Quelques définitions (1)
>LGBTQI+ : Lesbienne, Gay, Bisexuel.le, Trans, Queer, Intersexué.e.
>Lesbienne : femme ayant une attirance affective et/ou sexuelle envers une autre femme.
>Gay : homme ayant une attirance affective et/ou sexuelle envers un autre homme.
>Bisexuel : personne ayant une attirance sexuelle et/ou affective pour les hommes et les femmes.
>Transgenre : ce terme reprend toutes les personnes qui ont en commun de se reconnaître dans un autre genre que celui qui leur a été assigné à la naissance. Les personnes trans désirent souvent, mais pas tout le temps, changer de prénom, prendre des hormones (testostérone, oestrogène, progestérone), s’épiler (femmes trans), faire certaines opérations (il y en a quatorze différentes et très peu de personnes trans désirent faire les opérations génitales). À noter que ce ne sont pas les opérations qui font qu’on est trans, ce qui compte avant tout c’est la reconnaissance sociale de son identité de genre par autodéclaration.
>Queer : personne qui se revendique comme n’appartenant pas aux normes de genres ou d’orientations sexuelles.
>Intersexué.e : personne qui est intersexuée au niveau de ses chromosomes, de sa variation d’hormones ou au niveau de son anatomie génitale. Par exemple, les personnes dont les organes génitaux sont dits variants ; c’est-à-dire qu’ils ne sont pas définis ni comme mâles, ni comme femelles, selon les standards normés qui ne prévoient que deux cases « femelle » ou « mâle ».
Les personnes LGBTQI+ sont susceptibles d’être exposées à des discriminations nombreuses : harcèlement au travail ou en famille, harcèlement de rue, plus grands freins dans l’avancement professionnel… Ce sont toutes les dimensions de la vie qui sont concernées : milieux religieux, sportifs, scolaires, médicaux, en particulier pour les plus jeunes.
En cette année des 70 ans de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, l’accès à certains droits, pour une majorité des personnes LGBTQI+ en Belgique (et a fortiori dans le monde), est encore restreinte du fait même de leur différence.
Malgré les avancées énormes de la société belge dans les dernières décennies, il s’agit d’une population encore fortement exclue.
Ainsi, les jeunes LGBTQI+ sont davantage sujets au suicide et aux addictions. Les chiffres sont variables et n’existent pas pour la Belgique. À titre d’exemple, pour le Centre de ressources sur la prévention du suicide (2), le taux de suicide serait de 1,5 à 3 fois plus élevé chez les jeunes LGBTQI que chez les jeunes hétérosexuels. Une étude canadienne estime que ce taux est 12 fois plus élevé (3).
Ils sont également plus souvent victimes d’agressions verbales et physiques que le reste de la population (en France métropolitaine, 53% des LGBTQI+ ont déjà fait l’objet d’insultes, de moqueries ou d’agressions physiques (4)), mais aussi d’un manque de connaissances et de compréhension dans le milieu médical ou scolaire.
L’impact personnel est variable : ce peut être un simple sentiment de décalage, de la peur, des problèmes de santé physique et mentale à long terme mais aussi des pensées suicidaires suivies ou non de passage à l’acte. Le risque de connaître la précarité est également plus important pour ces jeunes.
C’est pourquoi l’ONU s’est penchée sur la question des LGBTQI+ qui vivent à la rue. Dans certains pays, la situation est réellement préoccupante.
LGBTQI+ et SDF : d’autres difficultés
Les personnes qui vivent à la rue connaissent un certain nombre de difficultés bien connues pour se nourrir, se protéger du froid, se soigner, se laver, etc. La rue est un lieu d’insécurité permanente et de violence. Le sommeil y est de mauvaise qualité et les problématiques de santé mentale et d’addiction y sont souvent plus intenses.
De leur côté, les jeunes LGBTQI+ sont également confrontés à des difficultés particulières d’ostracisation. Nous en avons déjà listé quelques-unes.
