Depuis quand l’envie de réduire votre impact sur l’environnement sous forme de camps Zéro Déchet (ZD) est-elle apparue ?
Thomas Legast : Depuis 2017, nous travaillons en collaboration avec l’association Zero Waste Belgium. Les véritables camps Zéro Déchet ont été lancés lors de l’été 2018. Depuis lors, Zero Waste Belgium est donc notre partenaire pour l’accompagnement pédagogique des camps qui s’inscrivent volontairement dans une démarche Zéro Déchet. Après leur participation à un camp ZD, les staffs ont la liberté de poursuivre la démarche de manière autonome. Le rôle de la fédération est de proposer un programme, des outils, des méthodes pour construire les animations, développer des compétences pour les jeunes scouts qui seront les adultes de demain, des citoyens responsables, autonomes, libres et conscients.
Concrètement, comment se traduit cet accompagnement ?
TL : Avec Zero Waste Belgium, nous avons construit un parcours en cinq étapes, qui commence chaque début d’année civile. Tout d’abord, il y a des soirées de sensibilisation à destination des staffs. Ensuite, ils sont conviés à une grande journée de formation collective où interviennent également d’autres associations expertes, dont Fristouille et Empreintes. Ensuite, ZWB soutient la préparation des camps, donne des conseils et rend visite lors du camp. Enfin, la dernière étape, est celle de l’évaluation. Elle permet de récolter beaucoup d’informations. C’est l’opportunité pour les staffs d’échanger sur leurs expériences, leurs succès respectifs, les pistes d’améliorations. Ensuite, ZWB reviens vers nous afin de débriefer du projet sur base des informations collectées sur l’ensemble des camps.
Sur son site web, la fédération des Scouts met à disposition des idées et des conseils pratiques pour organiser une activité, un hike, ou un camp dans une démarche Zéro Déchet et en limitant son impact environnemental. Rendez-vous sur : https://lesscouts.be/zero-dechet.html?L=0
Quel sont les secrets d’un camp ZD parfaitement conçu ?
TL : Généralement, les camps qui fonctionnent le mieux sont ceux où les animateurs ont pris du temps pour expliquer la démarche aux parents. Les parents soutiennent alors le projet et aident pour différentes choses. A partir du moment où les parents sont contributeurs, ils permettent aussi aux animateurs de mieux s’organiser et surtout d’anticiper. Anticiper est primordial. Par exemple, il faut établir le contact à l’avance avec les commerces locaux car il faut de grosses quantités de provisions. Les projets réussissent mieux, aussi, lorsque le staff et les cuistots (intendants) sont sur la même longueur d’onde, ont les mêmes objectifs et sont tous impliqués.
Finalement être scout, c’est aussi être autonome…
TL : En effet. Avec Zero Waste Belgium, nous mettons le programme en place, nous offrons ces formations mais nous n’avons pas le contrôle sur tout. Il y a une quantité phénoménale d’initiatives prises par les unités, qui ont lieu sans être passé par ce parcours formatif. Au-delà de ces 30 camps formés ces dernières années, il y a des centaines de projets ZD qui ont été réalisés par les unités de la fédération des Scouts. On le constate généralement sur les réseaux sociaux, via des photos, ou publications qui nous sont adressées. Les équipes d’unité sont bien sûr les premières au courant de ce qui se passe localement. C’est très encourageant pour nous, cela signifie que nos unités prennent des initiatives positives. Certes, nous sommes une structure de soutien, nous donnons des formations, des outils, publions des informations, mais ce sont les animateurs qui font le travail éducatif. Parfois, eux-mêmes ne se rendent pas compte qu’ils sont véritablement des acteurs de l’éducation des enfants qui leur sont confiés, de leurs scouts.
Les jeunes scouts ont conscience de l’importance de cette démarche ZD ?
TL : Effectivement. Parfois, le retour des parents est partagé car leurs enfants ne veulent plus de déchets à la maison. De notre côté, nous pensons que lorsque l’on conscientise les enfants, les répercussions peuvent être très fortes. Un camp ZD sensibilise via la mise en pratique. C’est un moment unique dans l’année, c’est un test, un levier pour s’essayer avec cette manière de fonctionner. Si l’expérience est concluante, nos animateurs peuvent plus facilement adapter leur mode de vie au quotidien. Finalement, beaucoup de personnes sont touchées par le projet ZD : les animateurs, les intendants, les enfants et même les parents.
Un exemple d’un camp Zéro Déchet ?
TL : Les jeunes scouts ne savent pas toujours qu’ils participent à des camps ZD. Cela dépend vraiment de l’organisation, de l’unité, etc. Cet été, il y a eu un camp de louveteaux (8-12 ans) sur le thème de l’Atlantide. Les enfants étaient baignés dans un contexte de monde sous-marin. Le niveau de l’eau s’était élevé car nos prédécesseurs n’avaient pas bien géré leur production de déchets et protéger la planète. Ils ont pris conscience par eux-mêmes des raisons pour lesquelles leur camp était « différent ». Par exemple, au lieu que chacun apporte sa bouteille de shampoing, ils ont fabriqué ensemble leur propre shampoing, sans déchet.
L’organisation de ces camps rencontre parfois des difficultés ?
Le suivi des menus est souvent une difficulté, car avec l’approche Zéro Déchet, il faut changer les menus, les recettes habituelles. Fristouille, association experte en alimentation avec laquelle nous collaborons, nous donne des conseils et facilite cette transition.
Par ailleurs, le budget est également une crainte qui s’avère finalement souvent peu justifiée. En soustrayant les frais de location et les frais d’activités, les frais d’alimentation sont plutôt raisonnables dans un budget de camp lorsqu’on les rapporte par scout, par jour. Dans une démarche ZD, les quantités achetées sont moindres et plus justes (pour éviter de gaspiller). Cet été, un staff a même rapporté que leur budget alimentaire était passé à 4,8€ par scout, par jour, contre 5,7€ le camp précédent qui n’était pas ZD.
Finalement les camps ZD, cela donne quoi comme résultat ?
TL : Les résultats sont très positifs dans l’ensemble. En réalité, il n’y a pas réellement de points négatifs. Certains camps ont vraiment bien fonctionné. D’autres camps, pour lesquels la dynamique globale du projet était moins au rendez-vous, ont dû investir une plus grande énergie pour surmonter les difficultés rencontrées.
D’une manière générale, on remarque que pour l’ensemble des camps visités, il y a une diminution notoire de minimum 30 à 50% de leurs poubelles en comparaison avec l’année précédente !
Des idées pour la suite ?
TL : Même si nous en sommes à nos débuts, la machine est bien lancée. C’est une trame de fond, qu’on espère durable. Et, au-delà des camps, une grande partie des animateurs qui en ont fait l’expérience transforment vraiment leur manière de fonctionner, de vivre, de consommer. Cette répercussion-là a vraiment un impact direct sur la société. Par ailleurs, les scouts sensibilisés vont à leur tour un jour devenir de jeunes adultes qui feront des choix de vies éclairés. C’est cette force, dans la transmission des valeurs et le passage à l’action, caractéristique du scoutisme, qui permet un large rayonnement dans la société au travers nos 60.000 membres.
Propos recueillis par Safia Choujaâ
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