors qu’ils viennent à peine d’atterrir sur le sol belge, à la recherche d’une vie meilleure mais sans que leurs parents aient le droit d’accéder au territoire.
Pour mener à bien ce projet inhumain, le gouvernement fédéral a choisi un lieu sordide : les enfants seront enfermés avec leurs familles à côté du centre 127 bis, à Steenokkerzeel, à 250 mètres de la piste d’atterrissage de l’aéroport de Bruxelles-National. Que la détention ne dure qu’une nuit, qu’une journée, qu’une heure… aucun prétexte ne justifie qu’un enfant se retrouve enfermé.
Notre position : On n’enferme pas un enfant. Point.
La détention d’enfants viole les droits de l’enfant. La détention d’enfants pour des raisons migratoires va toujours à l’encontre du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant.
L’impact négatif et profond de la détention sur la santé, le développement et le bien-être des enfants a été démontré à maintes reprises, même lorsqu’il s’agit de très courtes périodes de détention dans un environnement prétendument « adapté ».
Tous les enfants, qu’ils soient réfugiés, demandeurs d’asile, sans papiers ou non, doivent être traités comme des enfants, dans le respect de leurs droits fondamentaux et en accord avec le droit international.
Tous les enfants doivent être libres. La liberté est un droit humain fondamental. Un enfant ne peut jamais être mis en détention sur base de son statut migratoire ou de celui de son parent.
Tous les enfants doivent être soignés et protégés. Dans toutes les décisions qu’un État prend concernant les enfants, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale.
Nous, 281 organisations belges, appelons donc le gouvernement fédéral à abandonner immédiatement son projet de détenir des enfants en centre fermé.
On n’enferme pas un enfant. Point.
>> Voir la liste complète des signataires sur le site du Ciré