Les deux situations couplées – le fait d’appartenir à une minorité et d’être à la rue – additionnent les difficultés les unes aux autres et en font naître de nouvelles.
Les jeunes qui se retrouvent à la rue peuvent connaître une véritable descente aux enfers, perte des repères sociaux, consommation d’alcool et de stupéfiants, problèmes mentaux. Il est difficile de sortir de ce cercle vicieux.
Dimitri Verdonck, gestionnaire du Refuge (8), donne également l’exemple d’une personne homosexuelle ou transgenre qui vit à la rue : « Cette personne se retrouve dans une situation de promiscuité avec des gens qui connaissent eux aussi la précarité, mais qui est difficile à gérer. De plus, dans certains centres d’accueil pour sans-abri, personne n’est préparé à accueillir une personne
LGBTQI+ qui a des difficultés particulières en plus de celles qui sont liées à la pauvreté. Une exclusion s’ajoute à l’exclusion. »
Mais pourquoi les jeunes LGBTQI+ ont-ils plus de risques que d’autres de connaître la rue ?
Aux États-Unis (5), on estime qu’il y a 500.000 sans-abri, 40% d’entre-eux s’identifient comme LGBTQI+. Cette situation n’est pas nouvelle. Dès le XIXe siècle, les premiers médecins qui se sont penchés sur la question de l’homosexualité avaient repéré que les homosexuels masculins constituaient une part importante des populations sans abri.
A priori, il n’y a pas de chiffres collectés pour la Belgique. Le Centre interfédéral pour l’égalité des chances, Unia (6), explique que les méthodes employées pour recenser les personnes qui vivent à la rue se veulent les moins intrusives possibles par rapport à la vie privée. Cependant, Alias (7), une association d’accompagnement psycho-médico-social destiné spécifiquement aux hommes prostitués à Bruxelles, souligne que les prostitués masculins (qui ne sont pas tous LGBTQI+) sont pour un grand nombre des SDF.
Une enquête néerlandaise (9) récente menée à Amsterdam a mis en évidence que la plupart des jeunes LGBTQI+ qui se retrouvent à la rue, soit fuient des situations familiales dangereuses pour eux, soit ont été chassés de leur famille. C’est ainsi que certains jeunes se retrouvent sans toit, sans moyens de subsistance, sans soutien de leurs proches.
C’est le cas de Samuel. Dans le reportage « Homos, la haine (10) », il témoigne : « J’ai grandi dans un milieu juif orthodoxe, j’ai eu une enfance heureuse ». Tout bascule lorsque sa mère découvre qu’il est amoureux d’un autre jeune homme. Il a alors 18 ans. Du jour au lendemain, Samuel subit des brimades de la part de ses parents : interdiction de parler à ses frères et sœurs, punitions, coups, linge non lavé, privation de ses effets personnels.
La situation empire de jour en jour jusqu’au point de non-retour : un jour, son père le bat et le met à la porte. « Aujourd’hui, je me dis que vivre sous un pont n’est pas la pire des choses. J’ai découvert des sous-sols dont j’ignorais l’existence. Je croyais être au plus bas, mais il y avait encore un étage moins 1, un moins 2. Il y avait même un moins 5. Je n’en avais aucune conscience jusque- là. »
La situation extrême vécue par Samuel n’est, fort heureusement, pas générale. La majorité des familles accueillent leurs enfants LGBTQI+, fût-ce après un cheminement. Néanmoins, les violences et les rejets intrafamiliaux restent relativement répandus.
Des jeunes qui ont tout pour réussir se retrouvent « au moins 5 », parce qu’ils sont LGBTQI+. Parce que leur famille est bien souvent effrayée et n’est pas prête à les accueillir.
Le Refuge
Pour un jeune adulte ou pour un adolescent qui se retrouve brusquement sans appui, sans être prêt à assumer son autonomie, un accompagnement est évidemment nécessaire. Et pour être efficace, il faut que cet accompagnement prenne en compte l’ensemble de sa personnalité, y compris les questions liées à l’identité de genre ou à l’orientation sexuelle.
Les structures qui peuvent accueillir les personnes concernées à la fois par les problématiques de la rue et les questions des LGBTQI+ sont rares. Pour apporter une réponse efficace, aider les personnes à sortir de la rue et à construire une vie digne, ces deux situations doivent pourtant être abordées ensemble et de manière adaptée. C’est la mission du Refuge, qui vient d’ouvrir à Bruxelles. L’association existe en France depuis 2003. Un partenariat avec Le Refuge en France a permis de soutenir son implantation à Bruxelles.
L’équipe accueille ou accompagne les jeunes LGBTQI+ de 18-25 ans, parce que leur milieu familial n’accepte pas leur identité et qu’ils se retrouvent sans aucun soutien. Il vise les résidents bruxellois en danger et en besoin d’un encadrement et il est susceptible d’accueillir des francophones, des néerlandophones, mais aussi des étrangers et des personnes en demande d’asile.
Dimitri Verdonck explique que Le Refuge comprend un appartement pour le logement de personnes contraintes à la rue [les places sont cependant limitées à ce jour]. Mais c’est également une structure d’accueil pour des gens qui ne sont pas hébergés et qui ont besoin d’accompagnement.
Il est nécessaire que cet accompagnement soit holistique. Le refuge s’organise en trois pôles :
L’objectif est bien entendu, à terme, que le jeune puisse quitter le refuge, être autonome et le plus épanoui possible dans la société.
Enfin, un accompagnement au niveau de la santé mentale et physique est bien souvent nécessaire. « En général, ce sont des gens qui ont déjà connu plusieurs mois de galère et d’errance. Ils ont souvent de grands besoins sur le plan de la santé. »
Dimitri Verdonck conclut en disant que Le Refuge s’insère dans un tissu d’associations LGBTQI+ qui travaillent nécessairement de manière complémentaire, entre autres contre la pauvreté, mais aussi au renforcement de l’estime de soi et à la prévention santé.
Pour ces jeunes adultes, qui ont des difficultés à être reconnus et éventuellement à se reconstruire après avoir connu le rejet et la rue, ce travail est essentiel.
Même si la société belge est avancée au niveau juridique en matière d’inclusion des LGBTQI+ l’évolution de la situation de terrain et des mentalités sont parfois plus lentes que le droit (11). Elles avancent d’ailleurs aussi grâce à un travail de sensibilisation auprès du grand public ; c’est ainsi que le vivre ensemble devient peu à peu une évidence.
Jean-Guillaume DeMailly
Extrait de l’analyse « Jeunes LGBTQI+ sans logement : quand la différence conduit à la précarité », 2018, de Vivre Ensemble
Lire l’intégralité de cette analyse sur www.vivre-ensemble.be
(1) A. Roucloux et L. Didi, Guide des jeunes LGBTQI, les CHEFF asbl, Namur
(2) http://www.sprc.org/ (visite du 30/11/2018)
(3) https://www.healthyplace.com/gender/glbt-mental-health/homosexuality-and- suicide-lgbt-suicide-a-serious-issue/#ref (visite du 30/11/2018)
(4) https://www.stophomophobie.com/une-personne-lgbt-sur-deux-a-deja-fait-lobjet- dinsultes-de-moqueries-ou-dagressions-physiques-en-france-metropolitaine/
(5) http://webtv.un.org/watch/jeunes-sans-abri-lgbt-/5524729599001/?lan=french (visite du 15/10/2018)
(6) http://www.alias-bru.be/alias/presentation/ (visite du 30/11/2018)
(7) https://www.unia.be/fr (visite du 30/11/2018)
(8) https://www.refugeopvanghuis.be/
(9) N. de Groot, Afiah Vijlbrief et Michelle Emmen, Netherlands centre for Social Development (Movisie), Out on the streets, juillet 2018
(10) https://www.youtube.com/watch?v=OqnDiT6cwUA
(11) http://www.bepax.org/publications/analyses/la-belgique-et-la-population-lgbt-l-ecart-entre- la-legislation-et-la-realite,0000914.html